Reportage

Sur le terrain ou derrière les écrans, le foot féminin en ébullition pour la Coupe du monde

Des joueuses du collectif Manita lors d'un match de foot à cinq.
Des joueuses du collectif Manita lors d'un match de foot à cinq. © Simon Mauvieux
Par Simon Mauvieux, publié le 01 août 2023
5 min

Alors que la Coupe du monde de foot féminin bat son plein en Océanie, de plus en plus d'amatrices françaises se regroupent pour pratiquer leur sport préféré, malgré le manque d'infrastructures réservées aux femmes. Au sein de collectifs comme Manita, les joueuses portent la chasuble comme la tunique des supportrices, avec pour mot d’ordre plaisir et accessibilité.

Il n'y a pas foule, ce samedi 29 juillet pour jouer au foot au Five Paris 18, à deux pas de la porte d’Aubervilliers. Ce matin-là, tous les terrains sont vides, à l’exception d’un seul, où 15 joueuses se relaient toutes les dix minutes dans des matchs intenses, techniques et sans temps morts. Elles sont réunies ici par Manita. Ce n'est ni un club, ni une équipe, mais "une communauté", glisse Maena Garault, 21 ans, bras droit CEO de cette start-up née en 2020, qui vise à créer des espaces où des femmes de tous niveaux peuvent pratiquer le foot.

Organisation d’une ligue amateure, entrainements libres ou encore création d’équipes d’entreprises, Manita a pour ambition de faciliter l’accès au foot pour des femmes de tout âge et de tout niveau. "Notre constat, c’est qu’il existe encore beaucoup de barrières psychologiques à différentes échelles : dans les cours de récré, en club, dans le milieu du travail. On nous a toujours dit que les femmes n’avaient pas leur place sur les terrains de foot", explique celle qui poursuit en parallèle un master de STAPS.

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Maena Garault, bras droit CEO de Manita./© Simon Mauvieux.

"On se sent intégrée et écoutée"

Ce samedi 29 juillet, Coupe du monde oblige, Manita a convié ses membres à une matinée foot, avant de se retrouver dans un bar pour regarder les Bleues affronter le Brésil. Il s'agira de leur deuxième match du mondial, qui se tient depuis le 20 juillet en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Si la compétition féminine bénéficie d’une plus grande couverture médiatique depuis son édition 2019, des milliers de joueuses n’ont pas attendu que les médias s’intéressent au foot féminin pour chausser les crampons. Mais non sans difficultés.

"J’aurais arrêté le foot s’il n’y avait pas des initiatives comme ça. Avec Manita, il ne s'agit pas juste de jouer au foot, il y a l’ambiance collective, les événements, on se sent intégrée et écoutée", témoigne Manon, travailleuse sociale de 29 ans, qui pratique le foot depuis son plus jeune âge. "Quand j’étais jeune, j’avais honte d’aimer le foot, on me disait de faire de la danse plutôt", se rappelle-t-elle.

Maeva, employée de la Ville de Paris a, elle aussi, toujours eu une passion pour le ballon rond, sans trouver les espaces pour s’exprimer sur un terrain. "J’avais fait des essais dans une équipe quand j’étais plus jeune, j’étais la seule fille et j’avais entendu dire que ça ne se passait pas bien pour les filles, alors je ne suis pas restée", regrette la jeune femme de 30 ans.

Jouer au foot, ce n’était même pas une option pour Jennifer, qui a grandi à la campagne : "Je ne savais pas que je pouvais y jouer, aucune fille ne faisait du foot dans la cour de récré". Avec Manita, le plaisir passe avant la compétition et les joueuses disent se sentir enfin à leur place sur des terrains, sans jugements. "Ça m’a vraiment réconciliée avec le foot", se réjouit Jennifer.

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Manita facilite l’accès au foot pour des femmes de tout âge et de tout niveau./© Simon Mauvieux.

Une explosion du nombre de licenciées

Comme prévu, après une matinée passée à enchaîner passes, dribles et tirs, les 15 joueuses se dirigent vers le Point Ephémère, l’un des rares bars parisiens à diffuser les matchs de l’équipe de France féminine pendant le mondial. Drapeaux tricolores peints sur les joues, les regards sont fixés vers l’écran, imperturbables… jusqu’à la 17e minute et l'ouverture du score, de la tête, d’Eugénie Le Sommer, provoquant une explosion de cris et de joie dans le bar.

Car le foot se vit aussi devant la télévision, entre amies. "On suit les matchs des clubs féminins, mais les bars ne les diffusent pas, alors on se réunit entre nous, raconte Manon. Et avant celle de 2019, on ne suivait pas les Coupes du monde, car on ne les voyait juste pas !" déplore-t-elle.

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Après l'entraînement, les joueuses se sont retrouvées dans un bar pour regarder le match de l'équipe de France féminine contre le Brésil./ © Simon Mauvieux.

Si de nombreuses équipes féminines et associations ont vu le jour ces dix dernières années (Little Miss Soccer, les Cacahuètes Sluts, les Dégommeuses, les Hijabeuses...), le nombre de licenciées auprès de la fédération française de football a aussi explosé depuis 2012, passant de moins de 90.000 à 200.000. "Si la fédération avait mis en place des choses pour le foot féminin, on n’aurait pas à faire ça", tempère Maena Garault.

Se battre pour plus de foot féminin

Maeva regrette de son côté le manque d’infrastructures, qui limite la croissance de la pratique du foot féminin : "Il y a des progrès, mais ça reste un grand défi de trouver un terrain où s’entrainer. C’est difficile d’obtenir des conventions avec les municipalités pour avoir des créneaux pérennes pour son équipe", signale la joueuse.

Quoiqu’il en soit, toutes reconnaissent que ces nouveaux clubs et associations ont fait un grand bien au foot féminin. C’est d’ailleurs sur une belle victoire que les joueuses de Manita se quittent ce samedi après-midi : 2-1 pour la France. Prochaine rencontre pour les Bleues, désormais en tête de leur groupe, ce mercredi 2 août, contre le Panama. Avec une qualification en huitième de finale à la clé. Pour que la Coupe du monde continue le plus longtemps possible pour les Françaises et leurs supportrices.

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