À Conflans, la mémoire de Samuel Paty en construction
Deux ans après l'assassinat de Samuel Paty, un hommage lui a été rendu, dimanche 16 octobre 2022, par la ville de Conflans-Sainte-Honorine (78) et le collège du Bois-d'Aulne. L’émotion est toujours palpable et la communauté construit progressivement sa mémoire.
C’est place René-Picard, là même où Samuel Paty a été assassiné devant son collège du Bois-d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine (78), que près d’un millier de personnes se sont rassemblées dimanche 16 octobre 2022.
Un nouvel hommage sobre et d'une trentaine de minutes, deux années après la mort du professeur d’histoire-géographie, victime d’une attaque terroriste pour avoir montré des caricatures de Mahomet lors d’un cours sur la liberté d’expression.
Émotion encore vive
Épris de liberté, le peintre performer Rénald Zapata a ouvert cette commémoration en réalisant un portrait en direct de Samuel Paty. L’émotion était palpable et le maire de la commune, Laurent Brosse, entouré d’élus locaux, a notamment appelé à "chérir et préserver notre liberté", ajoutant : "Un dessin de presse ne doit pas tuer mais faire réfléchir. Plus que jamais, nous avons besoin d'unité."
Mais comment tourner la page et viser juste ? Comment ne pas crisper tout le monde sur la question religieuse ? Comment tendre ensemble vers la liberté d’expression ? Des questions, Gaëtane, Léane, Oscar, Anaïs et Shakira s’en posent régulièrement. Membres du conseil municipal des enfants (CME) de la ville, ces collégiens confient travailler davantage autour de la défense de la liberté d’expression. "Nous avons réalisé des poèmes et des illustrations et on participe beaucoup au devoir de mémoire", explique le groupe.
Besoin de temps
Après de longs mois de reconstruction (interventions autour du cyberharcèlement, groupes de parole, etc.), l’équipe pédagogique du collège a tenté de travailler sur la confiance, malgré la difficulté encore vive d’évoquer plus amplement le cas Samuel Paty.
"Je pense que l’atelier slam [poésie orale] a contribué à faire émerger la parole mais dans une certaine mesure seulement, résume Lyor, membre du collectif 129H, qui est intervenu au collège tout au long de la dernière année scolaire. Le traumatisme a été trop important et l’atelier trop près de l’évènement pour permettre du recul et une expression totalement libérée sur ce sujet."
Le collège ne sera pas renommé
Alors que le projet de rebaptiser le collège du Bois-d’Aulne au nom du professeur assassiné a été abandonné par le Département et qu’un buste réalisé à l'effigie de Samuel Paty n’est finalement pas sorti de son atelier, la communauté éducative cherche le juste équilibre, en évitant de réduire les lieux à ce drame.
"C’est encore trop sensible, affirme Céline Ribet, présidente de la PEEP (association de parents d'élèves de l'enseignement public) de Conflans-Sainte-Honorine. Il y a un grand décalage entre le besoin de commémoration exprimé par la Nation avec ce que nous ressentons, nous, parents d’élèves et encadrants ici à Conflans. Il ne faut pas décréter la mémoire. La mémoire, ça se construit. C’est sur du temps long."
Les enseignants esseulés
Malgré les ressources disponibles sur le site internet Eduscol, qui encouragent les professeurs à avoir un temps de réflexion avec leurs élèves, ils se sentent encore trop esseulés. "Le mot du ministère aux rectorats, laissant chaque établissement décider d’un hommage, manque d’ambition, estime un enseignant d’un lycée voisin. Il faut réinventer la question du débat citoyen dans toutes les classes, comme remettre de la philo dans les bacs professionnels. C’est ça avoir de l’ambition."