Reportage

"Vérifier l'information est chronophage mais essentiel" : au cœur d’un atelier pour débusquer les fake news

Lors de l'atelier, le journaliste Yann Castanier a montré aux élèves comment répèrer une fausse information.
Lors de l'atelier, le journaliste Yann Castanier a montré aux élèves comment répèrer une fausse information. © Lea Curetti
Par Lea Curetti, publié le 24 octobre 2023
1 min

Comment débusquer les fausses informations sur les réseaux sociaux ? Des élèves de 2de générale du lycée Joliot-Curie de Nanterre ont participé jeudi dernier à un atelier de sensibilisation aux médias et à l’information mené par l'association Fake Off et le journaliste Yann Castanier.

Ce jeudi d'octobre, juste avant les vacances de la Toussaint, direction le lycée Joliot-Curie à Nanterre (92). Ce matin, ce n'est pas un enseignant qui fait cours, mais un journaliste.

En effet, à l’occasion de la semaine mondiale de l’éducation aux médias et à l’information, la trentaine d'élèves de cette classe de 2de participe à un atelier de sensibilisation aux médias organisé par Fake Off, une association qui lutte contre la désinformation de masse des jeunes.

"On est là pour faire de la prévention. Pour expliquer que les journalistes n’ont pas toujours raison et que la critique des médias est importante", explique Yann Castanier.

Apprendre à bien identifier l'information

Pour introduire son sujet, ce photo-reporter de profession rappelle les trois critères d’une information : "C’est un fait vérifié, un fait collectif et quelque chose de nouveau". Un triptyque qui posera les bases de cet atelier qui va traiter des fake news.

Les élèves vont en effet se transformer en véritables détectives pour démêler le vrai du faux. L'image à analyser : un ancien tweet déplorant, photo à l'appui, le fait que des femmes soient entièrement voilées devant la Caf (caisse d'allocation familiale) alors que cela devrait être interdit.

Une fois n'est pas coutume, les élèves sont autorisés à sortir leurs téléphones pour dénicher les réponses aux 5W. Il s'agit des questions socles à se poser pour bien situer une information : Who (qui ?), What (quoi ?), When (quand ?), Where (où ?) et Why (Pourquoi ?).

À qui profite le fake ?

Au fur et à mesure de leur enquête, les élèves découvrent que l'image a été modifiée et ne représente pas la réalité. Kenza*, 15 ans, est certaine qu'elle serait tombée dans le panneau : "J’y aurais cru ! Je ne serais pas allée vérifier sur internet."

Le journaliste invite ensuite à réfléchir aux raisons de ce montage. Puisqu'il est publié par une ancienne députée européenne d'extrême-droite, il n'est pas neutre et on peut penser que "l’objectif, c'est de gagner de l’influence politique". Vérifier la source sert ainsi à dévoiler le biais que peut avoir une information et donc s’assurer de sa fiabilité.

Sur le téléphone, l'info à toute vitesse

Se questionner sur la personne derrière un compte de la plateforme X (anciennement Twitter) est capital, surtout pour cette génération qui s'informe principalement sur les réseaux sociaux.

Pour les convaincre de leur fusion avec leur téléphone, l'intervenant leur précise comment connaître leur temps d’écran individuel et le nombre d'heures passées sur chaque réseau social : Snapchat, TikTok et Instagram.

Beaucoup rigolent et comparent leurs scores, mais pour la plupart, c'est un choc. Des résolutions se font entendre : "Cette semaine, il faut pas que je dépasse 5 heures !"

Mieux comprendre le fonctionnement des réseaux

Après une explication sur le fonctionnement des algorithmes des réseaux, qui enferment les usagers dans des bulles, les élèves semblent mieux comprendre ce qui se passe derrière leurs écrans. Mais aussi que leur manière de consommer l’information influence directement leurs jugements.

Le format participatif de cet atelier leur permet de s’exprimer et de discerner ensemble le vrai du faux. Mia*, 14 ans, aime beaucoup ce cours alternatif. "Les adultes aiment trop parler tous seuls. J’aime bien ces moments parce que c’est ludique."

"Ce sont des ressources que j’ai l’habitude d’utiliser, mais je m’adapte à chaque classe", explique Yann Castanier.

Comprendre les conséquences de la désinformation

En plus de savoir repérer une fausse information, le but est aussi d'en comprendre les conséquences. Le journaliste explique comment la rumeur de "la camionnette blanche", selon laquelle des Roms enlèveraient des enfants, a conduit à leur "lynchage". Ou encore comment 300 personnes sont mortes en Iran parce qu'elles pensaient que boire de l’alcool permettait de guérir du Covid-19.

"De la création à la diffusion d’information, à quoi ça mène ?", demande la professeure d’histoire-géo qui accompagne les élèves. "À des problèmes", "à la mort", "à l’acharnement", "à la violence", "à la haine", répondent les élèves. "En apparence, derrière l’écran, c’est rien, mais finalement ça n’est pas sans conséquences," confirme l'enseignante.

Yann Castanier insiste lui sur le fait que l’information n’est pas une chose à "croire". Un journaliste n'est pas là pour convaincre. "Ce qu’il fait, c'est constater", affirme-t-il.

L'exemple à travers l'actualité

Cet atelier, organisé quelques jours après l'assassinat de Dominique Bernard et alors que se durcit le violent conflit entre Israël et le Hamas, trouve son plein écho dans l'actualité. "Il n’y a pas de tabou" en classe, assure la professeure.

Le sujet n'est donc pas évité et le journaliste demande aux élèves ce qu’ils savent des bombardements à Gaza, et surtout comment ils le savent. Lorsque Yann explique qu’en réalité, c'est le parking de l’hôpital Al Ahli de Gaza qui a été touché et que le bilan humain n'est pas aussi important qu'annoncé, une élève s’exclame "Ah ouais ?" du fond de la classe.

Il rappelle que "pour que ce soit fiable, les sources doivent se recouper trois fois". Une pratique qui ne fonctionne pas dans le cas de ce bombardement, dont la première information erronée a été largement reprise dans la presse.

L’intervenant évoque "la course à la vitesse" des journalistes contre les réseaux sociaux, qui peut pousser à faire des erreurs". En résumé, si tout le monde y a cru, c'est parce que tout le monde s'est jeté sur l’info.

Des bons réflexes pour vérifier l'info

"Les fake news circulent six fois plus vite" que les vraies, explique l'intervenant. "Partager une info prend une demi-seconde, surtout quand on est pris par l’émotion. C’est chronophage de vérifier l’information, mais essentiel."

Après l'atelier, ces élèves de 2de ressortiront mieux armés pour affronter l’immédiateté des réseaux sociaux. Et auront en tête les bons réflexes pour vérifier une info.

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