Enquête

Crise sanitaire : la précarité des étudiants augmente

La précarité touche plus sévèrement les femmes : les étudiantes sont 40% à être boursières et sont plus impactées par la hausse du coût de la vie.
La précarité touche plus sévèrement les femmes : les étudiantes sont 40% à être boursières et sont plus impactées par la hausse du coût de la vie. © Fred MARVAUX/REA
Par Amélie Petitdemange, publié le 23 novembre 2020
6 min

La pandémie de Covid-19 a affecté le budget des étudiants, faisant basculer certains jeunes dans la précarité ou accentuant des situations déjà fragiles. La situation des jeunes femmes est particulièrement préoccupante.

La crise sanitaire a accentué la précarité de certains étudiants. Pendant le confinement, un tiers des étudiants a déclaré avoir rencontré des difficultés financières et parmi eux un étudiant sur deux les considère plus importantes qu’habituellement, selon une étude OVE publiée en septembre.
La pandémie de Covid-19 a notamment provoqué l'annulation de nombreux jobs étudiants. Durant le confinement, près de 6 étudiants sur 10 ont arrêté, réduit ou changé leur activité rémunérée. Pour ceux dont celle a été interrompue, la perte de revenu est estimée en moyenne à 274 euros par mois.

Premier été sans revenu

"Je travaille tous les étés depuis mon année de première au lycée. En 2019, j'ai gagné plus de 3.000 euros sur trois mois en travaillant dans le BTP. L'été dernier, c'était la première fois que je n'avais aucun revenu", témoigne Thaouban, 20 ans. L'étudiant à l'université d'Avignon (84) a dû tirer un trait sur les escapades en vacances, refusant la moindre proposition de ses amis.

Alice, étudiante en lettres modernes, a connu la même situation. "L'été, je travaille chez McDo. Mais cette année, le nombre de postes a été réduit à cause du coronavirus", regrette la jeune femme de 22 ans.

Boursière échelon 4, elle reçoit 400 euros du Crous, qui couvrent juste son loyer. Il lui reste ensuite 200 euros d'aides de la CAF pour payer sa facture d'électricité, ses courses, ses livres de cours et éventuellement des vêtements. "Si mes grands-parents ne m'avaient pas aidée, je ne sais pas comment j'aurais fait. Mais certains étudiants n'ont pas cette chance…", raconte-t-elle.

Des dépenses alimentaires qui posent problème

C'est le cas de Brenda, qui a intégré l'université de Créteil-Paris 12 (94) en master de droit des assurances à la rentrée 2020. "Je ne voulais pas travailler avant de décrocher ma licence. Mais quand j'ai postulé pour un job, le confinement s'annonçait déjà, et je n'ai rien trouvé", témoigne l'étudiante de 20 ans, dont la famille est au Togo. "Je peux tenir avec ma bourse, mais ça aurait été plus facile avec un petit boulot", reconnaît-elle. Lorsqu'elle a le temps entre ses cours de droit, elle récupère un colis aux distributions alimentaires.

Selon l'enquête de l'OVE, ce sont principalement les dépenses d’ordre alimentaire qui ont posé problème aux étudiants concernés. Elles ont été citées par 56% des étudiants ayant rencontré des difficultés financières.

Achats supplémentaires

Les masques chirurgicaux et le gel hydroalcoolique représentent aussi un budget supplémentaire. "Cette crise affecte tous les étudiants. Les aides comme les repas à 1 euros devraient profiter à tous, pas seulement aux boursiers", plaide Thaouban, qui milite au syndicat UNEF.

Les cours en ligne peuvent aussi entraîner des dépenses supplémentaires. Thaouban a dû racheter un ordinateur cet été, après que le sien est tombé en panne. Quant à Alice, elle a investi dans un casque audio.

Pour aider les étudiants qui ne disposent pas de matériel informatique ou de connexion, le ministère de l'Enseignement supérieur a annoncé mi-novembre un accord avec SFR. L'opérateur fait don de 20.000 recharges prépayées, 240.000 Go de data, 3.000 smartphones et 1.500 box 4G de poche à des étudiants en situation de précarité.

Précarité accentuée chez les femmes

Le gouvernement a également mis en place des aides dédiées aux étudiantes. La précarité touche en effet plus sévèrement les femmes : les étudiantes sont 40% à être boursières, contre 34% d'étudiants, et elles sont plus impactées par la hausse du coût de la vie. Selon l'étude OVE, il y a 40% de femmes et 31% d'hommes parmi les étudiants qui ont arrêté leur activité rémunérée pendant le confinement.

"Je suis évidemment au courant de la difficulté particulière liée au genre", a affirmé la ministre Frédérique Vidal à l'Assemblée nationale, le 10 novembre. Lors des deux confinements, le ministère de l'Enseignement supérieur a donc favorisé une aide alimentaire, mais aussi une aide pour les produits hygiéniques de première nécessité. Les étudiantes peuvent par ailleurs être accompagnées dans les centres de santé des universités, qui proposent des consultations de médecine générale, mais aussi de spécialité, comme la gynécologie.

La question de la précarité est d'autant plus cruciale en cette période de confinement, qu'elle est souvent liée à d'autres problématiques. Selon l'étude OVE publiée en septembre, près de la moitié des jeunes ayant des problèmes matériels ont présenté le signe d'une détresse psychologique, contre 24% des étudiants sans souci d'argent.

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