Reportage

Stage de 3e : l’oral de soutenance comme si vous y étiez

Soutenance de stage - Collège Paul-Eluard Chatillon //© Isabelle Dautresme
Durant la deuxième partie de la soutenance, les questions s’enchaînent à un rythme soutenu pendant dix bonnes minutes. © Isabelle Dautresme
Par Isabelle Dautresme, mis à jour le 13 janvier 2016
9 min

C’est le jour de leur premier grand oral. Aujourd’hui Thomas, Ugo, Camille et Grégoire passent leur soutenance de stage de troisième. Comment vont-ils se comporter ? Comment le jury va-t-il réagir ? L’Etudiant s’est glissé dans la salle d’“oral” du collège Paul-Éluard de Chatillon (92). Reportage.

L’attente est longue dans le couloir du collège Paul-Éluard. Mèche bien mise et sweat impeccable, Théo* attend son tour, sourcils froncés, devant la salle de cours transformée pour l’occasion en salle “d’oral”. À ses côtés, Daniel* autre élève de 3e, se veut rassurant : “C’est tranquille, il ne faut pas que tu stresses. Si le jury t’intimide, tu ne le regardes pas”, conseille-t-il. La porte s’ouvre enfin. Une femme, visage ouvert et sourire chaleureux, invite Théo* à entrer. “Surtout respire !” glisse Daniel*, à l’oreille de son ami.

Vingt minutes pour convaincre

Convocation à l’épreuve orale vérifiée, feuille d’émargement signée, c’est parti. Installé derrière une table, Théo* fait face à deux professeurs qu’il “connaît à peine, juste de vue”, et qui ne savent rien du stage qu’il a fait. Les consignes sont claires : dix minutes pour expliquer ce qu’il a fait pendant sa semaine de stage d’observation, puis dix minutes d’échanges.

D’une voix mal assurée, les yeux rivés sur ses mains posées à plat sur la table, le jeune collégien se lance : “J’ai fait mon stage au service espace vert de la Ville de Clamart [92]”, débute-t-il, avant de présenter de façon très détaillée l’emploi du temps de sa semaine : “Lundi, nous avons déposé des sapins de Noël dans les écoles ; mardi, nous avons nettoyé les allées du square…” Arrivé au terme de son “exposé”, il se tait et relève la tête.

Au tour des membres du jury de prendre la parole : “Pourquoi as-tu choisi de faire ton stage à la mairie ?” “Ça t’a plu ?” “Aimerais-tu exercer ce métier plus tard ?” “Quel a été le parcours de la personne qui t’a encadré ?” interroge d’une voix douce Bernadette Breton, professeure en SEGPA (section d’enseignement général et professionnel adapté). “Penses-tu avoir les qualités nécessaires pour faire ce travail ?” s’inquiète de son côté Doris Chambert, professeure d’allemand. Le regard maintenant fixé dans celui des membres du jury, Théo* répond calmement : “Non, je ne suis pas assez résistant physiquement et je préfère travailler dans un bureau.”

“Tu ne te vois pas faire ce métier, mais alors qu’aimerais-tu faire plus tard ?” poursuit Doris. “Archéologue !” lâche Théo* sans hésiter, avant de répondre que non, il ne sait pas comment on le devient, et que, de toute façon, il a encore un peu de temps pour le découvrir. Quand l’enseignante lui fait remarquer qu’“archéologue ce n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler un travail de bureau”, Théo* précise, un peu crispé, qu’“en fait, il n’est pas encore tout à fait sûr de son choix”.

Les questions s’enchaînent à un rythme soutenu pendant dix bonnes minutes. “Souhaites-tu ajouter quelque chose ?” interroge Bernadette, avant de l’inviter à quitter la salle. À peine a-t-il franchi le seuil que déjà ses camarades le pressent de questions : “Alors ? Ils sont sympas ?” “Ça s’est bien passé ?” “Oui, oui, ils ne sont pas méchants, mais qu’est-ce que c’est fatiguant !” répond Théo*, visiblement content d’en avoir terminé.

Une notation encadrée

Côté jury, pas de temps à perdre : cinq minutes pour compléter la grille d’évaluation qui sert de base pour la notation. “On peut dire qu’il a respecté les règles de vie collective et qu’il s’exprime dans un français correct ?” se demande l’enseignante d’histoire-géographie. “Oui, mais le vocabulaire est un peu pauvre”, déplore sa collègue.

Alors que le rapport de stage en lui-même, rendu deux semaines avant les oraux, a été noté sur 10 par un autre jury, chaque critère de l’oral est discuté et noté à l’aune de l’exposé et des réponses aux questions posées. “Il a interrogé les personnes qu’il a rencontrées. On voit qu’il s’est intéressé”, souligne la professeure d’allemand, avant de comptabiliser le nombre de points obtenus : 7,5 sur 10. “C’est pas mal !” conclut-elle.

Un stage n’est jamais complètement raté

Autre élève, autre style. Cheveux longs noirs, bien lissés, maquillage savamment étudié, Carla* droite sur sa chaise, commence : “J’ai fait mon stage dans une entreprise qui fabrique de la fibre optique, mais cela ne m’a pas tellement plu. Moi, j’aurais aimé le faire dans un salon d’esthétique ou de coiffure, mais ma mère trouvait ça ridicule. Alors, forcément, ça a bloqué !” lâche-t-elle, désolée, avant de tenter d’expliquer la façon dont elle a occupé son temps pendant cette semaine de stage qui lui a semblé “interminable”…

Soutenance de stage - Collège Paul-Eluard Chatillon //© Isabelle DautresmeL'objectif de tous les jurys est de créer un climat de confiance et de faire parler l’élève le plus possible. // © Isabelle Dautresme

Suit la séance de questionnement. Notre collégienne se détend. Quand l’un des membres du jury l’interroge sur ce qu’elle aimerait faire plus tard, elle répond très spontanément : “C’est dur de se projeter quand on est une enfant. Et puis, je n’ai aucune ambition”, explique-t-elle. Le professeur insiste, toujours du même ton bienveillant. “Tu dis que tu avais envie de faire ton stage dans un salon d’esthétique, tu sais ce qu’il faut faire comme études pour être esthéticienne ?” L’échange se poursuit. Les enseignants ne l’interrogent pas tant sur son stage, sur lequel on comprend très vite qu’elle n’a pas grand-chose à dire, que sur ses “projets”, “ses points forts et ses points faibles…” “Il faut que l’oral fasse ressortir ce qu’il y a de positif chez l’élève. Il y a toujours quelque chose à retirer d’une expérience comme celle d’un stage en observation, même quand le stagiaire a l’impression, ou donne l’impression, d’être passé complètement à côté”, martèle Doris.

À chaque jury son style

Une heure et trois élèves plus tard, changement de jury : cette fois, ils sont trois. Quand l’un de ses membres s’inquiète de savoir si “ça ne risque pas de stresser encore un peu plus les élèves qu’[ils soient] si nombreux”, sa collègue lui rétorque dans un éclat de rire : “Raison de plus pour être encore plus souriants !”

Le premier candidat entre, yeux rivés au sol et épaules tombantes. Visiblement très impressionné, Ulysse* a beaucoup de mal à expliquer ce qu’il a fait pendant sa semaine de stage. À peine trois minutes, et les mots se font déjà rares. “Raconte-nous une journée”, l’aide un des membres du jury. “Qu’est-ce que ce stage t’a apporté ?” enchaîne sa collègue. Ulysse* répond d’une voix à peine audible : “Je ne sais pas.” D’autres questions suivent, le collégien reste toujours aussi peu loquace. Ulysse* est à peine sorti que Claudine Bonnetin, professeure de lettres modernes, lâche, fataliste : “Je l’ai eu en 6e, il était déjà très, très timide !”

Un contexte très différent des cours

Quand on demande à Claudine si cela ne la gêne pas d’avoir à évaluer un élève qu’elle connaît, soit parce qu’elle l’a eu en classe les années précédentes, soit parce qu’elle l’a comme élève cette année [la composition des jurys est tirée au sort, NDLR], la réponse est nette : “Le contexte est très différent. Nous avons l’habitude de voir les élèves en classe, où ils sont toujours à plusieurs ; là, ils sont seuls face à nous, et ça change tout !” Cécile Kerboul, professeure de mathématiques, renchérit : “Ils viennent nous parler d’entreprises, de métiers, de savoir-faire qu’ils ont découverts en dehors de l’école et sur lesquels ils en savent généralement plus que nous.”

En témoigne Guy*, le candidat suivant. Le temps de s’installer et il se lance d’une voix assurée dans un exposé de dix minutes très bien structuré. Même aisance pendant le bon quart d’heure que dure la phase de questionnement. Les membres du jury peinent à dissimuler le plaisir qu’ils ont à écouter cet élève pourtant réputé pour “ses absences et son peu d’appétence au travail”. “Je n’en reviens pas !” s’exclame Claudine, toute contente d’avoir “eu l’occasion de voir [son] élève autrement”. Note : 10 sur 10 !

Mettre l’élève en confiance

Les candidats se suivent, les exposés sont plus ou moins “originaux”, les voix plus ou moins assurées, le discours inégalement maîtrisé mais, pour chaque candidat, on décèle toujours le même désir de bien faire, la même application à répondre au mieux aux questions posées, la même sincérité.

Et côté membres du jury, ça se passe comment ? Quelle que soit la composition des jurys, on retrouve toujours la même volonté de faire parler l’élève le plus possible et de créer un climat de confiance. “C’est leur premier oral. Ce n’est pas une situation évidente pour des élèves de 3e de se retrouver seuls face à deux ou trois personnes - professeurs, principal, voire un parent d’élève - qu’ils ne connaissent pas forcément, à parler de situations très éloignées de leur quotidien. C’est à nous de faire en sorte que cela se passe bien, de les mettre à l’aise. D’autant qu’on voit bien qu’ils sont stressés, même ceux qui, habituellement, affichent une attitude plutôt dilettante”, expliquent en chœur Doris, Bernadette et Claudine.
*Les prénoms ont été changés 

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