Reportage

Grève des enseignants : de nombreuses revendications pour l’école

Manif
La manifestation parisienne a réuni de nombreux enseignants. © Marine Ilario
Par Marine Ilario, publié le 01 février 2024
5 min

Revalorisation des salaires, classes moins chargées, de meilleures conditions d'enseignement, trop de réformes... Les demandes étaient nombreuses lors de la manifestation des enseignants à Paris ce jeudi 1er février.

"C’est la première fois que je me demande si je dois continuer mon métier ou en changer". Gaëlle Bibes est professeure de français dans un collège à Meudon-la-Forêt. Depuis 25 ans, elle s’engage auprès des jeunes avec passion. Mais ce jeudi 1er février, elle a décidé de prendre part à la grève des enseignants, ce qu’elle n’avait pas fait depuis 10 ans, pour protester contre l’idée de "créer des groupes de niveaux où l'on n’arrivera pas à faire progresser les élèves et qui vont scinder l’école en deux : celle des brillants, des riches et celle des pauvres. C’est inadmissible !"

Comme elle, les enseignants présents portaient en eux de nombreuses revendications. L’Etudiant est allé à leur rencontre. Reportage.

Des réformes déconnectées de la réalité

Avec les nombreuses annonces du "choc des savoirs" au collège et au lycée, de nombreux enseignants regrettent des mesures éloignées de la réalité de terrain. Pour Laure, professeure de mathématiques dans un collège en Seine-Saint-Denis (93), "le problème, c'est qu’aucune des réformes proposées ne concerne les vrais problèmes que connaît l’école". Selon elle, "le problème principal est le manque de moyens partout : dans les locaux, dans les personnels. C’est hallucinant de voir les conditions dans lesquelles on enseigne."

Chez Halima, professeure en charge d’une classe UPE2A dans un collège du Val-d'Oise (95), la colère est palpable. "On sent beaucoup de mépris. On a l’impression d’être regardé de haut par des gens qui ne savent rien du tout de la réalité de notre métier."

Pour Robin, professeur remplaçant dans plusieurs collèges, les annonces pour l’école ne répondent pas au besoin d’amélioration des conditions de travail. "On a l’impression que les gens qui imaginent ces réformes ne pensent pas à leur application concrète. Je ne vois pas en quoi les groupes de niveaux vont aider. Au contraire, ça va les détériorer !"

Des manifestants à Paris.
Des manifestants à Paris. © Marine Ilario

Un besoin pressant d’améliorer les conditions de travail

Car ce sont bien les conditions de travail qui sont le plus souvent critiquées. Michel est dans sa première année d’enseignement. Professeur de mathématiques dans un collège à Aulnay-sous-bois (93), il déplore des conditions de travail très difficiles "pour les enseignants mais aussi pour les élèves". Des conditions difficiles à tous les niveaux : "des classes surchargées, des problèmes de matériels, le froid dans certaines salles", déplore le professeur stagiaire.

Robin le reconnaît, "les collèges où j’enseigne sont surchargés, on a besoin de plus d’enseignants". Plus d’enseignants, c’est aussi la demande d’Artémio, lycéen en seconde qui participe à la manifestation pour soutenir les professeurs. "il n’y a pas un professeur devant chaque classe et je pense que c’est vraiment le premier problème auquel il faut s’attaquer."

Revaloriser les salaires

Pour Axel Benoist, professeur en lycée professionnel et co-secrétaire général du Snuep FSU (Syndicat de l'enseignement professionnel public), "on attend du gouvernement qu’il rouvre le dossier des salaires. Car pour nous, il n’est pas clos. Les augmentations de l’année dernière ont déjà été absorbées par l’inflation et si on veut rendre attractif le métier d’enseignant, ça passe notamment par le salaire."

Mathilde, professeure de lettres classiques dans un lycée à Champigny-sur-Marne (94) est aussi présente "pour la revalorisation des salaires", mais pas que. "Je veux l’arrêt des réformes qui détruisent les classes, la solidarité entre tous les élèves et l’exigence d’un bon niveau pour tous."

Gaëlle, elle, se bat "pour les élèves de demain, pour qu’ils puissent continuer à devenir des citoyens de demain libres et responsables".

Les enseignants en souffrance

De nombreux enseignants portaient aussi en eux un mal-être. Laure qui enseigne depuis deux ans se sent déjà désabusée. "Au départ, on se sent très motivé, mais c’est devenu très difficile d’enseigner."

Alors qu’elle enseigne depuis 10 ans, Halima se pose beaucoup de questions. "Je pense sincèrement à une reconversion professionnelle. Je sais avec certitude que je ne finirai pas mes jours à l’Éducation nationale."

Après quelques mois d’enseignement, Michel ne regrette pas son choix. "Je n’ai pas spécialement peur pour la suite parce que j’arrive à leur transmettre quelque chose, mais je me dis que ça pourrait être vraiment mieux sur beaucoup d’aspects."

Malgré les difficultés, certains sont prêts à embrasser une carrière d’enseignant. Comme Pablo, étudiant en L1 Staps à Bobigny (93), qui aspire à devenir professeur d’EPS. "Pour moi, le métier d’enseignant est essentiel. La situation me fait un peu peur, mais mon regard sur le métier ne change pas : c’est le plus beau métier du monde."

Comme le rappelle, Mathilde, "la passion, ce sont les élèves qui nous la donnent. On ne la trouve pas dans la considération par la société ou la hiérarchie. La passion ce sont les élèves, la transmission des savoirs qui est le cœur de notre mission."

Retrouvez ci-dessous notre reportage vidéo.

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