Décryptage

Études de santé : 7 étudiants sages-femmes sur 10 en dépression

80 % des étudiants sages-femmes se sentent plus stressés depuis qu’ils sont en formation.
80 % des étudiants sages-femmes se sentent plus stressés depuis qu’ils sont en formation. © plainpicture/Johner/Depiction AB
Par Martin Rhodes, publié le 05 décembre 2018
6 min

Une enquête nationale dresse un état des lieux de la santé physique et mentale des étudiants en maïeutique ou "sage-femme". Maltraitance en stage, stress et dépression généralisés : le constat est alarmant.

Le blues des blouses roses... 41 % des étudiants en maïeutique (plus communément appelés étudiants "sages-femmes") déclarent que leur santé s’est "dégradée" ou "fortement dégradée" depuis leur entrée en formation.
C'est ce qui ressort d'un questionnaire diffusé entre mars et avril 2018 par l’ANESF (Association nationale des étudiants sages-femmes), questionnaire auquel un peu plus de la moitié des effectifs ont répondu. Certains témoignages écrits sont retranscrits dans cet article.

Pic de stress

80 % des étudiants sages-femmes se sentent plus stressés depuis qu’ils sont en formation, contre 59 % de la population étudiante générale. Un stress dont la fréquence augmente au fur et à mesure du cursus, et dont l’intensité est globalement très élevée. Sur une échelle allant de 0 à 10, les étudiants placent le curseur à 7.
Les études pour devenir sage-femme sont très tôt professionnalisantes. Or, les stages (dès la deuxième année, parfois même dans la foulée de la PACES) constituent la première cause de stress. "Crise de panique avant d'aller en stage : palpitations, pleurs, tremblements, cris", énumère un étudiant dans le cadre de l'enquête.
Cette dernière révèle que les étudiants en stage redoutent les situations d’urgence et/ou chargées en émotion, comme le décès d’une mère ou d’un nouveau-né. Ils appréhendent aussi et surtout les premières fois : veille de première garde, arrivée dans un service hospitalier, première réanimation, etc.
"Notre métier touche à l’intimité, à la vie et à la mort. Les émotions sont fortes, et souvent difficiles à gérer pour un étudiant jeté très tôt dans le grand bain de l’hôpital", constate Julie Kerbat, la présidente de l’ANESF. Elle ajoute : "En amont des stages, il serait pertinent de mettre en place un temps de présentation du service et de l’équipe clinicienne".
Ces événements marquants de la formation sont souvent la cause de la prise de substances psychoactives (antidépresseurs ou anxiolytiques, consommés par 11 % des futurs et futures sages-femmes), ou dans la consultation d’un psychologue (20 %).

Soigner la dépression des soignants

Les futurs professionnels de santé ne sont donc pas épargnés par la maladie, bien au contraire. "La situation est bien pire que nous l’imaginions. Le constat le plus préoccupant est probablement celui-ci : 7 étudiants sur 10 sont en dépression [principalement légère, mais aussi modérée ou sévère]", alerte la présidente de l’ANESF.
Des dépressions qui résultent notamment du système d’évaluation des compétences sur les terrains de stage. "Les étudiants sont en permanence observés, jugés, évalués. Ils n’ont pas le droit à l’erreur, la pression est énorme", indique Julie Kerbat.

61 % des étudiants maltraités

"Il m'est arrivé d'aller au WC pour pleurer, à cause d'une sage-femme avec qui ça se passait le mal", relate l'un des témoignages recueillis. Les maltraitances verbales ou physiques dont se rendent coupables certains sages-femmes cliniciens sont elles aussi source de stress et de dépressions.
Là aussi, les chiffres font froid dans le dos : 61 % des étudiants disent avoir été maltraités en stage. Les témoignages font mention de gestes déplacés ou violents, mais aussi et surtout de remarques rabaissantes et humiliantes portant sur le sexe, le physique ou encore le statut des étudiants (leurs connaissances et compétences).
Pour pallier ces maltraitances, l’association demande plus d’enseignements portant sur le savoir-être (relation aux patients ou aux professionnels de santé), via la simulation en santé et les jeux de rôle. Elle revendique également la création d’un statut de maître de stage pour les sages-femmes qui souhaitent encadrer (aujourd’hui plus ou moins imposé), avec une formation à la pédagogie. Ces maîtres de stage pourraient être évalués par les apprenants.

Dans l'indifférence générale

Face aux difficultés rencontrées, un étudiant sur trois ne se sent pas suffisamment accompagné par l’équipe pédagogique. "Les temps de formation consacrés au retour d’expérience, à l’écoute et au soutien psychologique sont encore trop rares. C’est là un des principaux points d’amélioration", observe Julie Kerbat, avant de préciser qu’un certain nombre d’écoles ont mis en place des bilans de stage collectifs (plus rarement individuels), encadrés par des psychologues ou des sages-femmes enseignants.
"Les témoignages le prouvent : une grande partie des étudiants sont en souffrance et ils serrent les dents jusqu’à l’obtention du diplôme en fin de cinquième année", relate la présidente de l'association étudiante. Une souffrance qui n’est pas sans conséquence sur la motivation et l’orientation. En effet, 27 % des étudiants ont envisagé d’arrêter leurs études, soit parce qu’ils ne supportaient plus la formation, soit parce qu’ils ne se projetaient plus dans la profession.

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