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SOS, j'angoisse d'aller aux toilettes de mon collège !

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Chez les filles, l'ambiance serait plutôt aux remarques assassines. // © Isabelle Dautresme © Isabelle Dautresme
Par Isabelle Dautresme, publié le 18 février 2014
7 min

"Je n’y vais jamais et me retiens toute la journée", lâche, l’air dégoûté, Lola*, en 5e dans un collège parisien. Insalubrité, portes qui ne ferment pas, sentiment d’insécurité : les raisons de déserter les toilettes du collège ne manquent pas. Pourquoi au collège, les WC sont-ils tellement infréquentables ? Comment ne pas angoisser à l'idée de vous y faire chahuter ?

"Beurk, les toilettes sont sales !"

"Le ménage n'y est jamais fait", lance Zoé*, en 4e dans un collège parisien. Vera*, dans la même classe, confirme : "On trouve la même serviette hygiénique sale au même endroit pendant plusieurs semaines." Sans parler de l'absence de papier toilette et de savon. Il faut dire que bien souvent, à peine les toilettes réapprovisionnés, les rouleaux sont jetés dans les cuvettes et le savon liquide vidé dans les lavabos. En témoignent le nombre de cuvettes bouchées et la quantité de papier qui jonche le sol des toilettes de nombreux établissements scolaires, qu'ils soient publics, privés, en zone défavorisée ou en centre-ville.

Un véritable no man's land

Non seulement les toilettes sont souvent sales mais, à vous écouter, ils ne seraient pas non plus très sûrs. Zoé va jusqu'à parler de "no man's land" : "Il y a des inondations à répétition, du chahut, des portes à moitié arrachées. Il faut être motivé pour aller aux toilettes !" explique la jeune fille.

C'est vrai qu'entre les lancers de trousses, les portes que certains s'acharnent à vouloir ouvrir alors que le toilette est occupé, l'eau qui gicle, les bousculades et les hurlements... il y a de quoi ne pas s'y sentir serein. Henri*, en 4e à Rennes (35), raconte que "des élèves de 3e se faufilent sous les portes des toilettes pour photographier des petits en train de faire leurs besoins." Et au tour de Victor*, en 4e à Saint-Cloud (92), de nous expliquer "le coup de la poussade" : "Quand un garçon fait pipi, on le pousse pour qu'il s'en mette partout."

Chez les filles, l'ambiance serait plutôt aux remarques assassines. "Elles (souvent des 3e) sont en groupes postées devant les lavabos et dès qu'une fille rentre dans les toilettes, elles lui font des remarques blessantes sur son physique, ses vêtements", raconte Zoé. Conclusion, "les 6e et 5e qui osent s'y aventurer sont très peu nombreux", commente la collégienne.

Un lieu stratégique

Lieu utilitaire par excellence, pourquoi les toilettes sont-ils l'endroit le plus sensible de nombreux collèges ? Bruno Siour, principal du collège Levi-Strauss à Lille, avance une explication : "Les toilettes sont le seul endroit où les élèves ne sont pas sous le regard de l'adulte. Partout ailleurs ils sont ‘surveillés’." Julie Clot, principale de collège à Reuil-Malmaison (92), confirme : "La tentation peut alors être grande pour certains d'y faire n'importe quoi, histoire d'évacuer la pression qu'ils accumulent pendant la journée."

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Les toilettes au collège du côté des garçons. // © Isabelle Dautresme

De là à en conclure que tous les collégiens qui fréquentent les toilettes sont des "vandales", il y a un pas, que Bruno Siour refuse de franchir : "Ceux qui se rendent aux toilettes avec l'intention délibérée de dégrader les lieux ou d'embêter les plus jeunes sont une toute petite minorité." À l'en croire, la plupart y vont pour consulter leur portable, se poser au chaud (surtout les filles), ou simplement pour le plaisir de se retrouver entre eux, sans adulte. Julie Clot partage cet avis : "L'usage des toilettes est très souvent détourné par des élèves qui ne supportent plus le regard permanent des adultes et le côté très coercitif du collège", analyse la principale.

Que fait la direction ?

Face à la gestion du "problème toilettes", les chefs d'établissement ne réagissent pas toujours de la même manière. Il y a ceux qui renoncent, se contentant d'assurer bon an mal an la sécurité à proximité des toilettes en postant un surveillant au moment des récréations ou à la demi-pension, et en y interdisant l'accès le reste du temps...

Et il y a les autres. Pour Bruno Siour, "maintenir des toilettes propres est certes un combat quotidien, mais c'est aussi une question de respect de l'élève". Il n'y a plus de papier toilette, ou les toilettes sont sales ? Il faut prévenir l'intendance. Charge à ce dernier de convaincre les personnels d'entretien de faire le nécessaire.

Mireille Delamet, principale dans un collège de banlieue parisienne, tient cependant un discours très différent. "Les agents d'entretien ont beau nettoyer les toilettes le soir, dès la première récréation du lendemain matin, ils sont de nouveau dans un état déplorable. Ils n'ont pas que cela à faire ! Je leur ai donc demandé de ne les nettoyer qu'une fois par semaine, quitte à ce qu'ils soient sales le reste du temps." "Tant que les élèves ne seront pas capables de s'autodiscipliner, nous ne remettrons ni papiers ni savon : cela coûte trop cher à l'établissement", explique, plus radical encore, un intendant d'un collège parisien face à des parents consternés.

Il n'existe donc pas de solution à l'épineuse question des toilettes ? "Il faudrait demander à un assistant d'éducation de rester dans les toilettes tout le temps de la récréation et de la pause déjeuner. Sauf que les moyens manquent : pas assez de personnel", lâche-t-il ! À défaut, il demande aux élèves qui se font embêter ou qui assistent à des scènes de chahut de le prévenir discrètement.

Comment ne pas aller aux toilettes...

En attendant de retrouver des toilettes propres et calmes, vous êtes nombreux à avoir développé de véritables stratégies pour éviter d'y aller. Corentin*, en 3e dans un collège de Rennes, dit faire attention à très peu boire pendant la journée. Inès profite des cours de sport pour fréquenter les toilettes du gymnase. Louis*, en 3e à Paris, "va discrètement dans les toilettes des profs lorsqu'il est en permanence, nettement plus accueillants". Lola a quant à elle toujours un paquet de Kleenex sur un elle et un gel pour se laver les mains, "en cas d'extrême urgence !" précise-t-elle.

Attention tout de même à ne pas trop vous retenir "au risque de tomber malade", met en garde Sylvie Foulault, une infirmière qui intervient dans plusieurs collèges de Rennes.

Patience, aux dires des lycéens, les toilettes sont nettement plus accueillants au lycée...

* Les prénoms des collégiens ont été changés.

Un rapport dénonce l'insalubrité des toilettes
Dans un rapport daté de 2013, l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement (ONS) dresse un état des lieux préoccupant de l'état des sanitaires dans les collèges et lycées. Les toilettes y sont tellement peu accueillantes que près d'un élève sur trois évite de les utiliser. Selon l'enquête menée auprès de 16.000 établissements du second degré, 42% des jeunes se plaignent du manque de papier, 32% des odeurs, 23% de la propreté, et 12% du manque d'intimité des installations. Les toilettes sont également un endroit de prédilection pour les bagarres et agressions (21% des collèges en ont signalés dans les toilettes des garçons), quand ils ne sont pas le lieu de consommation d'alcool (10% des lycées et 3% des collèges), voire de drogues (5% des lycées généraux).
Le fait de se retenir n'est pas sans conséquences sur la santé des élèves. Á en croire le docteur Bénédicte Hoarau (2013), citée par l'ONS : "Ce sont les filles qui souffrent le plus : incontinence urinaire, brûlures à la miction, constipation et douleurs abdominales" ajoutant que, "cela influe sur leur capacité à se concentrer".

 

Kit de survie pour aller aux toilettes au collège
- Pensez à avoir toujours sur vous des mouchoirs en papier et une lotion pour vous laver les mains.
- Allez aux toilettes à plusieurs. On osera moins vous embêter si vous êtes trois ou quatre.
- Dans la mesure du possible, allez aux toilettes au début de la récréation, quand il n'y a encore personne !
- Si vraiment vous n'osez pas vous rendre aux WC, parlez-en à un surveillant, il trouvera probablement une solution. Il peut, par exemple, vous accompagner discrètement ou vous autoriser l'accès aux toilettes habituellement réservés aux adultes.

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