Polytechnique : l'enquête interne sur les violences sexistes et sexuelles nécessaire pour une prise de conscience
L'enquête interne réalisée par l'école Polytechnique sur les violences sexistes et sexuelles est éloquente. Au total, 23% des étudiantes sondées ont répondu qu'elles avaient déjà subi une agression sexuelle durant leur scolarité. Un constat amer pour l'école pour qui l'enquête permet une prise de conscience et une remise en cause du plan d'action en place depuis 2017.
A Polytechnique, une enquête interne sur les violences sexistes et sexuelles éveille les consciences. "Nous savions que ce type de comportements existait, mais nous ne nous attendions pas à ce que ce soit aussi énorme", confie Marie Bresson, déléguée à la diversité de Polytechnique, "attristée" par les résultats.
Une enquête interne sur les VSS à Polytechnique pour "encourager la prise de conscience"
Onze personnes, dont dix femmes, déclarent avoir été victimes d’un viol ou d’une tentative de viol. En publiant les résultats de cette enquête, l’école Polytechnique veut être transparente et "encourager la prise de conscience de tous". En analysant les résultats, Marie Bresson constate une fracture parmi les étudiants, dont environ la moitié ne semblent pas avoir conscience de l’existence de ces faits, puisqu’ils répondent "ne pas en avoir été témoin et ne pas en avoir entendu parler".
Une cellule d'écoute perçue "comme hiérarchique"
Parmi les problèmes révélés par cette enquête d’ampleur, se pose la question de la cellule d’écoute, qui permet de faire remonter les faits. "Elle est perçue comme hiérarchique par certains étudiants, ce qui peut les freiner à dénoncer des actes". En outre, "ils ne savent pas vraiment ce qu’il va se passer après".
Car, si Polytechnique a connaissance de crime ou de délit, elle est dans l’obligation légale de les dénoncer au procureur. Une enquête préliminaire pour viols et agressions sexuelles vient d’ailleurs d’être ouverte par le parquet d’Evry après les révélations de l’étude. Or, les éventuelles suites judicaires ne préjugent pas des sanctions disciplinaires. "Il y a un besoin d’explication du processus de sanction" mais aussi d’une meilleure prise en charge psychologique des victimes, qui souvent, hésitent à faire appel à l’accompagnement proposé.
Une enquête sur les violences sexistes et sexuelles nécessaire "pour s'attaquer au problème" à Polytechnique
"Cette enquête est une première étape nécessaire pour s’attaquer au problème", estime Matthieu Lequesne, du collectif la Sphinx. Pour l’étudiant, cette question, qui se pose dans toute la société, est "renforcée par le contexte d’école, avec beaucoup d’hommes et des étudiants 'isolés' sur un campus".
Toutefois, "le fait d’en parler montre qu’on veut traiter le sujet et non le mettre sous le tapis, et il ne faut surtout pas que ça dissuade des étudiantes en prépa de passer le concours." Mais il juge nécessaire de mettre en place un plan d’action "plus ambitieux" :" la première chose serait de financer des formations de sensibilisation et de prévention, en petits groupes, pour éveiller les consciences", à l’image de ce que l’école a déjà mis en place pour les risques liés à l’alcool.
"Bien sûr que beaucoup de faits ont lieu en soirée, mais même alcoolisés, les étudiants ne dégradent pas les lieux par exemple, alors pourquoi ce serait une excuse pour agresser ?" Eugénie Multrier est en deuxième année du cycle ingénieur, et membre du bureau des élèves de Polytechnique (Kes).
Sécuriser les soirées étudiantes
Elle a participé au groupe de travail qui a abouti à la création du questionnaire. "Nous savions que c’était un sujet, mais j’ai été étonnée par les résultats". En tant que membre de la Kes, elle participe à l’organisation des soirées.
"Nous avions déjà mis en place certaines mesures comme des créneaux de sécurité, où des personnes sobres font le tour de la soirée pour s’assurer que tout se passe bien. Ou encore des 'safe space', des espaces calmes à l’extérieur pour pouvoir s’extraire de la fête lorsqu’on en ressent le besoin."
Pour l’étudiante, la sortie de l’enquête a permis une prise de conscience, "et de nombreuse personnes nous ont contactés pour participer à une meilleure sécurisation des événements". Parmi les mesures en cours de réflexion, la réalisation d’un questionnaire, avant et après la soirée, pour à la fois rappeler les règles de bonne conduite et permettre aux étudiants de parler si des choses s’étaient mal passées.
"Désormais, le tabou est levé" espère Eugénie Multrier. L’école élabore actuellement à un nouveau plan d’action contre les violences sexistes et sexuelles, et veut ouvrir à tous les étudiants la possibilité de proposer des idées. L’enquête interne, elle, devrait être réitérée régulièrement pour évaluer l’impact des mesure prises.