Actu

Que prévoit la loi immigration pour les étudiants étrangers ?

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin lors du vote de la loi immigration, le 19 décembre, à l'Assemblée nationale.
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin lors du vote de la loi immigration, le 19 décembre, à l'Assemblée nationale. © Eric TSCHAEN/REA
Par Amélie Petitdemange, publié le 05 janvier 2024
6 min

La loi immigration, adoptée par le Sénat puis par l’Assemblée nationale le 19 décembre, durcit l’accès des étudiants étrangers aux établissements français. En attendant son examen par le Conseil constitutionnel, ce jeudi 25 janvier, l'Etudiant fait le point sur ses impacts éventuels.

Finalement adopté le 19 décembre dernier, après de nombreux remous, le projet de loi immigration prévoit plusieurs dispositions qui durcissent l'accueil des étudiants étrangers en France. Des mesures qui suscitent depuis décembre la colère et l'indignation des établissements de l'enseignement supérieur, publics comme privés.

Parmi elles, la caution "retour' reste un point de blocage qui avait d'ailleurs poussé Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, à présenter sa démission en décembre, avant d'obtenir des garanties d'Emmanuel Macron et d'Elisabeth Borne.

Dépôt d’une caution "retour" pour les étudiants étrangers

En effet, la loi immigration prévoit que les étudiants étrangers accueillis en France versent une caution "retour" à l’État afin de recevoir leur carte de séjour. Caution qui leur sera restituée au moment où ils quitteront la France ou lorsqu'ils trouveront un contrat de travail.

"À titre exceptionnel, le ministre en charge de l’enseignement supérieur peut dispenser de l’exigence de caution […] lorsque la modicité des revenus et l’excellence du parcours scolaire ou universitaire de l’étudiant le justifient", précise le nouveau texte.

Le montant de cette caution reste à préciser par décret. L'ancienne Première ministre, Elisabeth Borne, avait évoqué un montant de "10 ou 20 euros", lors d’une intervention sur France Inter le 20 décembre.

Des conditions de ressources déjà existantes pour les étudiants internationaux

Actuellement, le titre de séjour portant la mention "étudiant" est déjà soumis à des conditions de ressources : l’étudiant doit prouver qu’il dispose d’au moins 615 euros par mois. Seuls les ressortissants de pays ayant signé une convention spécifique avec la France et les boursiers sont exclus de cette règle. L’étudiant doit par ailleurs s’acquitter de 50 euros de taxe de séjour pour recevoir son visa.

La caution "retour" s’ajouterait donc à ces dispositions. Une mesure qui ne passe pas auprès des présidents d'université notamment. "L’accès aux connaissances et à la formation ne peut être entravé par des considérations financières si restrictives et sans fondement", ont ainsi réagi 52 présidents d’universités dans un communiqué publié le 19 décembre.

France Universités, de son côté, estime qu'"exiger le dépôt préalable d’une 'caution retour' pour les étudiantes et étudiants désireux de poursuivre leurs études en France va à l’encontre des valeurs de la République et de la tradition multiséculaire d’ouverture au monde de l’université française".

Justifier du "caractère réel et sérieux des études"

Pour Philippe Bonnecarrère, rapporteur centriste du projet de loi au Sénat, la caution "retour" vise à "s'assurer du caractère réel et sérieux du projet d'études". "Il n'est pas possible d'examiner le sujet de l'immigration sans regarder aussi les titres de séjour étudiants. Pour une raison très simple : depuis deux ans, le titre de séjour étudiant est devenu le premier vecteur d'immigration en France. Chaque année, plus de 70.000 titres de séjour pluriannuels sont délivrés pour motifs universitaires", défend le sénateur.

La carte de séjour pourra d'ailleurs être retirée à l’étudiant s'il "ne respecte pas l’obligation annuelle de justification du caractère réel et sérieux des études", précise aussi le texte. Autrement dit, l'étudiant devra justifier de sa présence en cours et aux examens.

"Nous pouvons comprendre qu'il y ait un droit à l'échec, pour un étudiant étranger comme pour un autre étudiant. Nous ne demandons donc pas la réussite à l'examen pour renouveler le titre de séjour. Mais l'étudiant doit avoir suivi ses études, c'est-à-dire assisté aux cours et passé l'examen. C'est le minimum que l'on puisse demander", affirme Philippe Bonnecarrère.

Frais d’inscription majorés

Le projet de loi réaffirme par ailleurs la hausse des frais d’inscription à l’université pour les étudiants hors de l’Union européenne. Ils devront s’acquitter de 2.770 euros annuels en licence et 3.770 euros en master, contre respectivement 170 euros et 243 euros pour les étudiants français.

Actée en 2019 par un arrêté, cette hausse avait suscité de vives polémiques au sein des universités dont un certain nombre refusent d'ailleurs toujours de l’appliquer. "L’inscription des frais différenciés pour les étudiants étrangers aurait de graves répercussions. En effet, à l'heure actuelle, selon le Rapport d'information n°1527 de l’Assemblée nationale, seuls 6% des étudiants étrangers les payent", rappelle le syndicat étudiant Unef dans un communiqué.

La Cdefi (Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs) dénonce quant à elle une "sélection par l'argent" qui "prive la France d'un réel vivier de talents".

Une stratégie qui pose question, alors que les étudiants étrangers rapportent 1,35 milliard d'euros par an à l'État, selon une étude de Campus France publiée en novembre 2022. "Nos étudiants et chercheurs accueillis participent à la production, à la diffusion des valeurs et des savoirs académiques et culturels au-delà de nos frontières", ajoutent les présidents d’universités.

Des quotas pour s’installer en France

Enfin, les étudiants étrangers seront soumis à un quota pour s’installer en France une fois leurs études achevées. Le Parlement sera en effet chargé de fixer un nombre maximum d’étrangers admis en France pour les trois prochaines années.

Pour les présidents d’universités signataires, "ces mesures indignes de notre pays mettent gravement en danger la stratégie d’attractivité de l’enseignement supérieur et de la recherche française".

Un avis partagé par la CGE (Conférence des grandes écoles) qui souligne les "effets néfastes qu'induirait la loi immigration si elle était promulguée" mais aussi par la Cdefi qui estime que "ce texte prend une direction diamétralement opposée" au plan Bienvenue en France, qui prévoyait l'accueil de 500.000 étudiants étrangers par an à horizon 2027.

Le Conseil constitutionnel, saisi par des sénateurs et des députés, mais aussi par Emmanuel Macron lui-même pourrait cependant censurer certaines dispositions. La caution "retour" est notamment en ligne de mire. Emmanuel Macron avait d’ailleurs estimé, sur France 5 le 20 décembre, que cette caution "n’est pas une bonne idée". Le Conseil doit trancher ce jeudi 25 janvier.

Vous aimerez aussi

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !