Décryptage

Réforme du lycée pro : y aura-t-il assez de stages pour tous les élèves ?

Au lycée professionnel, les élèves doivent passer 22 semaines en stage sur trois ans.
Au lycée professionnel, les élèves doivent passer 22 semaines en stage sur trois ans. © Patrick ALLARD/REA
Par Philippine Ramognino, publié le 16 décembre 2022
4 min

Dans le cadre de la réforme du lycée professionnel, le gouvernement souhaite augmenter la durée des stages pour tous les élèves. Le risque : que les entreprises ne puissent pas répondre à la hausse de la demande.

L’enseignement professionnel se mobilise depuis le mois d’octobre dernier, à coups de grèves et de communiqués, contre la réforme de la filière. Parmi leurs revendications, le refus de l’augmentation d’au moins 50% des temps de stages en entreprise.

Actuellement, les élèves doivent effectuer 12 à 16 semaines de stage sur deux ans de CAP, et 22 semaines sur trois ans de lycée professionnel.

Une problématique déjà d’actualité

Cette augmentation des stages, qui devrait entrer en vigueur à la rentrée 2023, pose la question des places disponibles en entreprises. Car il n'est pas toujours aisé de trouver une structure acceptant d’accueillir un élève, et donc de prendre du temps pour le former.

Afin de créer un roulement, le président de la République, Emmanuel Macron, a abordé l'option de mettre en place différentes périodes de stages pour répartir les élèves. Une solution déjà expérimentée par de nombreux établissements, selon Annie Toudic, secrétaire générale adjointe du Snec-CFTC.

L'enseignante en lycée agricole en Bretagne estime que les établissements n'ont plus de marge de manœuvre : "Les solutions pour garantir un accès à tous en entreprise sont déjà mobilisées. Si on rallonge la durée des stages, il va y avoir un blocage."

Les entreprises pas demandeuses

À en croire les organisations patronales s’étant exprimées durant les groupes de travail entourant la réforme, les entreprises ne seraient pas non plus demandeuses de cet allongement. "Les premières remontées de nos collègues sont qu’elles ne sont pas forcément en capacité d’accueillir des stagiaires plus longtemps", indique Axel Benoist, professeur de mathématiques et de sciences en lycée professionnel.

Cela dépendrait notamment des secteurs. Le secteur scolaire, celui de la santé et de l’accompagnement à la personne risquent par exemple d’être tendus. "Dans les Ehpad, on touche à l'humain, c’est donc délicat d’embaucher des mineurs", illustre l'enseignant, également co-secrétaire général du Snep-FSU.

Même des secteurs dits "porteurs" et en besoin de recrutement, comme la restauration, la mécanique, l’automobile ou la chaudronnerie ne pourront pas satisfaire la demande. "Les entreprises attendent bien souvent des jeunes déjà opérationnels", indique Axel Benoist. Accueillir un stagiaire nécessite en effet du temps pour le former, un temps qui peut manquer aux entreprises à faible effectif.

Des disparités territoriales

Fabrice Chevaleyre, délégué général du syndicat professionnel AMICS, se veut plus nuancé. Alors que certaines entreprises croulent sous les candidatures, d’autres ne sont pas sollicitées. "Je connais une entreprise de mécanique, située à 50 mètres d’un lycée professionnel, qui n’a reçu qu’une candidature en quinze ans."

Enfin, les difficultés à trouver un stage pourraient varier d’une région à l’autre. Comme l’indique à l'Etudiant un représentant de Régions de France, "les grandes entreprises ont des capacités d’accueil supérieures à celles des PME". Cela laisse prévoir des différences entre les grandes villes et la ruralité.

Un conseil face à ces potentielles difficultés : aller toquer à toutes les portes.

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