Reportage

Au cœur de Sciences po Bordeaux : une formation d'esprit et de corps

Reliant les bâtiments A et B, l'atrium est un lieu de passage où les étudiants se rassemblent et profitent des banquettes, tables de pique-nique et autres chaises longues.
Reliant les bâtiments A et B, l'atrium est un lieu de passage où les étudiants se rassemblent et profitent des banquettes, tables de pique-nique et autres chaises longues. © Eugénie Baccot/Divergence pour l'Etudiant
Par Natacha Lefauconnier, publié le 05 septembre 2018
10 min

Nourris de culture générale, dopés au sport, investis dans des associations, les étudiants de Sciences po Bordeaux ont fort à faire ! Après avoir effectué leur deuxième année à l’étranger et choisi une des 20 spécialités de master, les jeunes diplômés trouvent des postes aussi bien dans la fonction publique que dans le secteur privé.

A comme amphi, B comme bibliothèque !" martèle Anne Gaudin, maître de conférences, afin d’aider les étudiants à se repérer dans le labyrinthe de couloirs et passerelles. Depuis les travaux, achevés en 2017, un second étage et quatre nouveaux amphithéâtres ont permis à Sciences po Bordeaux d’accroître sa capacité d’accueil : 1.300 étudiants y circulent avec aisance.

L’établissement est situé à vingt minutes de tramway du centre-ville, au cœur du domaine universitaire de Talence-Pessac-Gradignan – le deuxième plus étendu de France après celui de Paris-Sud.

En quatrième année, Sciences po Bordeaux propose aussi aux élèves une préparation aux concours des écoles de journalisme.
En quatrième année, Sciences po Bordeaux propose aussi aux élèves une préparation aux concours des écoles de journalisme. © Eugénie Baccot/Divergence pour l'Etudiant

À la mi-avril, la plupart des étudiants sont déjà en train de réviser en vue des épreuves d’aptitude, qui ont lieu en mai. Cinq disciplines sont au programme : économie, culture générale, sciences politiques et deux langues vivantes.

Des filières binationales

En cette dernière semaine de cours de l’année, les "Fifi" de première année arrivent par grappes pour la conférence de méthode de culture générale. Les "Fifi", ce sont les élèves de la filière internationale franco-italienne, que l’on distingue des "Fifa" (filière franco-allemande) ou encore des "Fife" (filière franco-espagnole).

En tout, six filières binationales sont accessibles après le bac et permettent aux étudiants d’alterner les années d’études entre les deux pays. S’y ajoute un programme France-Caraïbes, réservé aux étudiants de niveau bac + 1. Pour intégrer ce type de filière, il faut passer un concours spécial. 800 candidats s’y sont présentés en 2018.

L’avantage ? Les étudiants des filières binationales sortiront diplômés de deux masters : celui de Sciences po Bordeaux et celui de l’université partenaire (Turin, Cardiff, Stuttgart, Madrid…). Un bénéfice considérable pour les étudiants français, qui n’ont pas à payer de frais d’inscription supplémentaires. Attention : "il faut déjà avoir un niveau consolidé intermédiaire dans la langue vivante choisie", précise Ludovic Renard, le directeur des relations internationales.

Cinq ans de culture générale

Retour en classe. "Je vais vous rendre vos galops d’essai sur la citation de Jean-Jacques Rousseau", annonce le professeur de culture générale. L’enseignant distribue les copies en les commentant : "Il n’y a pas assez de références ni d’arguments… Ce que vous dites dans la copie est très intelligent… mais vous mettez du blanc partout, on dirait un bas-relief !" Les élèves ont d’autant plus intérêt à être attentifs à ces conseils qu’à Sciences po Bordeaux, cette discipline est enseignée de la première à la cinquième année !

Clarisse, 18 ans, obtient un 11+ : "C’est une bonne note, sachant que le maximum est 14 !" Déjà en filière franco-italienne dans son lycée grenoblois, elle tenait à intégrer la Fifi, estimant que "Sciences po ouvre beaucoup de portes". Et d’argumenter : "On explore tout et on approfondit certaines matières. On nous apprend à raisonner, à construire un plan et à réagir rapidement."

Les élèves ont vingt à vingt-cinq heures de cours par semaine, auxquelles s’ajoute un gros travail personnel. La présence aux conférences de méthode est obligatoire. "Si on est trop souvent absent, on doit aller au rattrapage", prévient Agathe, 21 ans, en master géo-économie appliquée.

"Il est indispensable de préparer les exposés, les conférences de méthode, les galops d’essai", rappelle Anne Gaudin. Les partiels ont lieu en janvier et en mai. Les étudiants les mieux classés obtiennent, en priorité, le pays de destination qu’ils ont choisi pour l’année suivante.

Une deuxième année à l’étranger

En effet, à Sciences po Bordeaux, la mobilité académique intervient dès la deuxième année. "Ainsi, les étudiants sont sur place en troisième année, ce qui permet de mieux les accompagner pour choisir leur master parmi la vingtaine proposée", explique Ludovic Renard. Tous les élèves passent donc neuf mois dans l’une des 150 universités partenaires à l’étranger, avec l’objectif de rapporter 60 crédits ECTS. À défaut, ils redoubleront leur année… mais dans une université française !

Comme pour Parcoursup, il est possible d’expri­mer une dizaine de vœux de destination. Beaucoup obtiennent leur premier choix. L’institut, qui se veut "responsable socialement", selon les termes de son directeur, Yves Deloye, consacre un budget de 400.000 € à aider les étudiants qui ont une "fragilité économique" (30 % des étudiants sont boursiers). Notamment avec une bourse à la mobilité, afin qu’ils ne choisissent pas une destination par défaut, sur des critères de coût de la vie.

L’oral omniprésent

L’aspect économique des pays, ce sont les étudiants de quatrième année qui doivent en tenir compte dans leurs présentations "risque pays". Issus de différents masters, les étudiants ont constitué des groupes de dix. Pendant trois mois, ils se mettent au service d’une entreprise ou d’une organisation souhaitant s’implanter dans un pays. Les apprentis conseillers sont chargés d’étudier les risques sociaux, économiques et politiques du projet.

Des étudiants de quatrième année effectuent une présentation sur le "risque pays".
Des étudiants de quatrième année effectuent une présentation sur le "risque pays". © Eugénie Baccot/Divergence pour l'Etudiant

Ce jour-là, tous les étudiants se retrouvent dans l’amphi Aliénor-d’Aquitaine. Pour l’occasion, ils ont revêtu leur plus beau costume ou tailleur. "Vingt minutes de présentation, cela semble court, mais cela leur a demandé énormément de travail de recherche et de synthèse", souligne un professeur. Malgré leur stress, les étudiants s’expriment d’une voix claire et forte, ils articulent et mettent le ton, tout en regardant l’auditoire.

Des années d’entraînement à l’oral ont payé ! Les questions des jurés sont pointues, les réponses argumentées, étayées par des exemples. Leurs prestations sont ponctuées par des salves d’applaudissements. "La rhétorique, c’est ce que l’on apprend à Sciences po ! s’exclame Ève, 22 ans, en master GRPS (gestion des risques dans les pays du Sud). Nous ne devons pas nous laisser démonter, même si nous ne sommes pas sûrs de nous, car nous sommes censés nous présenter comme des experts en conseil !"

Sport obligatoire

À 13 heures, les étudiants sortent des six amphis et s’éparpillent comme des moineaux affamés vers le stand de nourriture. Chaque semaine, une association de Sciences po peut y vendre salades et gâteaux, afin de financer ses projets. Ce jour-là, c’est l’asso Surf qui tient le buffet, sur fond de reggae. La dizaine d’étudiants a choisi le surf comme sport obligatoire.

Des associations vendent à tour de rôle des plats maison pour financer leurs projets.
Des associations vendent à tour de rôle des plats maison pour financer leurs projets. © Eugénie Baccot/Divergence pour l'Etudiant

C’est là une autre particularité de Sciences po Bordeaux : vous devrez vous inscrire dans une des 30 disciplines sportives proposées, dans laquelle vous serez évalué.

Un parcours journalisme

L’après-midi, une quinzaine d’élèves, essentiellement de quatrième année, vont suivre leur préparation aux concours des écoles de journalisme. "En réussissant un concours, ils partent faire leur cinquième année dans l’école, ce qui leur fait gagner un an de scolarité. On obtient de très bons résultats, 90 % des étudiants ainsi préparés intègrent une des quatre écoles avec qui nous avons passé une convention", s’enorgueillit Ludovic Renard, qui est également responsable de ce parcours journalisme.

Sept kilomètres de rayonnages dans la bibliothèque

D’autres optent pour un après-midi studieux dans la spacieuse et lumineuse bibliothèque, qui peut accueillir jusqu’à 360 étudiants. Des compteurs à l’entrée permettent de calculer le taux d’occupation. Ce jour-là, environ 80 "sciencespistes" révisent à l’aide de leur ordinateur portable, sous les lampes champignons.

La bibliothèque de l'IEP, qui dispose de petits espaces de discussion et de grandes tables de travail, peut accueillir jusqu'à 360 étudiants.
La bibliothèque de l'IEP, qui dispose de petits espaces de discussion et de grandes tables de travail, peut accueillir jusqu'à 360 étudiants. © Eugénie Baccot/Divergence pour l'Etudiant

Au rez-de-chaussée, sont regroupés les ouvrages de sciences politiques, d’économie, de droit, d’histoire et de géographie. Sept kilomètres de rayonnages au total ! À l’étage, se trouve la bibliothèque partagée entre deux centres de recherche. Ainsi, s’y retrouvent des étudiants de master, des doctorants et des chercheurs.

Une cinquantaine d’associations

Enfin, quelques étudiants vont rejoindre leur association. On en dénombre 53 à Sciences po Bordeaux. Parmi elles, l’incontournable BDE (bureau des élèves), qui mobilise 24 étudiants. Ils organisent week-ends d’intégration, galas, soirées des diplômés… Apolline, 20 ans, en est la présidente : "C’est beaucoup d’investissement, cela me prend dix à vingt heures par semaine !"

Le dernier jour de l'année, c'est la fête des associations. Les pom-pom girls, ici en démonstration, ont choisi ce sport à l'année et sont notées.
Le dernier jour de l'année, c'est la fête des associations. Les pom-pom girls, ici en démonstration, ont choisi ce sport à l'année et sont notées. © Eugénie Baccot/Divergence pour l'Etudiant

Autre asso emblématique : Vins/20, qui existe depuis plus de vingt ans et dont le bureau compte une quinzaine de membres. Matthias, 21 ans, est chargé du démarchage auprès des châteaux. L’objectif : organiser une rencontre par semaine, avec présentation de l’appellation et dégustation. Et, de temps en temps, la visite d’un château… du Bordelais, naturellement !

Se former à Sciences po Bordeaux

Entrée en première année : pour toutes les séries de bac. Un niveau bac est requis pour la filière générale (2.350 candidats, 220 admis en 2018) et également un niveau bac, voire plus, pour les filières binationales intégrées.

Entrée en troisième année : après une prépa ou une L2 (voire un BTS [brevet de technicien supérieur] ou un DUT [diplôme universitaire de technologie] du secteur tertiaire).

Entrée en quatrième année : pour les titulaires d’une licence. Une vingtaine de spécialités de masters est proposée, avec quatre majeures : carrières publiques ; affaires internationales ; secteur privé ; politique, société et communication.

Un stage obligatoire : en fin de cinquième année.

Un seul diplôme est délivré : celui de Sciences po Bordeaux, de grade master.

Les droits de scolarité annuels sont calculés à partir du revenu du foyer fiscal, avec un plafond de 6.300 € en premier cycle et de 6.615 € en deuxième cycle.

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