Décryptage

Médecine : la filière roumaine attire toujours les étudiants français

La Roumanie est entrée dans l'Union européenne en 2007, facilitant les études de santé des Français dans ce pays.
La Roumanie est entrée dans l'Union européenne en 2007, facilitant les études de santé des Français dans ce pays. © Cristian Cristel/XINHUA-REA
Par Mersiha Nezic, publié le 22 mai 2019
6 min

Depuis plusieurs années déjà, les étudiants français qui rêvent de devenir médecins fuient la PACES et partent se former à l'étranger, notamment en Roumanie. Sont-ils bien formés ? Est-ce toujours "un bon plan" ?

Son rêve de devenir médecin s’est heurté au concours couperet en fin de PACES (première année commune aux études de santé). Alors Rafik, 25 ans, a quitté son Angers natale pour tenter le tout pour le tout au pays de Dracula. Le jeune homme y a trouvé une école plus "bienveillante". La PACES, réputée très éprouvante, "met en danger la santé des étudiants, estime Rafik. C’est paradoxal d’imposer cela à de futurs soignants".
A Cluj, la capitale de la Transylvanie où Rafik étudie depuis cinq ans, pas de numerus clausus, qui élimine entre 80 et 90 % des candidats en France. L'admission se fait sur une "évaluation des performances professionnelles et personnelles". En clair, sur dossier. Les notes obtenues au bac sont prises en compte. L’expérience associative aussi. Et les frais d’inscription s’élèvent à 6.000 euros par an, à Cluj. "Ce n’est pas plus cher qu’une école de commerce française", commente Théodore, 25 ans. Comme d’autres étudiants français, cela ne l’a pas dissuadé de s’inscrire dans une faculté de médecine roumaine.

Des cursus en français

Depuis l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne en 2007 et la reconnaissance de l’équivalence des diplômes, ils sont de plus en plus nombreux à franchir le pas. Ils seraient plus de 2.000 sur place, dont 517 à Cluj, la première ville à avoir proposé un cursus dans la langue de Molière mais aussi en anglais. Iassy, à la frontière moldave, Timisoara et Arad, situées dans l’ouest du pays, ont suivi.
Si à Cluj, les Français font leurs études dans leur langue maternelle, "les stages hospitaliers, qui commencent pendant la quatrième année, se déroulent en roumain, une langue que les étudiants apprennent pendant les trois premières années", précise l’université de médecine et de pharmacie Iuliu Haţieganu, de Cluj-Napoca.
“Les cours de la fac ne suffisent pas, témoigne Marie-Clémentine, 26 ans, en troisième année à Iasi. Nous apprenons surtout le roumain en le pratiquant avec des amis ou grâce aux cours de l’Institut français.”
Son diplôme d’infirmière en poche, l'étudiante est allée poursuivre son “rêve” de devenir médecin en Roumanie. “Le pays m’a accueillie à bras ouverts. S’intégrer, c’est relativement facile que ce soit à la bibliothèque universitaire, à la faculté ou en stage. Nous sommes en contact étroit avec les étudiants roumains et bien encadrés par des professeurs parfaitement bilingues”, se réjouit-elle.

Une formation pratique moins bonne

"Ces étudiants bénéficient d’une formation théorique correcte, de cours dispensés dans des conditions et dans des locaux corrects, admet Jean Sibilia, le président de la Conférence des doyens des facultés de médecine. En revanche la partie pratique, l’accueil en stage, la formation sur le terrain par compagnonnage n’est pas aussi développée qu’en France."
Or, ces étudiants rentrent en France après leurs six années en Roumanie pour passer l’ECN (examen classant national) et poursuivre leur formation en tant qu’interne. Ils souhaitent pour la plupart exercer dans l’Hexagone. Mais à leur retour, "leur niveau est inférieur au nôtre. En outre, perçus comme des étudiants qui ont contourné le système, ils ne sont pas toujours très bien accueillis. Il faut toutefois éviter de les stigmatiser. Ces étudiants travaillent pour s’insérer rapidement et rattraper leur retard", poursuit Jean Sibilia.
Théodore et Marie-Clémentine savent bien qu’ils devront faire leurs preuves, "plus que quiconque". Théodore reviendra bien en France mais, tient-il à souligner, "il existe d'autres pays où nous sommes bien accueillis et où l'internat et la qualité de vie sont tous aussi attractifs, comme l’Allemagne, la Suisse ou la Suède".
En Belgique, des "amphis moins pleins"

"En optant pour des études en Belgique, je me donnais plus de chances de réussir. Même si c’est dur aussi, l’ambiance est plus propice au travail, les amphis moins pleins", témoigne Camille, 21 ans. La jeune Française, originaire de Lorraine, est en troisième année de médecine à l’Université Libre de Bruxelles. Comme Camille, environ 21.000 Français étudient en Belgique. Face à l’afflux de Français, l’Union européenne a accepté en 2012 que le royaume limite l’accès aux étudiants étrangers à 30 % en médecine et et en dentaire. Ensuite, un concours a été mis en place, à l’entrée de la première année. Camille a passé tous les filtres avec succès. Après des études en Belgique, elle réfléchit à faire carrière au Luxembourg, autre pays européen et francophone. "Les conditions de vie et de travail y sont meilleures qu’en France", estime l’étudiante.

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