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Comment les écoles de commerce encouragent l’entrepreneuriat de leurs étudiants

publié le 24 novembre 2011
1 min

Formations spécifiques, incubateurs, fonds d’amorçage… Les grandes écoles de commerce multiplient les dispositifs d’accompagnement pour développer la fibre entrepreneuriale chez leurs futurs diplômés.



Les jobs de rêve sont de plus en plus rares ? Créez donc le vôtre ! En ces temps de crise, tel semble être le message des grandes écoles de commerce qui constatent depuis trois ou quatre ans que l’entrepreneuriat intéresse de plus en plus leurs étudiants.

“J’ai vu un tournant en 2007. Les élèves ont été plus nombreux à chercher des stages dans des start-up, et nous avons eu davantage de projets dans notre incubateur”, note Sébastien Cauwet, directeur de l’incubateur de Telecom EM. Même constat à l'Essc, où le nombre d’entreprises créées par des jeunes diplômés est passé de 5 en 2004 à… 26 en 2010, avec un pic de 35 créations en 2009.

Pour Thierry Grange, directeur de Grenoble EM, l’explication est claire : “Les jeunes ont toujours été attirés par l’aventure. De mon temps, nos modèles étaient des scientifiques, des ingénieurs. Il y a quelques années, il fallait être trader, ou travailler pour la filiale d’une entreprise à Shanghai. Aujourd’hui, la vraie aventure, c’est de créer sa boîte. Les contes et légendes du high-tech regorgent de sucess stories rapides. Zuckerberg [créateur de Facebook, NDLR], c’est le héros des temps modernes.”

Cet appétit nouveau refléterait aussi, en creux, la détérioration de l’image des grandes entreprises auprès de la génération Y. “Il y a ces histoires de patrons voyous, de stock-options immorales, de délocalisations. Ce sont des jeunes qui ont aussi vu leurs parents se faire dégager à 50 ans. Du coup, ils développent un projet en rupture avec tout cela, veulent piloter leur vie”, pointe Hervé Gasiglia, directeur adjoint de l'ESC Toulouse.

Des filières spécifiques

Pour révéler le Pierre Kosciusko-Morizet (fondateur de Price Minister) ou le Jacques-Antoine Granjon (fondateur de venteprivée.com) qui se cachent peut-être parmi leurs élèves, les écoles de commerce hexagonales ont donc créé des majeures ou options “entreprenariat” dans leurs cursus. Les ESC de Rouen, Rennes et Pau ont lancé les leurs l’année dernière, les ESC de Toulouse et La Rochelle se jettent à l’eau cette rentrée.

Ces nouveaux parcours attirent de nombreux étudiants. Audencia ainsi dû créer cette année une seconde classe de 30 étudiants pour cette majeure, tandis qu’à Grenoble, ce parcours de troisième année est devenu le plus sélectif de tous : “J’ai eu 42 demandes pour 25 places”, a calculé Jean-Claude Lemoine, responsable de cette filière.

Ces cursus se composent le plus souvent de cours de business plan, droit et fiscalité adaptés aux petites entreprises. À cela s’ajoutent des rencontres avec des entrepreneurs, et des missions de conseil pour de vraies start-up. Bertrand, 24 ans, a suivi cette filière à l’ESC Rennes. Aujourd’hui diplômé, il est parti à Hong-Kong, avec pour ambition de monter sur place son entreprise. “Pour moi, c’est une évidence. Prendre des risques, être autonome, vivre quelque chose d’excitant… Autant de choses peu compatibles avec un job dans le CAC 40.”

La philosophie est légèrement différente à l'ESC Troyes : il s’agit avant tout d’aménager la scolarité pour des étudiants qui ont déjà un projet ficelé, grâce à un nouveau concept testé depuis la rentrée. “Ces étudiants auront leur bureau, et démarreront leur activité. Nous les mettrons en contact avec des business angels, et ils suivront un programme de cours spécifique”, affirme David Moroz, directeur du programme grande école.

De son côté, l’ESCP Europe mise sur l’organisation d’événements. Les étudiants de la filière entrepreneur, constitués en équipes, se voient remettre par l’école un chèque de 500 €. Ils ont ensuite quelques mois pour faire fructifier cet argent, de la manière qu’ils veulent. “Cela va de la vente de gâteaux à la création d’un mini-salon professionnel”, raconte Jacqueline Fendt, enseignante-chercheuse.

L’argent récolté leur sert ensuite à monter un événement en lien avec l’entrepreneuriat : conférence, exposition, rencontres, etc. “L’événementiel est la métaphore parfaite de la création d’entreprise, encore plus que les simulations de business plan. Les étudiants sont confrontés au réel : la constitution d’une communauté, la levée de fonds, la gestion d’un budget, et parfois, l’échec.”

Car ces filières veulent aussi montrer les difficultés des néo-entrepreneurs. Dans le cadre de sa majeure entrepreneuriat à HEC, Émilie Gobin, la fondatrice de l’Usine à Design, a par exemple suivi des cours où sont venus témoigner des anciens d’HEC qui ont échoué. Elle a dû aussi réaliser une mission d’accompagnement d’une petite entreprise textile proche de la cessation de paiement. “Nous sommes allés jusqu’à présenter le dossier de reprise au tribunal. J’ai mesuré la souffrance que cette situation pouvait générer.”

Des animations sur les campus

Tous ces dispositifs s’accompagnent généralement d’événements centrés sur l’entrepreneuriat. Certains sont ouverts au grand public, comme les “start-up week-ends”, qui se sont tenus en 2011 sur les campus de plusieurs écoles (ESC Bordeaux, Toulouse…) Après un concours de “pitch” (présentation orale de son projet) le vendredi soir, des projets virtuels d’entreprises sont montés en équipe pendant deux jours, avant des présentations devant un jury le dimanche après-midi.

À Paris, Novancia (ex-Advancia) organise au mois de mars un événement similaire, ouvert à tous les étudiants et appelé “24 heures chrono”. En équipes, les participants ont vingt-quatre heures (sans dormir !) pour monter leur business plan, avant de le soumettre à un jury (“le crash test”). Pour la première fois cette année, l’école a doublé son événement au mois d’octobre par une session réservée aux doctorants.

D’autres concepts sont encore plus innovants. Le 14 novembre, les étudiants de l’ESCP Europe organisent, à l’occasion de la Fête de l’entrepreneur, une soirée ouverte au grand public, avec DJ et piste de danse, mais aussi des conférences et des salles de net-working où des dizaines de jeunes entrepreneurs tiennent un stand. Le clou de la soirée : le “baptême de l’entrepreneur”, sorte de jeu de rôle à étapes, où le porteur de projet soumet successivement son idée de business à des étudiants, des coachs, des professeurs, avant de passer un grand oral façon jury de la Star Academy.

Les écoles organisent aussi leurs propres concours de business plan. À Audencia, la participation est obligatoire, pour tous les étudiants. Pour la première édition en 2011, le projet gagnant (un dispositif de financement de sa voiture au travers de la publicité) a obtenu une aide de 6.000 €, et un accès à l’incubateur.

À Telecom EM, le concept est à peu près le même, avec une semaine entièrement banalisée pour l’événement. Les remises de prix sont effectuées dans des lieux emblématiques (le Sénat, le ministère de l’Économie, le siège social du groupe Bouygues Telecom). “Pour la dernière édition, il y a eu encore plus d’engouement. D’habitude, deux projets issus de ce concours entrent dans l’incubateur. Cette année, nous en avons sept”, constate Sébastien Cauwet.

Des incubateurs pour les jeunes diplômés

L’incubateur est un dispositif clé des écoles pour développer l’entrepreneuriat étudiant. On en compte aujourd’hui une quinzaine, selon Jacques Arlotto, président du réseau des incubateurs de l’enseignement supérieur, et qui pilote celui d’Audencia. Mais n’y entre pas qui veut : “L’année dernière, sur 21 projets, 4 ont été refusés par notre jury”, raconte Jacques Arlotto.

Pour les créateurs hébergés, ce coup de pouce est souvent décisif. Car au-delà d’une économie de loyer, ces diplômés bénéficient du soutien de profs et de la communauté de l’école. À l'ESC Dijon, les créateurs reçoivent vingt heures de “chèques conseil”, qu'ils peuvent utiliser auprès d’avocats, consultants, fiscalistes, experts-comptables, coachs…

À Telecom EM, les jeunes entrepreneurs bénéficient d’un point trimestriel “à 360 degrés” avec tous les partenaires de l’incubateur. L’école peut aussi apporter un coup de pouce financier, par exemple pour un investissement. “Mais les porteurs de projet doivent nous rembourser”, précise Sébastien Cauwet.

Des aides et des fonds spécifiques

Côté aides financières, les dispositifs sont d’ailleurs très variés. Audencia attribue des bourses de 6.000 € aux jeunes diplômés qui se lancent, afin de couvrir leurs frais de vie. “Nous ne voulons pas qu’ils renoncent à leur projet pour des questions d’argent”, souligne Jacques Arlotto. L’ESSEC joue une autre carte. Son fonds d’amorçage “ESSEC Ventures”, créé en 2006, prend directement des participations dans le capital des start-up de ses diplômés.

À Grenoble, ce n’est pas l’école, mais les anciens qui ont créé un fonds, et investissent dans des jeunes entreprises portées par des diplômés. Un premier investissement de 60.000 € a été réalisé dans Hulltimo, une société qui commercialise des robots nettoyants pour coques de bateaux.

L’EDC (La Défense), qui a d’ailleurs été rachetée, dans les années 90, par un groupe d’anciens, dispose aussi d’un fonds baptisé EDC Capital. Mathilde Chanzy, étudiante en cinquième année, en a bénéficié cette année pour lancer “Envies en ville”, un site d’achats groupés qui propose des idées de sorties.

L’entrepreneuriat,
domaine de recherche

En parallèle de ces initiatives, certaines écoles développent des activités de recherche sur l’entrepreneuriat. “Nos professeurs produisent des études sur la sociologie de l’entrepreneur, l’organisation des pôles de compétitivité, les déterminants de la levée de fonds”, illustre Anne Stéfanini, directrice de Novancia. Objectif : devenir un pôle de connaissance référent dans ce domaine.

L’ESCP, qui dispose de trois chercheurs spécialisés dans cette thématique, travaille sur la manière de transmettre l’attitude entrepreneuriale aux jeunes. “Nous essayons de trouver ce qui fait que les entrepreneurs voient des opportunités là où d’autres voient des frustrations”, explique Jacqueline Fendt.

Ses étudiants deviennent ainsi l’objet d’expériences. En septembre, ses élèves, réunis hors de l’école pendant trois jours, ont dû créer des œuvres sur le thème de l’entrepreneuriat, en collaboration avec des artistes. L’exposition, baptisée “Improbable”, a été ouverte au public. “Nous pensons que l’artiste et l’entrepreneur ont beaucoup de choses en commun. Ils doivent être avant-gardistes et subversifs.”

Jessica Gourdon
Novembre 2011

 Réalisé en partenariat avec


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