Reportage

Des tuteurs pour épauler les étudiants face à la crise du Covid-19

reportage tutorat à Strasbourg
Valentin, étudiant en master 1 et tuteur, accompagne des étudiants de première année en économie. © Julien Penot/l'Etudiant
Par Julien Penot, publié le 18 mars 2021
6 min

Près de 20.000 tuteurs ont été déployés dans toute la France pour accompagner les étudiants en pleine épidémie. L’université de Strasbourg en compte 260, répartis dans plusieurs filières. Un soutien qui dépasse le simple cadre scolaire. Reportage.

Stylo feutre à la main, Valentin crayonne des séries de calculs sur le tableau blanc, sous les yeux de Nudzhat, étudiante de première année. Le jeune homme n’est pas enseignant mais tuteur. Chaque semaine, cet étudiant en Master 1 de macro-économie donne cinq à six heures de cours à sept autres étudiants. Des "première année" venus chercher un soutien scolaire face à la crise sanitaire. "On est là pour instaurer une ambiance de travail. C’est surtout cela qui manque quand on est seul, à distance, dans un appartement et face au Covid", résume Valentin.
Derrière sa tablette tactile, Nudzhat acquiesce. La jeune fille de 19 ans prépare ses concours d’entrée pour les grandes écoles de commerce. "Avec le tutorat, je retrouve cet aspect sérieux qui me manquait. A la fac, le plus important, c’est d’être autonome, et avec le confinement c’est plus difficile", déclare l’étudiante. Le petit groupe a développé un esprit de solidarité. Une conversation Instagram permet de fixer la prochaine séance entre eux, "parfois c’est juste pour discuter entre nous, se redonner le moral, briser la glace et voir qu’on est tous un peu dans la même galère", sourit Valentin, appuyé contre la table.

Des tuteurs comme soutien moral

Les tutorats permettent aussi de faire ressortir des malaises liés à la crise sanitaire. "Des difficultés d’orientation, certains se posent des questions, décrit le tuteur, savoir s’ils ont fait le bon choix d’étude, alors qu’en présentiel cela aurait été différent." Ces doutes, Alix les a connus et a même failli lâcher prise. En première année d’une double licence éco-gestion et langues étrangères appliquées, elle suit des tutorats deux fois par semaine à distance depuis Saverne, au nord de Strasbourg. Et ce n’est pas vraiment l’aspect scolaire qui l’a attirée. "Moi c’est surtout pour le soutien moral et psychologique, histoire d’avoir quelqu’un avec qui discuter parce que la fac ne nous soutient pas forcément", confie la jeune fille.

Avec sa tutrice, elle revient sur les cours de la semaine via sa webcam, puis s’enchaîne une suite de sujets variés, de l’actualité aux vacances en passant par la dernière série à regarder. Un lien social qui l’a tirée vers le haut au moment où elle n’y croyait plus. "J’ai vraiment pensé à arrêter mes études en décembre", lâche l’étudiante. Depuis, les séances de tutorat lui ont permis de reprendre confiance en son projet professionnel : devenir officier à l’armée.

Des tuteurs, pas des assistantes sociales

Comme Alix, ils sont nombreux à trouver chez leur tuteur un confident, "un grand frère", pour évoquer la situation sanitaire. "L’objectif, c’est de recréer ce lien qu’ils ont perdu avec la fac en distanciel", témoigne Marie-Line, l’une des tutrices. Début février, 75 tuteurs de sa filière ont été formés sous la houlette d’Amélie Barbier-Gauchard, vice-doyen de la faculté des sciences économiques et de gestion. "La formation était là pour dire : ce n’est pas à vous de porter toute la misère des gens que vous encadrez. Ils n’ont pas vocation à devenir des assistantes sociales", précise la maitresse de conférences.

Une écoute qui mériterait plus de moyens selon François Blumenroeder. Le président du syndicat de l’Union nationale inter-universitaire à Strasbourg estime "qu’il y a vraiment un souci au niveau du suivi psychologique des étudiants. Là, pour moi, les tuteurs ne sont pas adaptés pour ces problèmes, il faut plus de psychologues à l’université". Actuellement, on en compte près de cinq en temps plein. L’ouverture d’un nouveau poste est attendu.

Le syndicaliste voit également dans ces tuteurs une béquille à l’absence de service auprès des étudiants. "On est dans une situation d’exception, répond Michel Deneken, président de l’université de Strasbourg, on ne peut pas engager des professionnels qui n’existent pas. Puis financer ses études en faisant du tutorat, c’est peut-être plus intelligent que d’être veilleur de nuit dans un hôtel."
Payés 20 euros brut de l’heure, les 260 tuteurs représentent un coût de 400.000 euros pour l’université de Strasbourg. Difficile d’évaluer le nombre d’étudiants total pris en charge. Pour la seule faculté des sciences économiques et de gestion, les première et deuxième années sont 400 à avoir répondu présent sur les 1.200 contactés. Le dispositif est amené à être conduit jusqu’en mai prochain.

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