Décryptage

Violences sexistes et sexuelles : la triste réalité des étudiants en médecine

32% des étudiants en médecine ont été victimes de harcèlement sexiste ou sexuel.
32% des étudiants en médecine ont été victimes de harcèlement sexiste ou sexuel. © VadimGuzhva / Adobe Stock
Par Pauline Bluteau, publié le 18 mars 2021
6 min

Un tiers des étudiants en médecine auraient déjà été victimes de harcèlement sexiste ou sexuel lors d’un stage à l’hôpital ou à la fac, selon l’enquête de l’ANEMF. L’association étudiante veut briser cette "omerta persistante qui accentue le mal-être des étudiants en médecine".

"Nous aurions préféré ne jamais avoir à publier cette enquête. Nous aurions préféré ne jamais avoir à lire les centaines de commentaires et témoignages accablants reçus. Nous aurions préféré ne jamais ressentir cette colère et cette honte à l’égard du milieu dans lequel nous évoluons au cours de nos études." Les mots de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) sont aussi forts que les chiffres présentés dans cette enquête, publiée le 18 mars 2021.

Le constat est triste et amer : 32% des étudiants en médecine ont été victimes de harcèlement sexiste ou sexuel et 15% ont déjà subi une agression sexuelle. Des violences perpétrées le plus souvent au sein de l’université mais aussi à l’hôpital, pendant les stages.

Des violences en stage comme sur les bancs de la fac

Ce qui change en revanche, ce sont les auteurs des violences. À l’université, 93% des agressions sexuelles sont perpétrés par des étudiants. Le plus souvent, à l’occasion d’événements comme des week-ends, soirées ou galas. En stage, neuf actes de harcèlement sur dix sont quant à eux perpétrés par un supérieur hiérarchique. Les médecins de service sont d’ailleurs responsables d’une agression sexuelle sur deux. À l’hôpital, les étudiants mettent aussi en cause les patients et leurs gestes déplacés.

Moins d’une agression sexuelle sur cinq signalée

Pourtant, moins d’un étudiant sur cinq parvient à parler de ce dont il a été victime. Ils semblent même encore plus visés par ce tabou puisqu’ils sont deux fois moins nombreux à entamer ces démarches, contrairement aux étudiantes.

Dans la plupart des cas et pour la majorité d’entre eux, dénoncer ne servirait à rien. Autres motifs évoqués, notamment par les jeunes femmes : ne pas savoir à qui s’adresser et avoir peur des retombées. "On pense qu’ils sont informés et finalement, pas tant que ça… Parfois, les affaires durent depuis des années et les étudiants pensent que leur témoignage n’apportera rien de plus. Pour les victimes, c’est difficile de dépasser cette période de déni et de culpabilité, elles se sentent souvent responsables."

D’ailleurs, même lorsqu’ils signalent les faits, 50% des étudiants pensent que cela s’est avéré inutile. La majorité d’entre eux n’ont vu aucun changement de comportement de la part de l’auteur des faits. Ils déplorent également la banalisation et le manque de considération de ces dénonciations. Un quart des victimes finit même par se mettre volontairement à l’écart de l’auteur des faits.

Une omerta bien ancrée chez les étudiants en médecine

Malheureusement, les violences sexistes et sexuelles ne sont pas nouvelles pour les étudiants en médecine.

Plus d’un étudiant sur deux connait au moins une victime de harcèlement mais seulement un tiers affirme avoir réagi… pour les mêmes raisons que les victimes. Un étudiant sur quatre craint les retombées de ce signalement. Souvent, les victimes préfèrent prévenir leurs proches, les plateformes de signalement voire les associations étudiantes plutôt que les personnes référentes à l’université ou à l’hôpital.

Les impacts de ces violences sont pourtant loin d’être anecdotiques. Un quart des victimes ont vu des conséquences à la fois sur leur vie personnelle (78%), leur vie professionnelle (35%) ou leur consommation d’alcool ou de tabac (16 et 10%). Pour la quasi-totalité des étudiants interrogés dans cette enquête, la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles est primordiale et ce, dès le collège. "Cette enquête nous permet d’avoir des preuves concrètes sur ce qu’il se passe à l’hôpital et à l’université, souligne Morgane Gode-Henric. Nous allons porter une vingtaine de propositions principalement sur cette volonté de sensibiliser et informer. Mais nous ne sommes pas naïfs, on sait bien que cela ne changera pas du jour au lendemain…"

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