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Décryptage

Comment allier sport de haut niveau et études à l’université ?

Bastien Sauvage, 21 ans, est étudiant à l'Université Grenoble Alpes et sportif de haut niveau.
Bastien Sauvage, 21 ans, est étudiant à l'Université Grenoble Alpes et sportif de haut niveau. © DR
Par Amélie Petitdemange, mis à jour le 24 juin 2020
7 min

La prochaine édition des Jeux olympiques d’été, initialement programmée pour fin juillet 2020, se déroulera à Tokyo en 2021. En 2024, ce sera au tour de la France d'accueillir cet événement sportif majeur, du 26 juillet au 11 août. À cette occasion, l'Etudiant enquête sur la manière dont les universités accompagnent les étudiants qui sont également des sportifs de haut niveau.

Robin Cocouvi, étudiant en licence d'économie à Paris Diderot, joue au tennis depuis ses six ans. Le jeune homme jongle entre les cours, les entraînements et les compétitions. Pour l’aider à mener ces deux activités de front, l’université lui a accordé le statut d’étudiant sportif de haut niveau.

"Etudiant sportif", un statut particulier

"J’avais déjà ce statut à l’université Dauphine mais, malgré les aménagements, je ne parvenais pas à allier études et entraînements. J’ai donc intégré Diderot, où j’ai moins de cours et je peux être absent avec moins de conséquences", explique le jeune homme de 22 ans.

Le statut de sportif de haut niveau lui a notamment permis de passer en contrôle terminal, c’est-à-dire d’être évalué uniquement avec les partiels. Il peut également s’absenter de certains cours pour partir en tournoi. "Au premier semestre, je ne savais pas comment m’y prendre, j’allais à tous les cours et examens. Mais dès le deuxième semestre, j’ai adopté ce nouveau rythme qui convient mieux à ma pratique sportive", explique Robin.
Son emploi du temps reste cependant très chargé, puisque le jeune homme assiste à 30 heures de cours par semaine, s’entraîne deux heures par jour, et part quasiment tous les week-ends en compétition. "Le plus fatiguant, ce sont les déplacements. Et comme je ne suis pas à Paris le week-end, j’ai très peu de temps pour voir mes amis", raconte le tennisman.
Robin Cocouvi, étudiant en économie à Paris Diderot, a représenté son université au tournoi Master'U BNP Paribas
Robin Cocouvi, étudiant en économie à Paris Diderot, a représenté son université au tournoi Master'U BNP Paribas © DR

"Concilier sport de haut niveau et études, c’est très compliqué. Le sport demande un énorme investissement en temps et en énergie. Or en France, 'on ne joue pas le jeu' comme aux États-Unis où le diplôme est quasiment donné aux étudiants sportifs", souligne Thierry Barrière, responsable du Sport de Haut Niveau à l'université Paris-Diderot. Selon lui, le nombre d’étudiants considérés par l’État comme des sportifs de haut niveau a chuté, pour atteindre 5.000 cette année. Face à ce constat, les universités s’adaptent en créant un autre statut, comme celui de "sportif de bon niveau national" à Diderot.

À Grenoble, un centre dédié aux étudiants sportifs

L’accompagnement de ces jeunes au statut particulier varie selon les universités. L’université de Grenoble Alpes (UGA) s’est par exemple alliée avec Grenoble École de Management (GEM) et l'Académie de Grenoble pour créer un Centre d’accompagnement des sportifs d’excellence Grenoble Alpes (CASE).

Créé en décembre 2019, ce centre devrait permettre un accompagnement plus fluide, du lycée jusqu’aux études supérieures. "Il y avait des dispositifs existants dans les trois institutions, mais nous avions besoin d’un organe de coordination. Plutôt que de choisir une filière d'études par défaut, uniquement parce que l'emploi du temps se révèle compatible avec la pratique de leurs activités sportives, les jeunes sportifs seront accompagnés dès le second degré pour choisir des études en cohérence avec leur projet", assure Philippe Giroud, responsable du centre à l'UGA.

Des bourses devraient aussi être attribuées. "Dans l’imaginaire collectif, un sportif de haut niveau gagne très bien sa vie. En réalité, la majorité de ces étudiants n’a pas de revenus, et la pratique d’un sport peut être onéreuse", souligne Philippe Giroud. Un accompagnement médical et paramédical devrait également voir le jour, notamment en kinésithérapie.

Enfin, l’insertion professionnelle est un élément crucial pour ces étudiants. Le centre devrait les aider dans leur recherche de stage et d’emploi grâce à un réseau d’entreprises qui permettront de faire du télétravail ou encore d’étaler le stage dans le temps pour que l’étudiant puisse s’absenter.

Des cursus aménagés au cas par cas

À l’université de Grenoble, les 555 étudiants sportifs de haut niveau inscrits cette année disposent d’ores et déjà de cursus aménagés et d’enseignement à distance. Ils sont également suivis par 140 tuteurs. Enfin, ils peuvent retrouver les cours sur une plate-forme dédiée aux étudiants qui ont un statut particulier (artistes ou sportifs de haut niveau, jeune en situation de handicap...) et alimentée en contenus grâce à des étudiants preneurs de notes recrutés par l’université.

Un accompagnement qui porte ses fruits, assure Philippe Giroud : "ces étudiants réussissent aussi bien, voire mieux, avec un taux de réussite au contrat de scolarité de 73 à 75%. Leurs résultats sportifs sont aussi très bons : l’année dernière, nous avons eu 40 podiums à l’international et 15 victoires en championnats du monde".

Bastien Sauvage, guide handisport en ski et étudiant en licence de physique, chimie, mécanique et mathématiques à l’UGA, a ainsi participé aux Jeux paralympiques d'hiver de 2018 en Corée du Sud tout en validant son année. Le jeune homme de 21 ans bénéficie d’absences autorisées, de cours particuliers et de sessions d’examens spéciales en cas d’absences. Comme 40% des étudiants sportifs de haut niveau de l’UGA, il a étalé son cursus, en réalisant ses deux premières années de licence en trois ans.

Un privilège qui pourrait cependant s’arrêtera à la fin de ses études. Les entreprises prêtes à s'adapter à l'emploi du temps des sportifs ne sont pas nombreuses. "Je ne compte pas arrêter mes études pour me consacrer au sport, mais plutôt entrer en école d’ingénieurs", prévoit le jeune homme. Bien que les universités fassent de leur mieux pour accompagner les étudiants sportifs, Thierry Barrière met en garde : "à un moment donné, ces étudiants doivent faire un choix. Et vivre de son sport reste très rare".

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