Portrait

Ma vie d'élève en lycée expérimental : Amine, la grammaire en s’amusant

Élève dans un lycée expérimental 1 - Paris
Amine, 17 ans, est en seconde au "lycée des futurs", l’une classe du Pôle innovant lycéen, à Paris. © Laurent Hazgui/Divergence pour l'Etudiant
Par Propos recueillis par Maria Poblete, publié le 27 juin 2016
1 min

Élève décrocheur au collège, Amine a retrouvé sa motivation et le goût d’apprendre en suivant l’équivalent d’une seconde générale au Pôle innovant lycéen à Paris. La particularité de l'établissement ? Un accompagnement individualisé, entre cours le matin et ateliers l’après-midi.

"J’ai commencé à décrocher en quatrième. J’étais un mauvais élève. Quand j’ai voulu intégrer une seconde générale, section STMG [sciences et technologies du management et de la gestion], on m’a orienté vers un bac professionnel gestion, car je n’avais pas le niveau requis. Rien ne me plaisait, ni les cours, ni l’ambiance, ni les enseignants. Je ne me sentais pas bien. Je perdais pied, j’étais absentéiste. Quand j’allais en classe, je bavardais avec mes potes. Je finissais par avoir des lacunes. C’était le cercle infernal.

J’ai redoublé 2 fois ma seconde. Et le couperet est tombé : je ne passais pas en première. Pire, je n’avais pas d’orientation, j’étais dehors ! C’était le vide dans ma tête. J’avais 16 ans, j’avais passé tout ce temps à l’école pour rien. J’étais mal."

"Seule la motivation compte"

"J’ai découvert le PIL [Pôle innovant lycéen] par un cousin qui y avait étudié. Il m’a dit que c’était différent de ce qu’on voyait d’habitude à l’école, que les gens étaient ouverts, gentils, attentifs. Je confirme ! Pour entrer, il faut juste montrer qu’on est motivé. Ils veulent des élèves volontaires ; c’est une seconde chance, et il faut la saisir ! Je ne veux pas stresser les jeunes qui veulent postuler : ce n’est pas sorcier de montrer sa motivation, ce n’est pas la Coupe du monde !

Au PIL, il y a le choix entre plusieurs classes qu’on appelle 'lycées' : le lycée de la solidarité internationale, le microlycée, la classe de propédeutique, le lycée des futurs. C’est ce dernier que j’ai choisi, parce que cela convenait à mon projet : me remettre à niveau et retrouver le goût des études pour poursuivre."

"Nous nous autogérons"

"Des tas de choses sont innovantes ici. On nous apprend à être responsable de nous-même. C’est hyperimportant. Au lycée 'classique', quand j’étais absent, la CPE [conseiller principal d'éducation] appelait mes parents, j’étais puni, c’était la catastrophe… et personne ne cherchait à me comprendre. Ici, on voudra savoir. Cela m’est déjà arrivé, surtout au début, de ne pas venir le matin. Alors on m’appelait, on en discutait. Le but, c’est l’autonomie.

Et ça marche ! Je sais que c’est ma dernière chance de bénéficier de l’école, de ce qu’elle nous apporte pour réussir et avoir un métier. Je dois m’assumer !"

"Mon emploi du temps évolue"

"Le lycée des futurs, c’est une classe de 13 élèves, de 17 à 20 ans. C’est considéré comme une seconde. En une année, je fais une remise à niveau et je reconstruis un projet personnel. L’emploi du temps est fixe dans sa forme mais pas dans le fond. J’ai cours de 9 h à 12 h 15, dans notre salle (toujours la même). Et de 13 h 30 à 16 h 45, on a des ateliers.

Les cours varient d’une séquence à l’autre. Les séquences démarrent après les petites vacances et durent six semaines. Pendant ces séquences, certaines matières sont remplacées, d’autres réintroduites. Par exemple, je n’ai pas histoire-géographie toute l’année. En revanche, français, anglais et philosophie, si."

"J’ai des matières comme cinéma, projet personnel ou journal"

"La remise à niveau se fait en français et dans des matières de culture générale. Chaque semaine, on a un cours de cinéma et d’anglais : on regarde des films, des classiques en anglais. L’atelier philo est génial : on est regroupés avec la classe propédeutique. Une professeure de philo anime un débat. Le dernier sujet était : 'Sommes-nous tous égaux ?' On apprend à débattre, défendre ses idées, écouter les autres et ne pas se couper la parole. Dans un lycée normal, on ne me l’avait jamais appris.

Le cours 'projet personnel' revient tous les mardis. On cherche sur Internet et avec nos professeurs (surtout notre tuteur) la manière de reconstruire notre projet, avec des stages, des formations qualifiantes, un lycée pour continuer en première.


Une autre matière super, c’est le journal. À chaque fin de séquence, on publie le 'PIL journal', entièrement réalisé par les élèves du lycée des futurs. C’est notre manière de boucler une séquence. Chacun rédige un article, c’est archi bien ! Et puis, mine de rien, cela permet de bien écrire, sans fautes.

C’est à des choses comme ça qu’on voit que c’est un lycée innovant : on fait de la grammaire en s’amusant, on se met à niveau en culture générale. Maintenant je peux parler des grands réalisateurs, défendre mes idées."

"L’après-midi, on travaille avec nos mains"

"L’autre particularité de ce lycée, ce sont les ateliers manuels. J’ai appris à travailler le bois, utiliser des outils, peindre, fabriquer, réparer des ordinateurs. C’est hyperutile !

Notre classe a un projet solidaire à Oujda, au Maroc. On part 10 jours pour aider, réparer des tables d’un collège sans moyens. Moi, je vais remettre à niveau des ordinateurs. C’est une nouvelle expérience. Et on réalise qu’on est gâtés ; cela fait grandir mentalement."

"Nous tutoyons presque tous les profs"

"Je n’avais jamais connu de telles relations avec les enseignants. Au lycée des futurs, on a 3 profs, chacun assurant plusieurs matières. En cours, parfois, 2 profs enseignent en même temps. L’installation des tables en 'U' facilite la communication et le travail en équipe. On tutoie les enseignants, sauf une qui veut qu’on la vouvoie. Ils ont confiance en nous, et nous en eux. On peut leur parler vraiment, il y a une relation particulière. Et puis ils font leur travail à fond. Ils comprennent notre situation et nous aident s’il y a un problème.


Scolairement, je crois que je suis à niveau. Je vais passer en première professionnellle. Je voulais être éducateur spécialisé. J’avais trouvé une école mais elle est payante, alors je me dirige vers un bac professionnel service à la personne. Je pourrai poursuivre comme animateur. Mon entrée au lycée l’année prochaine ? Cela va être bizarre, les autres élèves seront jeunes. Mais peu importe. J’ai changé ! Si on m’avait dit qu’un jour, j’aimerais aller en cours et avoir des relations normales avec les profs, franchement j’aurais ri."

Le Pôle innovant lycéen

Le PIL accueille les jeunes de 16 à 23 ans dans l’une de ses 7 structures, appelées "lycées", avec des projets pédagogiques distincts. Les lycées partagent les mêmes locaux, les mêmes ressources, et les enseignants mutualisent leur temps. Chaque élève est accompagné, dans sa scolarité et dans son projet personnel, par un tuteur. Après un ou deux ans, ils peuvent s’inscrire dans un lycée général, technologique ou professionnel, en apprentissage…


Comment s’inscrire ?
Pour toutes les classes, il faut se rendre à une réunion d’information. Les critères de sélection ne sont pas figés. Ils dépendent du parcours du lycéen, de sa motivation, de sa situation (94, rue Barrault, 75013 Paris. Tél. : 01.45.88.95.73)


La Fédération des lycées innovants regroupe la majorité des établissements. Son site décrit notamment leur fonctionnement et leurs modalités d’accès.

Articles les plus lus

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !