Témoignage

Service civique : un premier pas vers la professionnalisation ?

Un an après la fin de leur service civique, beaucoup de jeunes sont en difficulté professionnelle.
Un an après la fin de leur service civique, beaucoup de jeunes sont en difficulté professionnelle. © Eric TSCHAEN/REA
Par Paul-Adrien Montacié, publié le 13 novembre 2023
5 min

Depuis son instauration, 700.000 jeunes ont déjà pu profiter d’un service civique. Si, pour beaucoup, c’est une ligne sur le CV, certains jeunes ont du mal à rebondir.

"Tu sais, la culture, c’est bouché." Voilà ce qu’on a dit à Thomas le premier jour de son service civique. Et, si l’étudiant diplômé d’une licence d’audiovisuel a passé huit mois dans l’organisation d’un festival cinématographique, à la fin, ça n’a pas manqué : "J’avais espoir d’obtenir un contrat, un CDD. Ils m’ont dit que je faisais du bon boulot, mais ils ont préféré reprendre quelqu'un en service civique, parce que c’est moins cher".

Depuis, le jeune homme continue de chercher un emploi, sans grand succès : "J’ai la ligne sur le CV, je multiplie les expériences bénévoles, mais ça ne me sert pas à grand-chose. Cela fait six mois, et je ne trouve pas d’emploi".

Le service civique, première étape vers l'insertion professionnelle ?

Au-delà de ses difficultés d’insertion professionnelle, Thomas émet quelques doutes sur la pertinence sa mission. "Ils m'ont promis à l’entretien que j'allais apprendre pleins de choses sur le terrain. En réalité, je suis resté au bureau à faire à peu près les mêmes choses pendant toute la durée de mon service civique, et je n’ai pas développé les compétences promises en amont. On m’avait dit que je rencontrerai des réalisateurs et au final, cela n’a été qu’une infime partie de ce que j’ai fait, pas assez pour que ce soit sérieux", regrette le jeune homme.

Manon aussi, a été déçue de la suite de son expérience. "J’ai voulu me reconvertir après une année en licence de biologie qui ne m’a pas vraiment plu. J’ai décidé de mettre mes études en pause et de faire un service civique dans le domaine de l’aide à la personne. J’ai adoré le contact avec les personnes âgées, et j’ai aimé évoluer dans le milieu du soin. Ça m’a donné envie de faire infirmière."

Malgré son dossier, elle n’a pas été acceptée en IFSI. "Avec ce service civique, j’étais sûre d’avoir une place sur Parcoursup. Même si je sais que c’est très demandé, la réponse négative a été la douche froide. Aujourd’hui, je me suis rabattue sur une formation d’aide-soignante avec l’espoir de devenir un jour infirmière. Mais quand je vois ça, je me demande si les recruteurs prennent le service civique au sérieux", assène-t-elle.

Pour autant, selon un sondage Ifop réalisé sur le service civique, 74% étudiants estiment qu'il a été le moyen d’acquérir une expérience professionnelle. Une vision confirmée par le Cereq dans son rapport "Génération 2017", publié en juin dernier : "Même si le service civique n’est pas juridiquement considéré comme un emploi, pour beaucoup, il constitue une première étape vers l’insertion professionnelle".

Moins d'un jeune sur deux en emploi

Les doutes de Thomas et Manon se traduisent dans les chiffres. Un an après la fin de leur service civique, beaucoup de jeunes sont en difficulté professionnelle. Selon le rapport d’activité 2022 publié par l’agence du service civique, moins d’un jeune sur deux a un emploi, un sur cinq est demandeur d’emploi, et plus d’un sur dix est inactif. Les autres sont en reprise d’études.

Des chiffres qui n’étonnent pas Thomas : "On nous vend du rêve et une possibilité de professionnalisation. Ils jouent sur l’espoir des jeunes sans expérience dans le monde du travail pour nous payer pas cher et nous virer ensuite. Mais il ne faut pas se leurrer. Pour trouver du boulot dans des domaines précis comme la culture ou l’audiovisuel, personne ne s’intéressera à ton service civique".

Un avis que partage Manon, qui pousse la réflexion plus loin : "Ils ne disent pas dans quoi travaillent les jeunes ! Si ce sont des boulots alimentaires qui n’ont rien à voir avec leurs centres d’intérêt, cela tronque les statistiques. Regardez-moi : je fais partie de ceux qui ont repris les études, mais pas celles qui me correspondent. On nous ment."

En tout cas, les deux jeunes parlent à l’unisson : ils ne recommandent pas de faire un service civique pour la professionnalisation. "Si la mission vous plaît, pourquoi pas. Mais pour vous en servir d’expérience auprès de recruteurs, laissez tomber", conclut Thomas.

L'agence du service civique comprend cette frustration et affirme mettre en place des actions pour "valoriser les compétences et mieux définir le projet post mission" des jeunes. À l'instar du partenariat avec la plateforme DiagOriente, dont l'ambition est d'aider les jeunes à trouver des opportunités professionnelles près de chez eux.

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