Reportage

Sciences po Paris : dès la rentrée l'exigence s'impose

La pré-rentrée à Sciences po Paris s'est déroulée du lundi 28 août au vendredi 1er septembre 2023.
La pré-rentrée à Sciences po Paris s'est déroulée du lundi 28 août au vendredi 1er septembre 2023. © Agnès Millet / L'Etudiant
Par Agnès Millet, mis à jour le 04 octobre 2023
7 min

Dès la pré-rentrée pour les élèves de Sciences po Paris, le ton est donné. Du lundi 28 août au vendredi 1er septembre, les 1re année commencent à s'acculturer à l'exigence et au rythme de l'établissement. La conférence solennelle en marque le point d'orgue. De quoi être fin prêts pour le début des cours.

Dans le hall du 27, rue Saint Guillaume, les élèves se pressent. Ce vendredi matin se tient la conférence solennelle, un moment symbolique et traditionnel du célèbre institut, pour accueillir les nouveaux élèves, à Sciences po Paris.

Bien visible à son stand, Axel, "student ambassador", est prêt à répondre à toutes les questions. "Nous les guidons vers le bon interlocuteur – souvent pour des questions d'inscriptions administratives. Ou tout simplement, nous les renseignons pour qu'ils trouvent leur salle".

Une pré-rentrée pour s'acclimater

Si la rentrée officielle est prévue pour le lundi 4 septembre, toute une semaine est dédiée à la pré-rentrée. "Nous avons eu une présentation de l'école, puis une visite du campus et on nous a expliqué l'organisation de la vie étudiante et des associations", explique Inès qui s'intéressait déjà à Sciences po, en juin 2022. "Nous avons eu aussi une leçon méthodologique et des cours d'art oratoire, en petit groupe", complète Manon.

Se sentir à sa place

Avant son arrivée, Manon se sentait un peu stressée. "C'est un nouveau monde : on n'est pas sûr que l'on se sentira à notre place. Mais tout se passe bien et je crois qu'on a mérité d'être là", ajoute-t-elle.

Pour Yassin, le constat est le même. "On est bien encadré par les personnels". Sa voisine Emma, constate que "le rapport aux professeurs est assez proche du lycée. À part qu'ils nous répètent que l'on peut être fiers d'être ici." Si elle ne sait pas comment se déroulera la matinée, elle n'a aucun doute sur la qualité de ce qui suivra. "Depuis que je suis là, je ne me suis pas ennuyée. Tout est intéressant !"

Inès et Manon (De g. à dr., en haut), Yassin et Emma (De g. à dr.) peuvent compter sur Axel pour les aiguiller lors de cette pré-rentrée à Sciences Po Paris.
Inès et Manon (De g. à dr., en haut), Yassin et Emma (De g. à dr.) peuvent compter sur Axel pour les aiguiller lors de cette pré-rentrée à Sciences Po Paris. © Agnès Millet / L'Etudiant

Le croisement des disciplines, signature de Sciences po

À 11 heures, l'amphithéâtre Boutmy est plein à craquer. Ce sont 473 jeunes étudiants -encore lycéens il y a trois mois – qui se préparent à assister à cette conférence solennelle.

Après un mot de Lamiss Azab, directrice du campus de Paris et de Jeanne Lazarus, doyenne du Collège Universitaire, Mathias Vicherat, directeur de Sciences po, prend la parole.

"À mon époque, on parlait de "Sciences pipeau". En gros, si on n’est pas spécialiste d’une discipline, on n'est spécialiste de rien. La réalité du monde que vous allez affronter, c'est que le croisement des disciplines, c'est loin d'être du pipeau, c'est une nécessité. Et le fait de comprendre le monde à travers le droit, l'économie, la sociologie, les relations internationales devient en réalité une nécessité (…). Notre rôle, ce n’est pas de l’endoctrinement. Ce que l’on souhaite ici, c’est faire vivre le pluralisme."

Une leçon inaugurale experte sur les autorités judiciaires

Pour la grande leçon inaugurale, François Molins, le très respecté procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris de 2011 à 2018 et procureur général près la Cour de cassation de 2018 à 2023, a la tâche délicate d'expliquer à ce parterre de têtes curieuses, mais parfois néophytes, "la place des autorités judiciaires au sein des institutions".

En une heure, le magistrat explique, d'un ton didactique, les principes du fonctionnement de la justice et sa place vis-à-vis des pouvoirs exécutif et législatif. Il revient sur quelques points historiques, cite plusieurs textes de loi, évoque Montesquieu et John Locke, décrit le rôle du conseil supérieur de la magistrature, de la Cour de cassation... Puis dépeint les défis actuels auxquels se trouve confrontée l'autorité judiciaire.

Dans la salle, les élèves sont studieux ; certains prennent des notes. À l'issue de la conférence, certains se dirigent vers le micro pour poser quelques questions, appliquant déjà leur cours d'art oratoire.

Devant des étudiants attentifs, le magistrat François Molins a donné la leçon inaugurale sur "la place des autorités judiciaires au sein des institutions".
Devant des étudiants attentifs, le magistrat François Molins a donné la leçon inaugurale sur "la place des autorités judiciaires au sein des institutions". © Agnès Millet / L'Etudiant

"Donner les clefs pour poser la réflexion"

Figure majeure de l'antiterrorisme, François Molins donnera également une série de cours sur le terrorisme à l'école de droit. Il nous livre son témoignage. "L'exercice de la leçon inaugurale est compliqué car il faut donner des clefs pour poser la réflexion, alors que l'on doit faire référence à des notions que ces élèves ne connaissent pas et ce, tout en intégrant une dimension humaine".

Pour Mathias Vicherat, sans nul doute, cette leçon aura suscité de nombreuses vocations.

"On sent qu'on va au fond des choses"

Pour une autre Manon de cette nouvelle promotion, ce moment était très attendu. "J'avais regardé la leçon de Beate Klarsfeld. Comme je suis intéressée par le droit, quand j'ai su qui était le conférencier, j'étais impatiente. C'était très intéressant et très technique. C'est la différence avec le lycée : là, on sent qu'on va au fond des choses".

Pour Jeanne Lazarus, c'est l'objectif. "Nous voulons des conférences avec un haut niveau intellectuel, pour que les élèves se rendent compte qu'il y aura du travail. Nous cherchons des invités experts qui disent des choses complexes aux élèves, pour leur montrer le niveau de ce qu'ils vont trouver à Sciences po".

Rencontrer les autres élèves

Le cours a, sans nul doute, été un peu difficile à suivre pour certains. À la sortie de l'amphi, Philipine confesse avoir été un peu perdue. "Je n'ai aucune base de droit, alors j'étais intriguée et je me suis dit qu'il va falloir travailler. Ça fait un peu peur. Et un peu envie, aussi".

Elle qui rêvait de Sciences po depuis la 3e se sent très bien dans son nouvel environnement. "On se ressemble tous un peu, d'une certaine manière. Je suis étonnée d'avoir rencontré autant de personnes, aussi rapidement."

Une semaine d'intégration qui se clôt

Cette crainte de ne pas réussir à s'intégrer ne surprend pas Jeanne Lazarus. "Nous insistons auprès des élèves pour leur dire qu'ils sont légitimes. En début d'année, quand ils arrivent dans l'amphi, je pense qu'il n'y a pas un seul étudiant qui se dit qu'il est légitime. Chacun pense que les autres le sont, mais pas lui."

À l'heure du déjeuner, des visites sont encore organisées par les étudiants pour faire découvrir le campus aux nouveaux arrivés. On décèle, sur certains visages, une forme de ravissement et des émotions contenues.

Sciences po envisage de rétablir une épreuve écrite après 2024 et s'ouvre aux bacs pro

Lors de sa conférence de rentrée, le 30 août, Mathias Vicherat annonce qu'une réflexion est lancée pour réinstaurer une épreuve écrite dans la procédure d'admission 2024, après l'annonce du report des épreuves de spécialité du bac, de mars à juin. "Mais sous quelle forme ? Cela reste à définir", indique Mathias Vicherat, qui n'exclut pas la possibilité d'une épreuve à distance.

Depuis la session 2021, la procédure se déroule sur Parcoursup, via un dossier comprenant vos bulletins scolaires et vos notes du bac, ainsi que trois écrits à déposer dans votre dossier et se finalisant par un oral.

Contacté par la rédaction, l'établissement précise, début octobre, que les modalités 2024 seront inchangées, sans préciser si des évolutions auront lieu pour les sessions prochaines.

Par ailleurs, les titulaires d'un bac professionnel pourront désormais candidater au concours – une possibilité qui était jusque là "interdite par le règlement".

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