Sciences po Paris : M. Vicherat accusé de violences conjugales, rencontrera les étudiants qui demandent sa démission
Après que le directeur de Sciences po Paris a été placé en garde à vue pour "violences conjugales", des associations étudiantes appellent à sa démission. Dans un message adressé aux étudiants, Mathias Vicherat indique qu'il les rencontrera, mais n'évoque pas de mise en retrait de sa part.
Mathias Vicherat, directeur de Sciences po Paris accusé de violences conjugales, prend la parole publiquement. Dans un message adressé aux étudiants, ce mardi 5 décembre, en fin d'après-midi, il rappelle notamment "qu'aucune plainte n'a été déposée".
Dans une déclaration commune à l'AFP, également rendue publique le 5 décembre en fin d'après-midi, Mathias Vicherat et Anissa Bonnefont écrivent que "les ruptures sont rarement évidentes", et déplorent que des éléments relatifs à leur vie privée aient été "divulgués par les médias et sur les réseaux sociaux, hier".
Placé en garde à vue dans la nuit dimanche 3 au lundi 4 décembre, le directeur, nommé en novembre 2021, est accusé par sa compagne de violences conjugales, accusation que porte également M. Vicherat à l'encontre de celle-ci. La garde à vue a été levée lundi, en fin d'après-midi.
Une partie de la communauté étudiante de Sciences po réclame la démission du directeur
Ce mardi matin, un blocage était organisé par une cinquantaine d'étudiants sur le campus historique de la rue Saint-Guillaume (7e arrondissement de Paris), par différents syndicats étudiants de l'Institut d'études politiques. Il a été levé en toute fin de matinée. Des actions ont eu lieu sur d'autres campus de l'établissement, comme à Reims.
Ces syndicats et collectifs avaient été reçus dans la matinée par des membres de la direction de l'établissement.
"La communauté étudiante est très choquée et nous demandons la mise en retrait de Mathias Vicherat par la gouvernance. Pour des questions d'éthique et de responsabilité, il doit démissionner. Cette situation n'est pas compatible avec ses fonctions", explique Inês Fontenelle, vice-présidente étudiante au conseil de l'Institut (Union étudiante) et membre du conseil d’administration de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP).
"Sciences po a déjà été secoué par de nombreuses crises. Mathias Vicherat a été nommé dans ce contexte. On respecte la présomption d'innocence mais, pour nous, il ne peut pas continuer à représenter l'institution. On ne connait pas les faits mais le directeur de Sciences po doit être d'une exemplarité irréprochable", conclut l'étudiante, qui n'exclut pas de nouvelles mobilisations.
Les syndicats prennent également la parole, en fin de journée. Alors que le Sgen-CFDT rappelle, dans un communiqué, qu'il est "urgent que la position du directeur et la gouvernance de notre institution soient clarifiées", FO ESR regrette que Sciences po soit une nouvelle fois impactée par une affaire de violence fortement médiatisée (...). L'image de Sciences po est l'affaire de tout.te.s, a fortiori, celle du directeur".
Une rencontre à venir entre Mathias Vicherat et les syndicats et collectifs étudiants
Dans son message, Mathias Vicherat leur répond : "J'entends votre émotion et je tenais à vous redire mon attachement sincère et profond aux valeurs de notre établissement."
S'il n'évoque pas l'idée d'une démission, il ajoute souhaiter "avant tout que ces événements n'altèrent pas le fonctionnement de notre institution". Enfin, il promet qu'il rencontrera "très prochainement les syndicats et associations étudiantes pour échanger avec eux".
Un pas insuffisant pour les étudiants. "Ce message ne change rien à nos positions", nous précise Inês Fontenelle. L'Union étudiante et Solidaires répondent qu'ils ne rencontreront pas le directeur, jugeant ses propos "indécents" et son attitude "lâche". Pour eux, "la démission est la seule issue possible". Ils appellent à une assemblée générale, le 6 décembre.
Sciences po Paris ne souhaite pas commenter
De son côté, l'établissement indiquait, hier soir, n'avoir aucun commentaire à apporter à ce stade, puisque la situation relève d'une "affaire strictement privée".
Laurence Bertrand Dorléac, présidente de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) avait, quant à elle, envoyé un message aux étudiants et personnels de l'IEP pour préciser que la situation avait été portée à la connaissance de l'établissement par voie de presse. Elle annonçait que Mathias Vicherat s'exprimerait, aujourd'hui.
Un contexte particulièrement sensible après l'affaire Duhamel
La situation est d'autant plus sensible que Sciences po Paris a traversé une grave crise interne avec l'affaire Duhamel. En janvier 2021, le président de la FNSP avait démissionné de son poste, après avoir été accusé d'inceste. À sa suite, le directeur de Sciences po Paris avait dû quitter son poste.
Les Sciences po dans leur ensemble avaient été traversés d'une libération de la parole sur les réseaux sociaux, sous le hastag "SciencesPorcs", pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles (VSS) ayant lieu dans leurs établissements. Un plan national de lutte contre les VSS avait suivi.
Sciences po Paris se voulait exemplaire dans cette lutte et le mandat de Mathias Vicherat se plaçait sous ce signe. Il déclarait à EducPros en janvier 2022 qu'il serait d'"une sévérité absolue sur ce sujet".
Un ensemble de dispositifs avaient été mis en place, sans donner satisfaction aux étudiants. "Des mobilisations pointaient déjà des défaillances", rappelle Inês Fontenelle. Le 9 novembre, des syndicats étudiants et des collectifs féministes de Sciences po Paris manifestaient notamment contre la lenteur des procédures.