Décryptage

Poursuivre ses études après un DNMADE : vers un DSAA de grade master ?

Les étudiants diplômés de DNMADE représentent 71% des admis en DSAA.
Les étudiants diplômés de DNMADE représentent 71% des admis en DSAA. © Adobe Stock/Pixel-Shot
Par Juliette Chaignon, publié le 11 décembre 2023
5 min

Le diplôme national des métiers d’arts et design est équivalent au grade de licence depuis 2020. Le ministère de l’Enseignement supérieur se penche maintenant sur la nécessité de réformer le diplôme supérieur d’arts appliqués pour lui conférer le grade de master.

Chaque année, près de 5.000 d’étudiants sont diplômés d’un DNMADE, dans l’une des 14 mentions existantes. Après trois ans d'études, ils obtiennent un diplôme de bac+3 de grade licence. Une reconnaissance qui leur permet ensuite de poursuivre leurs études.

Les possibilités sont nombreuses : master à la fac ou à l’École normale supérieure Paris-Saclay, insertion professionnelle, DSAA (diplôme supérieur d’arts appliqués), DNSEP (diplôme national supérieur d’expression plastique) des écoles d’art et de design, diplôme d’architecte ou de paysagiste, intégration d’une école spécialisée…

Les choix d'orientation varient souvent en fonction des spécialités artistiques : si dans les métiers d'art, l'insertion professionnelle après un bac+3 est souvent la règle, c'est beaucoup moins vrai dans le domaine du design où 72% des élèves poursuivent leurs études en DSAA, en master à la fac ou à l’étranger. D'où la nécessité aussi d'établir une véritable reconnaissance à bac+5.

Du grade licence en DNMADE au grade master en DSAA

Bien qu’obtenu après cinq ans d'études, le DSAA n’est, pour le moment, pas équivalent au grade de master. Une situation à laquelle le ministère de l’Enseignement supérieur entend remédier.

Un rapport ministériel, publié en avril 2022, note d’ailleurs que seuls 389 sur 910 étudiants de deuxième cycle des études d’arts ont un master. "Ce qui est particulièrement peu en regard des besoins dans l’ensemble des industries créatives", commente le rapport.

Or, les étudiants diplômés de DNMADE représentant 71% des admis en DSAA. "Il est tout à fait légitime que des élèves ayant obtenu un grade licence puissent ensuite prétendre à un grade de master en DSAA", juge Brigitte Flamand, inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche.

Dans certaines écoles supérieures, les parcours de DSAA sont prolongés d’un an avec master 2 à l'université, pour remédier à la situation.

Une reconnaissance bénéfique pour la recherche en design

Au-delà d’uniformiser le parcours DNMADE/DSAA avec le schéma classique de l’université (licence-master), l’évolution du DSAA vers un master permettrait de développer la recherche dans le domaine du design et d’inciter les élèves à poursuivre en doctorat.

"Au Royaume-Uni, il y a des centaines de doctorants en design. En France, on est loin du compte", souligne Eric Chenal, directeur de l’ENSAAMA (École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d'art). Aujourd’hui, les quelques doctorants en design sont inscrits dans 35 disciplines universitaires différentes, faute d’une filière "design" existante, et peu se lancent dans ce parcours juste après le master.

Un passage au grade master pourrait enfin favoriser la mobilité internationale des étudiants, qui concerne pour le moment 37% des élèves en DSAA, et aider au développement de formation en alternance.

Un grade master qui tarde à être officialisé

"Le principe est acté, mais il n’est pas possible pour le moment de donner une date d’entrée en vigueur", explique Brigitte Flamand. Le ministère tient à ce que les 47 formations de DSAA soient en capacité d’opérer le changement en même temps.

Car l’une des conditions incontournables est de trouver une université pour créer une convention. "Cela demande un investissement important et inédit pour les établissements, mais la situation devrait se stabiliser d’ici quelques mois", souligne Brigitte Flamand.

Pour Eric Chenal, l’enjeu est aussi de "faire en sorte que le DSAA reste un diplôme très professionnalisant, mais qui vaille aussi master", c’est-à-dire avec une dimension d’initiation à la recherche et la participation d’enseignants-chercheurs dans la formation.

Concurrencer les écoles privées d'art

Un DSAA valant grade de master viendrait également concurrencer les écoles privées, qui représentent aujourd’hui près de 36% des élèves en design et métiers d’art. Car comme le stipule le rapport ministériel de 2022, ce manque de clarté, cette "politique hésitante" vis-à-vis du grade master dans les DSAA "favorise les diplômes en trois ans de type bachelor privés et les diplômes en cinq ans".

Or, ces écoles sont payantes (au moins 6.000 euros l’année et jusqu’à plus de 13.000 euros), contrairement aux formations de DSAA, pour la plupart dispensées dans des établissements publics ou des lycées privés sous contrat.

Le DSAA, une formation très sélective

Reste une question épineuse : l’accès au DSAA est très sélectif, avec en moyenne 15 places pour 400 à 1.000 candidats candidatures selon les établissements. "Cela correspond à une réalité du marché du travail, estime Eric Chenal. Dans une entreprise, il y a un chef de projet DSAA pour deux ou trois designers pour lesquels un DNMADE suffit".

"L’idée n’est pas d’augmenter l’offre, les établissements ne seraient pas en capacité de l’assumer", confirme l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Le DSAA deviendrait donc un master, mais toujours aussi sélectif.

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