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Le "Printemps des écoles d'art" : menacées de fermeture, de nouvelles mobilisations s'organisent

En 2023, étudiants et enseignants de l'isdaT s'étaient mobilisés pour dénoncer le manque de moyens financiers des écoles publiques d'art.
En 2023, étudiants et enseignants de l'isdaT s'étaient mobilisés pour dénoncer le manque de moyens financiers des écoles publiques d'art. © Photo fournie par le témoin
Par Pauline Bluteau, publié le 27 mars 2024
5 min

Plusieurs écoles d'art territoriales ont déjà entamé leur mobilisation après les propos tenus par la ministre de la Culture le 19 mars dernier. Rachida Dati y évoquait la possibilité de "fermer certaines écoles" en soulignant le manque de moyens financiers. Un discours qui ne passe pas.

"S'il faut fermer certaines écoles, car aujourd'hui, elles n'ont plus les mêmes moyens - les moyens d'offrir un cadre de qualité -, peut-être que ça peut être le cas." Alors qu'un tiers des écoles d'art sont déjà en grande difficulté financière et menacées de fermeture, la déclaration de la ministre de la Culture, les yeux rivés sur sa feuille, à l'Assemblée nationale, a remis de l'huile sur le feu.

Face au "désengagement" du ministère de la Culture, les écoles comptent bien relancer leur mobilisation.

"Un signal extrêmement préoccupant" pour les écoles d'art

"On ne peut pas faire comme si de rien n'était", réagit Florian Gaïté, co-secrétaire du Snéad-CGT et membre de l'Inter-organisation "Ecoles d'art et design en lutte", fondée il y a un peu plus d'un an pour alerter sur les difficultés des écoles d'art.

La veille de cette audition, le 18 mars, l'Inter-orga était pourtant reçue, pour la première fois, par le cabinet de la ministre afin d'évoquer les droits de scolarité des étudiants boursiers, le statut des enseignants, la professionnalisation, les réformes des diplômes et "les dotations budgétaires des établissements".

Une discussion attendue après un an de silence radio de la part du ministère. "On avait toutes les raisons d'être serein, nous avons senti une écoute et à aucun moment le mot 'fermeture' n'a été prononcé", insiste Florian Gaïté.

Le lendemain, c'est donc l'incompréhension. L'Andéa (association nationale des écoles supérieures d'art) parle même d'un "signal extrêmement préoccupant" et de sa "stupéfaction" face à "des propos ministériels qui témoignent d'une méconnaissance totale des missions remplies par ces établissements".

Plusieurs écoles concernées par une éventuelle fermeture

Un avis partagé par l'Inter-orga qui confirme cette "indignation". "On ne peut pas reprendre un dialogue si on ne sait pas quels sont les établissements concernés par ces fermetures", appuie Florian Gaïté.

Car selon les représentants d'enseignants et d'étudiants des écoles, les propos sont plus alarmants qu'ils n'y paraissent : "En assumant publiquement son désengagement, le ministère tend une perche aux collectivités locales les moins fortunées et/ou les moins concernées par leurs écoles d'art et design, afin que celles-ci puissent les abandonner en ne sachant que trop bien que le ministère de la Culture n'y opposera aucune résistance."

À l'automne dernier, l'école d’art et de design (Esad) de Valenciennes en a d'ailleurs subi les frais puisque, faute de moyens et d'appui de la part des collectivités, l'établissement a annoncé sa fermeture pour la rentrée 2025. Plusieurs établissements sont toujours "vulnérables", selon le représentant syndical et risquent, elles aussi, de devoir mettre la clé sous la porte.

Une aide financière de l'Etat nécessaire

Depuis, plusieurs établissements ont entamé "le Printemps des écoles d'art" en se mobilisant comme au Mans, à Tours, Lyon et Chalon-sur-Saône, ainsi que, dans une moindre mesure pour le moment, à Bordeaux et Angoulême.

D'autant qu'en l'espace d'une semaine, les échanges par voie de communiqué vont de bon train. Samedi 23 mars, Rachida Dati rétropédale auprès des journalistes en évoquant la fermeture des écoles d'art territoriales "non comme un objectif mais comme un risque si l'ensemble des partenaires ne se mobilisent pas".

Il faut dire qu'il y a tout juste un an, en mars 2023, de nombreuses écoles d'art avaient organisé des grèves, des occupations ou des manifestions pour dénoncer le manque de moyens financiers des écoles d'art territoriales. Le ministère de la Culture, alors dirigé par Rima Abdul-Malak, annonçait le versement d'une aide d'urgence de deux millions d'euros. Insuffisant selon les écoles d'art et peu adapté selon Rachida Dati qui "ne veu[t] répondre à la crise des écoles d'art" par "des réponses uniquement d'urgence".

Des déclarations "inconstantes" qui rendent difficile le travail de ces écoles. "On n'arrive plus à y voir clair, on navigue à vue", répond Florian Gaïté. Les établissements continuent de réclamer une aide financière de l'Etat, de l'ordre de 8 à 11 millions d'euros pour l'Andéa et de 60 millions d'euros pour l'Inter-orga. Au moment de l'évaluation du projet de loi de finances 2024 à l'automne, les parlementaires avaient même validé une aide de 16 millions d'euros, aide qui a été balayée par le gouvernement d'Elisabeth Borne.

À ce stade, le ministère de la Culture envisage un autre rendez-vous avec l'Inter-orga en mai prochain. "Mais pour nous, ce que la ministre a déclaré n'a rien d'un dialogue social, c'est contradictoire", résume le représentant syndical qui assure que d'autres actions devraient voir le jour dans les semaines à venir.

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