Témoignage

À la veille des premiers ECOS, les étudiants en médecine stressés et inquiets

Les premiers ECOS doivent se tenir les 28 et 29 mai dans toute la France.
Les premiers ECOS doivent se tenir les 28 et 29 mai dans toute la France. © Siphosethu F/peopleimages.com / Adobe stock
Par Amandine Sanial, publié le 27 mai 2024
6 min

Les premiers ECOS, des épreuves orales de fin de sixième année de médecine, classante pour intégrer l'internat, doivent se tenir les 28 et 29 mai dans toute la France. Alors que les hospitalo-universitaires ont appelé à la grève pendant ces examens, les étudiants en médecine craignent des problèmes d’organisation et dénoncent des épreuves "aléatoires".

"On ne sait pas à quelle sauce on va être mangés. Et avec la grève, on a toujours cette épée de Damoclès au-dessus de la tête", s’inquiète Thomas*, étudiant en 6e année de médecine à Bordeaux (33). Dès demain, près de 8.500 étudiants vont passer leurs premiers ECOS , un examen oral sous forme de mise en situation avec de "faux" patients.

Pour chacune des dix situations qui leur seront présentées, appelées "stations", les étudiants auront huit minutes pour établir un diagnostic clinique. Une épreuve d’autant plus stressante qu’elle risque de jouer dans le classement de l’internat, puisqu’elle compte pour 30% de la note finale.

Des couacs pendant les ECOS blancs

L’inquiétude des étudiants vient en partie de problèmes rencontrés lors des examens blancs organisés le 12 mars : des brouillons laissés dans les salles, des étudiants qui connaissaient le faux patient, des comédiens qui oubliaient leur script…

"Le plus gros problème, c’est que des grilles d’évaluation ont été perdues, et que des étudiants n’ont donc pas pu être évalués", déplore Jérémy Darenne, président de l’ANEMF .

Si Benoît Veber, le président de la Conférence nationale des doyens de médecine assure que les problèmes rencontrés ont été "corrigés" et que les facultés allaient être "extrêmement vigilantes" pour les ECOS, dans certains cas, c’est l’organisation même de l’examen qui pose problème.

"On était dans des grandes salles divisées avec des paravents : j’entendais parfois le candidat d’à côté qui faisait une palpation mammaire, donc je savais que mon prochain cas serait une palpation", explique Victor,* 24 ans, étudiant à Bordeaux, où les ECOS se déroulent dans des locaux mis à disposition par l’université.

Des stations "sèches" et une épreuve qui rate sa cible

Les étudiants craignent également que les ECOS perdent de vue leur but initial : évaluer les capacités relationnelles et humaines du futur interne. "Au début, je trouvais que cette épreuve avait du sens d’un point de vue pédagogique. Cela manquait à nos études qui sont très théoriques", explique Victor.

Entre temps, il a appris par son université que la plupart des stations seront "sèches", c'est-à-dire sans patient. Victor se retrouvera donc face à des examinateurs "à qui on doit recracher du cours". "Par manque de moyens pour recruter des comédiens", selon l’étudiant, "et aussi pour éviter les problèmes d’oubli de script rencontrés pendant les ECOS blancs".

Ainsi, sur dix stations, Victor ne verra que quatre ou cinq patients. "On perd un peu le côté humain. Mais il n’y a pas de bonne solution : soit on fait quelque chose de pédagogique, avec des patients, mais on perd en partialité d’une fac à l’autre, soit on enlève les patients mais on perd l’objectif de base."

Globalement, les étudiants sont nombreux à considérer que les ECOS ratent leur cible. "C’est un bon exercice, mais je ne pense pas qu’il évalue l’empathie : c’est plutôt la capacité à s’organiser à l’oral", estime Thomas, qui craint d’être jugé davantage sur la forme que sur le fond.

Une grève qui peut perturber les épreuves

Mais l’organisation de ces épreuves risque surtout d’être perturbée par une grève des personnels hospitalo-universitaires (HU) pour alerter sur leur système de retraite et le manque d’attractivité de leur métier.

"On comprend les revendications, et on les partage", explique Jérémy Darenne. "Le statut HU nécessite d’être revu pour être plus attractif. Mais le risque de cette grève, c’est que la qualité des épreuves soit dégradée ou que les épreuves soient décalées", estime-t-il, puisque ce sont ces personnels qui doivent examiner et noter les étudiants lors des ECOS.

Une position qui n’est pas partagée par tous les étudiants : "Je pense plutôt que si la grève peut faire annuler l’épreuve, ou en tout cas la mettre en péril, ça peut être un moyen pour nous de dire que cette épreuve n’est pas tenable", estime Victor.

Une promotion "crash-test"

Le problème fondamental reste qu’il s’agisse d’une épreuve décisive pour le classement de l’internat de médecine. Une injustice d’autant plus grande que les étudiants ne connaissent pas les grilles d’évaluation, et qu’ils doutent de la capacité des examinateurs à noter chaque étudiant équitablement.

"C'est difficile d'accepter ça quand on bosse dix heures par jour depuis quatre ans, et de perdre 2.000 places au classement juste parce que le jury n’a pas évalué Paul comme Pierre", estime ainsi Thomas. Victor, lui, se dit "résigné". "Je voudrais me spécialiser en médecine interne, qui n’est pas si demandée, donc ça devrait le faire pour moi. Mais je trouve injuste de perdre des places sur quelque chose d’aussi aléatoire."

Selon une étude menée auprès de 34 facultés, 80% des étudiants de 6e année ont demandé à ce que les ECOS soient uniquement validant et non classant pour accéder à l'internat de médecine.

Ce ne sera pas pour cette année, si l’on en croit Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la Santé : s’il a exclu de changer "la nature" de l’examen cette année, il affirme que l’option peut être envisagée "pour l'année prochaine". "On est vraiment l’année crash-test", souffle Victor.

*Les prénoms ont été modifiés

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