Portrait

Comment je suis devenu growth hacker ou "pirate de la croissance"

Paul Depardon, growth hacker chez Frichti : "Au delà du développement du chiffre d'affaires, mon job consiste également à lever tous les freins opérationnels à la croissance de l'activité."
Le growth hacker doit faire avancer les choses au plus vite, pour créer du résultat immédiatement. © Photo fournie par le témoin
Par Étienne Gless, publié le 11 octobre 2017
6 min

Au sein d'une start-up, ce "pirate de la croissance" traque les opportunités de business pour développer la jeune entreprise vite et à moindre coût. Paul exerce ce nouveau métier du digital chez Frichti, une start-up de fabrication et de livraison de repas à domicile. Il nous détaille son parcours et sa mission.

"Growth hacker", qu'est-ce que c'est ? Le mot est forgé de l'anglais "growth" qui signifie croissance et de "hacker", pirate informatique. Le growth hacker est donc littéralement un pirate de la croissance ! Il fait partie de ces métiers émergents au même titre que le Chief Happiness Officer ou le traffic manager.

"Le growth hackera pour rôle de maximiser le chiffre d'affaires. Dans les start-up en démarrage, il s'agit souvent de trouver beaucoup d'idées facilement réalisables pour développer les ventes",

résume Paul, 28 ans, qui exerce ce métier chez Frichti depuis un an. La jeune pousse, créée en 2015, fabrique et livre des repas à Paris et en proche banlieue. Dans le marché très disputé de la "food tech", elle doit se faire rapidement une place parmi Deliveroo, Foodora ou Allo resto.

Elle vient de lever 30 millions d'euros pour son développement et emploie déjà 300 personnes. "Ici, plus largement, je dois tout à la fois prévoir la demande des clients, maximiser la disponibilité de nos produits tout en minimisant les pertes, c'est-à-dire les plats qu'on devra jeter après le service." Dans ce métier, il faut donc être sur tous les fronts : commercial, marketing et sur les réseaux sociaux pour avoir une audience plus importante et plus engagée.

Astuces et idées créatives

Le métier est né dans la Silicon Valley californienne, le paradis des start-up. Dans les entreprises du Web, il s'agit d'utiliser tous les moyens permettant de se développer rapidement : emailing, partenariats, analyses de données... Le growth hacker doit rendre actif le visiteur sur son site, le faire s'engager et bien sûr monétiser l'audience générée. Certaines techniques employées ont parfois frôlé l'illégalité dans le passé et sont devenues obsolètes : récupération des données de manière douteuse, contact d'utilisateurs qui ne l'ont pas désiré… Ces pratiques peuvent désormais s'avérer un acte de piraterie informatique !

Aujourd'hui, si le métier exige beaucoup d'astuce, il peut s'exercer heureusement sans outrepasser la loi. "Le premier growth hack de l'histoire du Web remonte à vingt ans, affirme Paul. En 1996, l'inventeur de la première boîte mail gratuite – Hotmail, devenue Outlook – avait du mal à la faire connaître malgré une importante promotion. Dans chaque mail envoyé, il a alors eu l'idée d'ajouter une petite phrase d'accroche : "PS I love you. Get your free mailbox at Hotmail !" Grâce à cette astuce et au buzz qui s'en est suivi, Hotmail a pu conquérir en quelques mois 12 millions d'utilisateurs !"

"Cat man", une bonne préparation

Diplômé 2013 du master 203 "marchés financiers" de l'université Paris-Dauphine, Paul commence sa carrière à la banque J.P.Morgan dans la vente et la structuration de produits dérivés. "Mais je voulais plus de responsabilités, de challenge… et d'aventure !" Il est alors embauché comme "cat man" – comprenez "category manager" – chez Jumia Egypt, la filiale d'un site de e-commerce calqué sur le modèle d'Amazon, avec l'ambition de devenir le plus gros site marchand d'Afrique. Sur une catégorie de produits (vêtements, boissons sucrées, céréales pour le petit-déjeuner, etc.), le category manager choisit les produits et les agence en magasin ou sur le site marchand.

En fonction de la clientèle, de la fréquentation de l'enseigne ou du site Web, il organise le rayon pour qu'il soit le plus attractif possible. "Chez Jumia, j'étais chargé de l'assortiment, des prix et de l'animation commerciale. J'étais également chargé de la croissance du chiffre d'affaires et des profits, se souvient Paul. Basé à Paris, je voyageais beaucoup en Afrique : en Égypte, au Nigéria, etc. J'encadrais aussi d'autres category managers." Un job qui l'a bien préparé au métier de growth hacker puisque Paul avait, dans ses missions de "cat man" en chef, la responsabilité de trouver les moyens d'accroître les ventes et les profits de sa catégorie de produits.

Un job très opérationnel

"Pour exercer le job de growth hacker, il ne suffit pas de savoir analyser un problème et d'imaginer des solutions, encore faut-il savoir aussi les mettre en œuvre. Ce n'est pas un job de consultant", remarque le jeune homme qui, après deux ans d'aventures africaines chez Jumia, a rejoint Frichti en octobre 2016. "C'est un métier polyvalent où il faut être curieux, analytique et aimer mettre les mains dans le cambouis !" sourit-il, lui qui a visiblement trouvé le job de ses rêves.

"Je passe mes journées à chercher de nouvelles idées. Dans une start-up, vous devez faire avancer les choses au plus vite. Il faut créer du résultat immédiatement, même si la mécanique mise au point s'apparente à du bricolage et n'est pas très robuste." Le pirate de la croissance n'a qu'une idée en tête : la création de valeur à tout prix !
Les formations pour devenir growth hacker

Il n'existe pas de formation spécifique pour ce métier émergent. Le growth hacker a souvent suivi une formation technique de développeur Web. Les voies d'accès au métier peuvent donc être des DUT ou BTS informatique, un diplôme d'école d'ingénieurs ou encore une formation d'une école du Web : ECITV, EEMI, École 42, Hétic, IIM, Web School Factory… Si savoir coder et programmer est indispensable, le growth hacker doit aussi posséder une forte culture marketing pour anticiper les tendances du marché, inventer de nouveaux modèles et saisir les opportunités de business. Une formation en école de commerce peut donc également préparer au métier.

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