Reportage

A l'université Paris 8, une timide reprise en présentiel

Le retour en présentiel est plus simple à organiser en master et dans les filières avec peu d’étudiants, comme dans ce M1 de photographie à l’université Paris 8.
Le retour en présentiel est plus simple à organiser en master et dans les filières avec peu d’étudiants, comme dans ce M1 de photographie à l’université Paris 8. © Amélie Petitdemange
Par Amélie Petitdemange, publié le 19 mars 2021
6 min

Les étudiants peuvent revenir une fois par semaine en cours, depuis le 8 février. Pourtant, 40% d'entre eux restent à distance et la mise en place de ce jour de présentiel est très inégale selon les formations. Reportage à l'université Paris 8.

Depuis le 8 février, les étudiants peuvent revenir en cours une fois par semaine, sur la base du volontariat. Les établissements doivent respecter une jauge de 20% de la capacité d'accueil de l'établissement.

L’université Paris 8-Saint-Denis n’a aucun problème à respecter la jauge maximale de 20%. En moyenne, 10% des étudiants sont présents par jour. La distanciation physique est facile à appliquer : les locaux sont immenses et les étudiants peu nombreux, moins de 10.000 par semaine. Une ambiance de fin du monde règne dans les couloirs et quasiment toutes les salles de cours sont inoccupées.

"Beaucoup d'étudiants sont confinés chez leurs parents et préfèrent maintenant le distanciel. Ils se sont habitués à Zoom, ils ne paient plus leur loyer, ils ne veulent pas être forcés à faire du présentiel", témoigne Arno Gisinger, enseignant-chercheur à Paris 8. Au début du dispositif, peu d’étudiants sont revenus dans son cours. Désormais, les trois quarts sont de retour mais les effectifs varient grandement selon les semaines.

Locaux désaffectés

Le port du masque, l’utilisation de gel hydroalcoolique et l'aération régulière sont respectés. "Mais nous n’avons pas les moyens de désinfecter les chaises et tout le matériel. Le temps et le budget manquent, les bâtiments sont immenses et vieux... C'est déjà complexe à nettoyer hors Covid", affirme Arno Gisinger. Les couloirs paraissent en effet désaffectés, des salles sont en travaux, les sanitaires sont inondés, et les bâtiments contiennent de l'amiante.

Ce jeudi 4 mars, une dizaine d’étudiants du master 1 "Pratiques, histoires, théories de la photographie" sont présents pour un séminaire sur leurs travaux de mémoire. Ils prennent leur pause dans une cour de l'université. "Le simple fait de fumer une cigarette ensemble sauve les étudiants, il y a tout un aspect social", commente Arno Gisinger.

"Le présentiel est un gros avantage"

"Je suis revenu cette semaine pour me remotiver, j’étais dans le sud chez mes parents depuis quatre mois. Niveau cours ça allait, mais le lien social me manquait. J'étais à la campagne, ça fait une éternité que je n'avais pas vu des gens", illustre Quentin Clouet, un de ses étudiants.

"Pour des études artistiques, le présentiel est un gros avantage. Les cours sur Zoom ne permettent pas de discuter dans les couloirs, de voir le travail des autres, d'échanger de façon informelle et d’avoir des idées", ajoute Antoine Leroy, également étudiant en M1 de photographie. Aujourd'hui, installés en cercle dans une salle, ils peuvent discuter de leur avancée sur leur mémoire avec leurs camarades et leur professeur. Ils se postent ensuite derrière l'écran de Quentin pour commenter son travail.

"On navigue à vue"

Le retour en présentiel reste cependant assez flou, raconte un autre étudiant, Flavien Durand. "Parfois on ajoute un ordinateur pour inclure ceux qui ne sont pas venus, parfois non. On navigue à vue, ça change chaque semaine. Si la possibilité de venir un jour par semaine perdure, je continuerais à venir".

Une possibilité qui n’est pas partagée par tous les étudiants, explique leur professeur. "Depuis la semaine dernière, je reçois des mails d'étudiants qui ne peuvent pas revenir. C’est compliqué, car je ne veux pas les punir. J'ai fait un sondage : la moitié des étudiants voulait rester en distanciel, notamment pour des questions logistiques".

"Environ 40% des étudiants ne reviennent pas. Certains ont trouvé un équilibre dans l’enseignement à distance, d’autres ont des problèmes de transport, d'autres encore ont rendu leur appartement", a déclaré fin février Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur. Le présentiel un jour par semaine est aussi complexe pour les étudiants qui doivent suivre certains cours à distance et d'autres sur place dans la même journée.

"Le grand risque, c'est de perdre les étudiants"

Certains professeurs voudraient par ailleurs être vaccinés avant de reprendre leurs cours en présentiel. "Cela a été une discussion avec ma femme qui est enceinte, mon retour sur place présente des risques", témoigne Arno Gisinger. "Mais le grand risque, c'est de perdre les étudiants décrocheurs". L’enseignant en master de photographie est revenu dès que possible. En master, le présentiel est plus simple à mettre en place qu’en licence, car les promotions sont nettement plus réduites. La mise en place du jour de présence facultatif varie grandement selon les universités, les filières et même les cours.

En photographie, la pratique fait par ailleurs partie intégrante du cursus. Si les TP étaient autorisés en présentiel pendant le confinement, cela n'a pas suffi. "Au département photo, il y a des cours pratiques qui ne sont pas des TP. Lorsque les étudiants présentent leurs photographies, on ne voit pas grand-chose sur Zoom…", raconte l'enseignant. La théorie a donc pris le dessus, bouleversant la formation et la pédagogie. "Cette année, nous allons continuer sur ce modèle bancal", se résout Arno Gisinger. "Nous avons de l’espoir pour l’année prochaine".

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