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Avec quels profs et pour quels élèves ? L'organisation encore imprécise des groupes de niveau au collège

Le processus de sélection des élèves pour constituer les groupes de niveau demeure flou.
Le processus de sélection des élèves pour constituer les groupes de niveau demeure flou. © Fred MARVAUX/REA
Par Clément Rocher, publié le 15 avril 2024
5 min

La mise en place des groupes de niveau au collège à partir de la rentrée 2024 soulève de nombreuses questions dans les établissements. En premier lieu le nombre d'enseignants pouvant encadrer ces groupes et la sélection des élèves.

Prévue à partir de la rentrée prochaine, la mise en place de groupes de niveaux en français et en mathématiques pour les classes de 6e et 5e rencontre beaucoup de résistance parmi la communauté éducative. Mais cette mesure, qui s'inscrit dans le cadre du plan "Choc des Savoirs" initié par Gabriel Attal, alors ministre de l'Éducation nationale, suscite aussi de nombreuses interrogations chez les syndicats enseignants.

Concrètement, des zones d'ombre subsistent autour du recrutement des professeurs, de la répartition des élèves dans les groupes ou encore de la gestion des emplois du temps.

Un manque de professeurs en français et en maths

Mettre en place des groupes de niveau nécessite avant tout de recruter des professeurs de lettres et de mathématiques. Mais il semble compliqué de trouver un nombre suffisant d’enseignants dans les deux disciplines concernées d’ici le mois de septembre. "Les lettres et les mathématiques sont deux des disciplines les plus touchées par la crise de recrutement", confirme Jean-Rémi Girard, président national du SNALC.

Un constat également partagé par le ministère de l’Éducation nationale, qui lance dès à présent le recrutement de contractuels. "Nous avons une politique très volontariste de recrutement. Actuellement, les concours de recrutement ne permettent pas de satisfaire les besoins que nous avons", a reconnu Nicole Belloubet, ministre de l’Éducation nationale, lors de son audition par les sénateurs de la commission de l’Éducation et de la Culture du Sénat, le mercredi 3 avril.

La ministre a également évoqué la possibilité "de faire appel à des enseignants récemment retraités, qui souhaiteraient, en français et en maths, assurer quelques heures dans des établissements, à proximité de leur domicile."

"Cela confirme la crise d’attractivité que connaît notre métier. Les considérations politiques l'ont emporté sur les considérations pédagogiques, les choses ont été très peu anticipées", analyse Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU.

Comment les élèves seront-ils sélectionnés ?

Autre composante : organiser des groupes de niveau nécessite de faire un tri parmi les élèves, en fonction de leurs connaissances en français et en maths. Mais le processus de sélection demeure encore flou.

"Au SNES-FSU, on a lancé ce mot d’ordre : on ne triera pas les élèves à la prochaine rentrée. On essaye de voir comment on peut garder la main sur la façon de faire les groupes sans faire des groupes de niveau […] Tout laisse à penser qu’on a la possibilité de définir l’enseignement en groupe", affirme Sophie Vénétitay.

"Pour l’instant, il n’y a pas de règle. Le ministère délègue à l’autonomie des établissements, poursuit Jean-Rémi Girard. On peut commencer l’année en classe en entière pour avoir un peu de temps afin d'organiser les groupes, mais ce ne sont pas des conditions correctes d’enseignement, ni pour les élèves, ni pour les enseignants."

L'utilisation des évaluations nationales en français et en mathématiques organisées en début d'année est en outre une solution désapprouvée par le SNALC. "C’est rarement un élément primordial chez les professeurs de français et de maths qui accordent une confiance assez limitée à ces évaluations, considère Jean-Rémi Girard. En français, elle n’évalue pas l’ensemble de la discipline, car les élèves n’écrivent pas."

Risque d'un emploi du temps confus

Avec l'instauration des groupes, les syndicats craignent enfin que l'emploi du temps des élèves soit illisible. "Aligner toutes les heures de français et de maths des classes de 6e et 5e, c’est créer des emplois du temps qui vont être abominables pour les élèves comme pour les personnels", soutient Jean-Rémi Girard.

Le président national du SNALC redoute également que des établissements soient contraints de supprimer des heures liées à des options ou à d'autres dispositifs pour créer ces groupes de niveaux. "Cela n’aide pas à susciter de l’adhésion au sein des établissements", s'exprime-t-il.

Le ministère de l’Éducation nationale a également confirmé qu’il était possible pour les élèves de changer de groupe en cours d’année scolaire. "On parle quand même d’élèves de 11-12 ans. En plus de trier les élèves, cela va aussi les déstabiliser dans leur organisation", appréhende Sophie Vénétitay.

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