Enquête

Université : la sélection gagne du terrain

Fac sélective
La sélection à l'université s’impose progressivement depuis une quinzaine d'années. © Cultura / suedhang / PlainPicture
Par Aurore Abdoul-Maninroudine, publié le 10 février 2017
1 min

Fin 2016, la loi autorisant les universités à sélectionner à l’entrée du master a été promulguée. Cette réforme, impensable il y a peu, témoigne d’une nette évolution des mentalités. Elle s’accompagne néanmoins de la création d’un droit à poursuivre ses études en master.

Cela faisait quelque temps que l'on sentait le vent tourner. Il y a un an déjà, dans un sondage effectué sur le site de l’Etudiant, une majorité de lycéens et d’étudiants se déclaraient favorables au principe de la sélection à l’université, et ce dès le premier cycle !

Une surprise, voire une petite révolution, confirmée plus récemment par un sondage IFOP-l’Etudiant de novembre 2016. Là encore, une majorité d’étudiants (56 %) approuvaient la réforme de l’accès en master. “Ce pourcentage est très significatif : il est en phase avec l’actualité et les débats qui agitent l’université, note François Kraus, directeur du pôle politique à l’IFOP. Quand on regarde attentivement la question de la sélection dès la licence, ils sont 52 % à l’approuver, contre 44 % en 2012 : c’est une vraie nouveauté. Il faut y voir le triomphe d’un certain réalisme, sans doute.”

Objectif : 60 % d’étudiants inscrits à la fac

Les mots “sélection” et “université” ont pourtant longtemps été antinomiques. Dans les années 1960 et 1970, la France connaît une grande période de démocratisation de l’enseignement supérieur, et ce sont les universités qui accueillent l’immense majorité des flux d’étudiants. Contrairement aux classes préparatoires et aux grandes écoles, l’accès aux universités est régi par un principe de non-sélection, édicté dans le Code de l’éducation : “Le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat.”

Conséquence directe : alors que les universités accueillaient 215.000 étudiants en 1960, ils étaient 661.000 en 1970 et 1,5 million en 2016. Une évolution qui n’est pas près de s’arrêter, puisque l’objectif de la Stratégie nationale pour l’enseignement supérieur et la recherche est d’intégrer 60 % d’une classe d’âge à l’enseignement supérieur, contre 40 % actuellement.

De nombreuses exceptions à la règle

Malgré la hausse des effectifs, les lois successives ne reviennent pas sur le principe de non-sélection à l’entrée du cycle licence. Mais, parallèlement, sur le terrain, la sélection s’impose progressivement depuis une quinzaine d'années.

La première exception à la règle concerne l’université Paris-Dauphine, qui bénéficie, depuis 2004, d’un statut dérogatoire de “grand établissement”. Concrètement, cela signifie qu’elle a le droit de sélectionner à l’entrée de toutes ses formations et qu’elle fixe librement ses droits d’inscription.

Deuxième exception, les universités abritent des composantes dotées, elles aussi, d’un statut particulier, et dont l’accès est subordonné à un concours ou à l’examen du dossier de candidature. C’est le cas des écoles d’ingénieurs internes aux universités (Polytech), dont la première a été créée en 2001 à Marseille, des IAE (instituts d’administration des entreprises), ainsi que des IUT (instituts universitaires de technologie).

Troisième exception, les universités ont progressivement créé des formations spécifiques, adossées à des licences classiques, à l’entrée desquelles elles peuvent, légalement, sélectionner. Parmi ces parcours, on compte principalement les doubles licences, les collèges de droit, les cursus de master en ingénierie et les parcours internationaux en échange avec une université étrangère. Des formations qui concernent “moins de 4 % des effectifs entrant en licence, soit environ 15.000 étudiants”, nuance le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Lire aussi : Comment la fac est devenue sélective

Des filières au succès grandissant

Les doubles licences se sont développées à partir de 2001, et permettent aux étudiants d’obtenir deux diplômes de licence en trois ans. Il en existe environ 120 en France, et Paris-Sorbonne est leader dans ce domaine. Alain Tallon, vice-président pour la formation et la scolarité de l’université, assume pleinement l’existence de 22 formations sélectives dont “la liste n’a rien de secret, et qui permet d’offrir des cursus exigeants à de très bons étudiants”. Car c'est bien de cela dont il s’agit : comment l’université peut-elle attirer les meilleurs bacheliers face à la concurrence des classes prépas et des écoles de commerce ou d’ingénieurs ? “Nous en avons plus qu’assez de l’hypocrisie du système français qui permet à certains de sélectionner et pas à d’autres”, martèle Alain Tallon. D’autant plus que les prérequis relèvent souvent “du bon sens”.

L’année 2007 voit, quant à elle, l’apparition des ­collèges de droit : “L’idée est d’offrir aux étudiants l’enseignement qui est le mieux adapté à leurs capacités”, explique Pierre Crocq, directeur du collège de droit de l’université Paris 2-Panthéon-Assas.

Impossible enfin de ne pas mentionner la PACES (première année commune aux études de santé), qui permet de passer les concours de maïeutique, médecine, odontologie, pharmacie et kinésithérapie.

Une sélection illégale ?

Au-delà de cette sélection légale, le syndicat étudiant UNEF (Union nationale des étudiants de France) dénonce les “pratiques illégales devenues monnaie courante” à l’entrée des parcours classiques de licence. Selon ses enquêtes annuelles, il s’agit principalement de la mise en place de prérequis pour une inscription en licence de langues ou l’obligation faite aux étudiants d’être issus de telle ou telle série du baccalauréat, “des pratiques qui ne sont pas légales”, selon le ministère lui-même. Les universités parisiennes seraient les principales concernées.

STAPS : le risque du tirage au sort

Lorsque sur le portail APB (Admission-postbac), les vœux 1 des candidats en STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives) de l’académie dépassent le nombre de places proposées par les universités, celles-ci se retrouvent contraintes d’organiser des tirages au sort.
La filière STAPS est en première ligne en la matière, tant le décalage est immense entre les candidatures formulées et les places disponibles.
À la rentrée 2016, avec 29.000 premiers vœux effectués sur le site APB pour 22.000 places offertes dans les universités, environ 7.000 jeunes ont été obligés de changer d’orientation. Au total, 28 licences de STAPS étaient en tension, malgré “le surbooking de 20 % des promotions”.
Face à cet afflux de candidats, Didier Delignières, directeur de l’UFR de STAPS de l’université de Montpellier et président de la Conférence des doyens, insiste sur “le travail sur l’orientation” à mener : “Nous recevons encore trop de jeunes qui pensent qu’ils vont s’amuser et faire du sport en STAPS, alors qu’ils vont devoir étudier la biomécanique, la physiologie, l’anatomie, la sociologie…”

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