Réforme des bourses : après les annonces, quelle réalité ?
INFOGRAPHIES. En janvier dernier, l'Unef dénonçait les "mensonges" et les "arnaques" du gouvernement au sujet de la réforme des bourses. Annoncée il y a tout juste un an, la réforme, qui a déjà été repoussée, est aussi critiquée, notamment par les associations étudiantes. Mais ces attaques sont-elles justifiées ?
"Depuis son élection en 2017, Macron affirme être le président des jeunes. Et pourtant, (...) de la part de ses gouvernements successifs, les étudiant(e)s n’ont connu que le mépris et la précarisation." Selon l'Unef (union nationale des étudiants de France), le gouvernement aurait "sciemment menti" aux étudiants sur la réforme des bourses, annoncée "en grande pompe" en mars 2023.
Depuis 2017, le nombre d'étudiants boursiers Crous est en chute et n'a jamais été aussi bas depuis dix ans, avec, en 2022, 675.420 boursiers. Face à ce constat, et alors que la précarité étudiante ne cesse d'être décriée, la réforme des bourses pourrait changer la donne. Mais tout dépend du budget qui assurera sa mise en place, car celui annoncé semble loin de la réalité.
Repasser la barre des 700.000 étudiants boursiers
"Dès la prochaine rentrée [2023, NDLR], nous apporterons plusieurs améliorations au système de bourses sur critères sociaux", annonçait la ministre de l'Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau. Avec un barème révisé, 35.000 nouveaux boursiers seraient concernés, selon le ministère de l'Enseignement supérieur. De quoi atteindre 710.000 bénéficiaires dès septembre 2023.
Un chiffre qui avait en réalité été franchi cinq ans auparavant, en 2018. En effet, entre 2012 et 2017, sous la présidence de François Hollande, le nombre de bénéficiaires des bourses sur critères sociaux avait nettement progressé avec 61.000 boursiers supplémentaires. À l'inverse, depuis la présidence d'Emmanuel Macron, le nombre de boursiers du CROUS n'a de cesse de diminuer : 26.000 boursiers en moins entre 2017 et 2022, soit une baisse de 3,7%.
Évolution du nombre d'étudiants boursiers
Des contextes différents
Actuellement, le nombre de boursiers est donc le même qu'en 2014 alors même que le nombre d'étudiants dans l'enseignement supérieur a progressé de 17% en dix ans. À y regarder de plus près, ces évolutions dépendent aussi et surtout du contexte politique.
Si le nombre d'étudiants boursiers a explosé entre 2012 et 2017, cela s'explique notamment par la création, à la rentrée 2013, de deux nouveaux échelons, 0 bis et 7. Ces deux échelons représentent actuellement 40% des étudiants boursiers.
Or, il a fallu attendre 2021 pour que le nombre de boursiers commence à chuter, juste après la crise sanitaire du Covid-19. En cause, l'explosion du nombre d'apprentis grâce à l'aide à l'embauche proposée aux entreprises. Considérés en apprentissage, les étudiants-salariés ne peuvent plus bénéficier des bourses sur critères sociaux.
Selon le ministère de l'Enseignement supérieur, cela a principalement concerné les étudiants de BUT et de BTS, les deux filières qui comptaient le plus grand nombre de boursiers. Rien qu'en 2021, le nombre d'apprentis a augmenté de 43% en BTS puis de 14% en 2022 (de 109.500 apprentis en 2020 à 179.000 en 2022) et à l'inverse, le nombre de boursiers dans cette formation a diminué de 9%.
Un budget dédié aux bourses moins important que prévu
Il n'empêche que la précarité reste bien présente comme le rappellent régulièrement les associations étudiantes. En 2022, le taux de l'inflation avait atteint 5,2% puis 4,9% l'année dernière. Selon la Fage, le coût de la rentrée a, quant à lui, augmenté de 7,38% en 2022 puis de 4,48% à la rentrée dernière. Globalement, selon l'Unef, le coût de la rentrée a augmenté de 25% depuis 2017.
Pour contre-attaquer, la ministre de l'Enseignement supérieur a donc prévu de mettre la main au portefeuille. Il y a un an, dans le cadre de la réforme des bourses, Sylvie Retailleau évoquait une "augmentation de près de 20% du budget dédié aux bourses" avec une enveloppe globale de 500 millions d'euros.
Mais comme l'affirme l'Unef, et après vérification, la loi de finances 2024 prévoit plutôt 117 millions d'aides directes dédiées aux bourses et donc au réseau des Crous, soit une hausse de 4,6% du budget. L'augmentation de 500 millions d'euros du budget dédié aux bourses étudiantes n'a d'ailleurs même pas été atteinte sur ces cinq dernières années (+ 437 millions d'euros depuis 2017).
Les engagements du gouvernement tenus ?
Pour le ministère de l'Enseignement supérieur pourtant, "les engagements pris sont bien tenus" car les 500 millions d'euros supplémentaires concernent "l'ensemble des mesures vie étudiante de l'an passé" incluant le gel des loyers et le ticket RU à un euro. Selon la loi de finances 2024, le programme 231, qui englobe toute la partie "vie étudiante" de l'enseignement supérieur, a bien été revu à la hausse, mais avec une augmentation de 220 millions d'euros.
Là, encore, les 500 millions ne sont donc pas atteints, mais selon le ministère, cette enveloppe ne doit pas être comparée "à la loi de finances 2023". Alors "mensonge" ou effet d'annonce, selon Julien Gossa, maître de conférences à l'université de Strasbourg, le montant aurait probablement été "calibré" selon les besoins.
En effet, le nombre de boursiers pourrait ne pas repartir à la hausse dans les années à venir en raison de la baisse démographique, d'une part, et de la hausse du nombre d'abandons dans l'enseignement supérieur, d'autre part. Plus besoin du demi milliard d'euros dans ce contexte donc.