Décryptage

À l'école, pourquoi les filles sont-elles moins confiantes que les garçons ?

Selon la chercheuse Manuela Spinelli, les attentes de l’école ne sont pas les mêmes envers les garçons et les filles.
Selon la chercheuse Manuela Spinelli, les attentes de l’école ne sont pas les mêmes envers les garçons et les filles. © Adobe Stock/nsit0108
Par Charlotte Mauger, publié le 29 août 2023
5 min

INFOGRAPHIE. Une étude rapporte que les filles ont moins confiance en leur réussite scolaire que les garçons. L’explication de ce phénomène ne tient pas dans les niveaux à l’école, mais plutôt dans des stéréotypes de genre intégrés dans la société, qui se répercutent notamment sur l’impression de réussite à l’école.

Peu importent les notes, peu importe la classe, peu importe la matière, les filles ont moins confiance en leur réussite scolaire. C’est le résultat d’une étude menée par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) et publiée en juin 2023.

Pour arriver à ces résultats, environ 1,5 million d’élèves en classe de sixième, de seconde (professionnelle et générale et technologique) ou de première année de CAP ont été interrogés. Après des évaluations d’acquis en mathématiques et en français en début d’année, ils devaient indiquer si oui ou non, ils pensaient avoir réussi le test.

Les filles pensent moins souvent avoir réussi un examen

À chaque niveau, le sentiment de réussite des filles était inférieur à celui de leurs camarades masculins. L’écart se creuse encore plus sur la réussite en mathématiques : environ 49% des filles de seconde générale et technologique pensent avoir réussi le test contre 67% des garçons.

Et disons-le immédiatement : non, les filles ne sont pas moins performantes. Le niveau scolaire n’a rien à voir dans cet écart.

Manuela Spinelli, enseignante-chercheuse à l’université de Rennes (35), est spécialiste des questions de genre. Pour elle, l'explication est plutôt à chercher du côté des stéréotypes véhiculés (bien souvent sans s’en rendre compte) par l’éducation, la famille ou la société, qui jouent un rôle dans la construction des garçons et des filles et notamment sur leur rapport à la réussite à l’école.

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Peu de modèles féminins pour se projeter dans la réussite

"Les jeunes filles n’ont presque pas de modèles féminins dans lesquels se reconnaître. Que ce soit en mathématiques ou en littérature, il y a une invisibilisation des femmes", regrette Manuela Spinelli. Quand on imagine un génie, bien souvent, c'est l’image d’un homme brillant qui nous vient en tête, ce qui peut, à tort, mettre en tête que l’excellence est forcément masculine.

"Même en français, une discipline dans laquelle les femmes sont en majorité, les œuvres étudiées à l’école sont souvent celles d’hommes", ajoute la chercheuse. Ce qui explique peut-être aussi pourquoi, même en français, les filles se montrent moins confiantes sur l’obtention de bonnes notes.

Corrections genrées dès l'école

Une autre explication tient dans les attentes de l’école, qui ne sont pas les mêmes envers les garçons et les filles. Des études en psychologie ont, par exemple, mis le doigt sur des façons de noter les copies de mathématiques qui diffèrent. "Les professeurs ont tendance à surestimer une mauvaise copie de fille et sous-évaluer une copie moyenne d’une autre fille", décrit Manuela Spinelli.

Un professeur qui a en tête - même inconsciemment - le stéréotype que les filles sont moins performantes en mathématiques que les garçons, aura tendance à plus encourager celles qui ont des difficultés, mais aussi plus de mal à voir une bonne copie faite par une fille.

"Cette différence de traitement est intégrée par les élèves", assure la chercheuse. Ainsi, si filles et garçons ont conscience de ces différences, alors une fille pourrait avoir plus de mal à savoir quand elle a réussi.

Plus de pression pour réussir

De plus, dès l’enfance "s’est implicitement mis en place le fait que la prise de risque lors d'un examen n’est pas la même pour une fille et un garçon, décrit Manuela Spinelli. Les filles sont souvent davantage valorisées quand elles se comportent bien et quand elles ont de bons résultats. C’est ce qu’on appelle le syndrome de la bonne élève."

Étant plus encouragées à travailler et à réussir, elles peuvent donc, lors d'un examen, ressentir plus de pression sur leur note.

Les familles n’attribuent également pas la réussite des garçons et des filles aux mêmes facteurs. Une étude a par exemple montré que les parents ont tendance à expliquer la réussite en mathématiques de leur garçon par son talent, et celle de leur fille par son travail.

Des conséquences sur les choix d’orientation

On pourrait être tenté de se dire : est-ce grave ? À niveau équivalent, les filles réussiront peut-être aussi bien dans leurs études et leurs carrières. "Mais non, la confiance pèse sur l’orientation scolaire", souligne Manuela Spinelli. Même si ce n’est pas le seul facteur, il fait partie des éléments qui vont brider les filles dans leurs choix. "Elles risquent de s’empêcher de faire des choses", appuie-t-elle.

Alors pour que les filles soient moins touchées par le manque de confiance, la chercheuse penche sur deux choses à mettre en place : former les professeur(e)s aux inégalités et stéréotypes et améliorer la visibilité des génies féminins dans les manuels scolaires.

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