Enquête

Pourquoi il est urgent que les filles investissent les formations et métiers scientifiques

La recherche scientifique compte seulement 28% de femmes françaises, contre 33% au sein de l'Union européenne.
La recherche scientifique compte seulement 28% de femmes françaises, contre 33% au sein de l'Union européenne. © Hugo Félix / Adobe Stock
Par Etienne Gless, publié le 06 mars 2020
5 min

L'égalité des sexes reste un combat dans les formations et les métiers des sciences, des technologies, de l'ingénierie ou du numérique. Sous représentées, les filles sont peu nombreuses dans les métiers liés aux nouvelles technologies ou dans les carrières de chercheurs. Le manque de filles dans ces filières représente aussi un énorme manque à gagner pour l'économie.

610 à 820 milliards d'euros de plus d'ici 2050 ! C'est ce que rapporterait à l'Europe la fin des disparités dans le secteur des sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STEM) selon le rapport "Les femmes au cœur de l'économie", remis en janvier dernier aux pouvoirs publics par Chiara Corazza, directrice générale du Women's forum.

Mais l'environnement reste discriminant pour les filles : les stéréotypes de genre et les préjugés culturels ont la vie dure et influencent les filles dès le plus jeune âge et encore au moment de leurs choix d'orientation. "Les femmes sont généralement amenées à occuper des rôles dans le secteur social, de la santé et les humanités tandis que les hommes ont plus tendance à s'orienter vers les sciences", constate Chiara Corazza.

Des choix d'orientation très "genrés" dès le lycée

Dès l'entrée en seconde, l'écart se creuse : dans les lycées généraux, les filles représentent presque 80% des effectifs dans les cursus littéraires (79,8%) et plus de la moitié (60,1%) des cursus économiques. Elles sont encore minoritaires dans la filière scientifique (47,4%). En terminale scientifique, les élèves qui ont choisi la spécialité "sciences de l'ingénieur" ne sont des filles qu'à 15,2%. Elles sont un peu plus nombreuses (29,3%) dans la spécialité "informatique et sciences du numérique".

En lycée technologique, les cursus les plus féminisés sont ceux des sciences et technologies de la santé et du social (87% de filles) et des sciences et technologies de laboratoire (59,6%). Par contre la filière STI2D (sciences et technologies de l'industrie et du développement durable) ne comporte que 7,7% de filles. L'insuffisance de femmes dans ces filières se retrouve dans les études supérieures et, plus tard, dans le monde du travail.

Métiers de la technologie : un environnement "hostile", selon le Women's forum

Dans le secteur technologique, porteur de métiers d'avenir, plus de trois quarts des employés (76%) sont des hommes. Par exemple, dans l'informatique, on ne compte en France que 27% de codeuses. Difficile aussi de faire carrière dans la tech : neuf postes à responsabilités sur dix sont trustés par les hommes.

Dans l'intelligence artificielle on ne compte que 22% de femmes dans les métiers d'expert ou de concepteur, ce qui peut générer des biais de genre

: il est prouvé que la reconnaissance faciale est fiable pour 99% des hommes mais les algorithmes commettent 35% d'erreurs dès qu'il s'agit de reconnaître des femmes à peau foncée. La cause est bien sûr la prédominance masculine dans les équipes de conception des algorithmes.

D'après le rapport du Women's forum, le domaine de la tech est devenu "hostile" aux femmes. En tout cas, il est perçu comme tel : plus de la moitié des femmes qui entament une carrière dans le secteur en changent par la suite, contre moins d'un homme sur trois. Motifs ? Le faible soutien des managers, le manque d'opportunités de carrière et l'absence d'équilibre des temps de vie dissuadent une majorité de femmes d'y rester toute leur vie professionnelle. Signe de cette désaffection, le nombre de femmes diplômées de formations technologiques telles que le numérique ou l'ingénierie est en baisse : il a diminué de 6% entre 2013 et 2017.

Recherche scientifique : seulement 28% de chercheuses

La France est aussi en dessous de la moyenne européenne pour la part de femmes dans la recherche en science : 28% contre 33% au sein de l'Union européenne. Les femmes professeures d'université sont également sous représentées dans le domaine des sciences, de l’ingénierie, des mathématiques et des technologies : elles ne sont que 21,9%. Une situation déplorable car les carrières professionnelles les plus valorisées socialement et financièrement restent celles des domaines des sciences et des technologies.

Parmi les 610 personnalités récompensées d'un prix Nobel scientifique depuis 1903, on ne compte que 19 femmes.

En 2020, il faut encore rappeler qu'aucun métier n'est à compétence exclusivement masculine et que le seul être humain à avoir décroché deux prix Nobel dans deux disciplines scientifiques différences (physique et chimie) est une femme : Marie Curie, évidemment !

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