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Incubateur d’entreprises : comment présenter sa candidature

Creative Mix Party au YEC (Young creative center) l'incubateur d'entreprises de l'ESC Troyes
Le YEC (Young creative center) de l'ESC Troyes ne sélectionne que 30 % des dossiers qu'il reçoit. © Olivier Frajman
Par Cécile Peltier, publié le 15 juillet 2015
1 min

Particulièrement recherchés, les incubateurs d'entreprises reçoivent souvent plus de demandes qu’ils n’ont de places et sont contraints de procéder à une sélection. Voici nos conseils pour séduire le jury et mettre toutes les chances de votre côté.

En principe, la sélection à l'entrée d'un incubateur se fait en 2 étapes : la présélection des dossiers les plus prometteurs, puis une soutenance orale du projet devant un comité d'incubation ou d'engagement.

Une sélection plus ou moins sévère...

Selon les structures, la sévérité de l'écrémage varie. Chaque année, les responsables de l'incubateur d'Audencia Nantes, Centrale Nantes et de l'ENSA (École nationale supérieure d'architecture) rencontrent une quarantaine de candidats ayant une idée ou un projet plus ou moins construit. "L'année dernière, cela a débouché sur 25 candidatures formelles et une quinzaine d'intégrés", détaille Claire Spohr, chargée de mission incubateur.

IncubaGem, l'incubateur de Grenoble école de management, retient également 60 % des dossiers environ, tandis que le YEC de Troyes (10) et EFREI Entrepreneurs (EFREI) en sélectionnent autour de 30 % et Semia (INSA Strasbourg) seulement 20 %.

Chaque incubateur possède aussi ses propres modalités de sélection. IncubaGem confie la première phase du tri aux étudiants du MSE (master spécialisé entrepreneur). Les candidats retenus présentent ensuite leur projet devant un jury composé de représentants de l'incubateur et de professionnels. "Il s'agit alors de s'assurer que leur idée d'entreprise est vraiment mûrie", explique Jean-Claude Lemoine, responsable de la couveuse.

Au YEC, par exemple, les candidats défendent leur projet devant un collège d'incubation composé des chargés d'affaires de la Technopole et de professionnels. "On vérifie l'adéquation porteur/idée, la viabilité du projet et la motivation du candidat", détaille Sylvia Maucort, responsable de la structure.

Au sein de l'incubateur alsacien Semia, la procédure est très formalisée. Les responsables de l'incubateur vont d'abord examiner le dossier sous ses différentes facettes (propriété intellectuelle, business plan, etc.), avant de le présenter à un comité d'engagement composé de 20 à 25 personnes (financeurs, investisseurs, acteurs régionaux de l'innovation, entrepreneurs et experts thématiques). Le porteur de projet dispose de 10 minutes pour le présenter au jury, qui l'interrogera ensuite pendant 20 à 30 minutes. "Puis le comité délibère et définit des axes de travail à mener pendant l'incubation", précise Gilles Grand, le directeur de la structure.

Pour franchir l'étape décisive de l'écrémage, vous devez donc être bien préparé. Voici nos conseils pour mettre toutes les chances de votre côté :
- contactez l'incubateur en amont,
- testez votre fibre entrepreneuriale,
- participez à des concours d'entrepreneuriat,
- montrez que votre projet répond à un besoin,
- soignez votre business plan,
- prouvez que vous avez l'étoffe d'un entrepreneur,
- sachez expliquer ce que vous attendez d'un incubateur.

#1. Contactez l'incubateur en amont

Incubés et spécialistes recommandent de prendre contact avec l'incubateur le plus tôt possible. Les chargés d'affaires pourront vous aiguiller pour voir si ce dernier répond à vos besoins et vous donner des conseils sur la manière de présenter au mieux votre dossier de candidature. Symbiose, l'incubateur d'Audencia Group, reçoit les porteurs de projet en amont : "Lors des premiers échanges, on fait un point sur la cohérence de leur dessein professionnel avec leur vie personnelle et notamment sur les exigences académiques pour obtenir le diplôme. Certains peuvent alors décider de repousser leur incubation", explique Claire Spohr. Il lui arrive également de faire une première lecture du business plan et du dossier d'incubation.

#2. Testez votre fibre entrepreneuriale


Certaines structures proposent aussi une pré-incubation. Si votre projet n'est pas encore très avancé, c'est l'occasion idéale de vous donner un petit peu de temps pour réfléchir avant de vous engager. "On laisse 6 mois aux porteurs de projet pour faire le tour du sujet avant de se lancer vraiment", résume le directeur d'IncubaGem, qui propose ce type de formule.

Dans le même esprit, l'incubateur alsacien Semia a mis en place début 2015 une "starter class". Cet accompagnement de 6 mois, à raison de 3 jours par mois, est accessible à des "porteurs motivés mais dont les projets ne sont pas assez matures". Les entrepreneurs en herbe alternent cours théoriques, ateliers et échanges avec des experts. "Au bout de 6 mois, l'objectif est d'aboutir à un business plan qui va les aider à faire éclore leur projet, explique Gilles Grand, le directeur de l'incubateur. Dans l'intervalle, on met à leur disposition tous les experts dont ils ont besoin." À l'issue de la pré-incubation, une partie des entrepreneurs choisissent de candidater pour être incubés.

#3. Participez à des concours d'entrepreneuriat

Un autre bon moyen de se faire la main avant l'incubation est de participer à l'un des nombreux concours d'entrepreneuriat organisés par les écoles, les universités, les incubateurs, les associations, les entreprises... Ce sera l'occasion de tester votre pitch, éventuellement de remporter un petit peu d'argent et – pourquoi pas ? – de vous faire repérer par un incubateur, à l'instar des porteurs du projet SESAMm.

"Notre but était de gagner en crédibilité en présentant notre projet à des pros", raconte Sylvain Forté, cofondateur de SESAMm, une start-up innovante spécialisée dans l'ingénierie financière et lauréate de plusieurs concours. Finalement, le prix 2013 du concours de l'Etudiant entrepreneur innovant, organisé par Semia et la Société générale, lui a ouvert les portes de l'incubateur à l'été 2014.

Guilhem de Marliave, diplômé du mastère HEC-Entrepreneurs et cofondateur d'Elistair, une start-up qui conçoit et produit des équipements de travail aérien pour le secteur du drone civil, a intégré EMLyon Incubateur après avoir remporté en 2014 le concours Création d'Entreprise Acceleration Track de la fondation américaine Friends of Alliance Centrale Lyon-EMLyon.

"Avec ces concours, on est obligé d'être synthétique, clair, et cela permet d'aller plus vite et d'avoir des retours construits de spécialistes. Mais attention, cela prend du temps, prévient le jeune entrepreneur. Il faut se concentrer sur les concours qui garantissent des retours sur le projet et garder du temps pour aller parler avec les clients !" Enfin, lisez bien le règlement avant de vous inscrire, prévient Xavier Bouvier, référent entrepreneuriat au sein du groupe Efrei : "Souvent, il y a des contreparties, comme une participation obligatoire au capital."

#4. Montrez que votre projet répond à un besoin

Difficile de donner un plan type du dossier de candidature, car, par essence, l'entrepreneuriat n'est pas quelque chose de normalisé. "Le but de l'incubateur étant de vous accompagner, on ne peut pas non plus vous demander un projet totalement bouclé. Le principe, c'est d'avoir une idée et de savoir où on veut aller", remarque Xavier Bouvier, secrétaire général de l'Association IES! (Incubateurs de l'enseignement supérieur).

Un projet type, c'est : "Mon idée, le projet, mon équipe, mon marché, mon concurrent, mon espérance de chiffre d'affaires et de bénéfices sur les 3 à 5 ans, mes besoins en trésorerie et financement." Assurez-vous que votre produit ou votre service réponde à un véritable besoin. Pour cela, il est nécessaire d'aller voir les utilisateurs potentiels. "La plupart des étudiants ont peur, en allant sur le terrain, qu'on leur vole leur idée, mais on en n'est plus là. Aujourd'hui, il faut la tester tout de suite auprès des futurs clients", constate Sylvia Maucort, directrice du YEC.

Gilles Grand, directeur de l'incubateur Semia, confirme : "Notre première question, c'est 'quelle crédibilité a cet individu pour parler de ce sujet ?' Si le porteur souhaite créer une boulangerie mais qu'il n'a jamais mis les pieds dans ce type de commerce, on va rapidement couper court à la discussion. Si vous n'avez pas la légitimité naturelle, faites-vous accompagner ou "mentorer" par quelqu'un de crédible dans ce secteur."

#5. Soignez votre business plan


L'élaboration du business plan est une étape importante dans la préparation de votre dossier d'incubation. "Parfois, des étudiants arrivent avec de très bonnes idées, mais rien en termes de business plan et surtout aucune vision de la manière dont peut se commercialiser leur produit ou service. On leur conseille, avant de revenir nous voir, de rencontrer un business developper", témoigne Xavier Bouvier.

Mais là non plus pas de recette miracle, ni de présentation type. "Le business plan doit être suffisamment fourni pour montrer que le projet a été envisagé dans sa globalité : ce que l'on propose, à quel type de client, quelques éléments sur l'histoire du projet, explique Claire Spohr, chargée de mission pour l'incubateur Centrale-Audencia-ENSA, mais inutile de dépasser 20 pages…"

Ce travail peut toutefois vous prendre un certain temps : "On a mis plusieurs mois à rédiger la première version de notre business plan, se souvient Sylvain Forté, étudiant à l'INSA (institut national des sciences appliquées) Strasbourg et cofondateur de SESAMm, une start-up orientée vers la prévision boursière. C'était un vrai challenge intellectuel." L'étudiant entrepreneur conseille de le soigner : "Il doit être le plus détaillé possible, bien structuré, avec des chiffres, afin de montrer à l'incubateur qu'on est motivé."

Au cours de ce travail, ne sous-évaluez pas le coût de la recherche des clients, recommande Gilles Grand, directeur de l'incubateur Semia. "La réponse classique, c'est 'on va mettre les projets en ligne'. Mais souvent, je réponds aux candidats : 'Attention, vous êtes en pleine campagne et pas sur les Champs-Élysées'." Enfin, entraînez-vous à "pitcher" votre projet devant vos proches.

#6. Prouvez que vous avez l'étoffe d'un entrepreneur

Une fois votre dossier présélectionné, vous devrez le soutenir devant un jury, qui ne va pas seulement juger de la faisabilité de votre projet mais aussi de votre capacité à le porter. Car au-delà de la technique, l'incubateur recrute une personnalité. "Le business plan d'une start-up est toujours beau sur le papier, mais ne se passe jamais comme prévu. Si la personne a des valeurs, une énergie, elle arrivera toujours à rebondir. Si on a un bel entrepreneur, on aura une belle entreprise !" explique Jean-Claude Lemoine, responsable d'IncubaGem.

"Il faut vraiment communiquer sa motivation et montrer qu'il y a une adéquation entre nos valeurs, nos envies et le projet que l'on veut développer", recommande Marianne Lenoir, autoentrepreneuse en design produit, incubée au YEC de Troyes (10). Au moment de l'entretien, inutile donc de rouler des mécaniques et de surjouer la confiance en soi : "Cela ne sert à rien de marketer à fond son projet s'il n'y a rien derrière. Il vaut mieux quelque chose d'honnête du style : 'J'ai une idée. Je sais qu'il y a un besoin et j'apporte cette réponse-là'", ajoute Hugo Avale, cofondateur de Neojobs, un cabinet de recrutement d'étudiants pour les PME et les TPE spécialisé en missions éphémères. Même si vous ne savez pas tout, et c'est normal, montrez que "vous vous êtes bien renseigné sur le tissu local, les concurrents potentiels, les clients…" ajoute Marianne Lenoir.

#7. Sachez expliquer ce que vous attendez d'un incubateur…

Il est important également de savoir pourquoi vous souhaitez intégrer un incubateur. "Les étudiants qui cherchent juste un toit ne nous intéressent pas, prévient Jean-Claude Lemoine d'IncubaGem. On cherche des gens qui ont besoin de nous."

Avant de postuler, renseignez-vous sur les services proposés et soyez capable de justifier votre choix. "Quand on est entrés, on a dit que l'on avait besoin d'un regard extérieur, se souvient Hugo Avale. Il est important de savoir quelles expertises vous venez chercher. Par exemple : 'Quand et comment on lance notre communication.'" Inversement, soyez au clair avec ce que vous avez envie d'apporter à l'incubateur. "C'est important, assure Hugo. Mon associée, Margaux, par exemple, a proposé des ateliers de pitches pour les incubés et moi des ateliers de codéveloppement."

Un mélange des publics et des thématiques
Si certains incubateurs restent réservés aux étudiants ou aux diplômés "maison" (comme IncubaGem, à Grenoble école de management), beaucoup ont fait le choix de la mutualisation et accueillent un public plus large, issu des établissements partenaires. Avec un mode d'ordre : l'hybridation des compétences et le mélange des générations.
Depuis 2014, Audencia Group partage son incubateur avec l'École centrale de Nantes et l'ENSA. Une condition pour l'intégrer : qu'au moins un des porteurs de projet soit étudiant ou diplômé d'une des écoles. "Un incubé va pouvoir accéder à l'expertise des 3 établissements", se félicite Valérie-Claude Gaudillat, référente entrepreneuriat à Audencia Nantes. Et côtoyer des personnes de tout âge : "Aux côtés de jeunes diplômés, nous accueillons par exemple des diplômés de l'Executive MBA qui ont 15-20 ans d'expérience professionnelle."
Dans le même esprit, le YEC (Young Entrepreneur Center), l'incubateur des acteurs de l'enseignement supérieur de Troyes et sa région, est installé sur la Technopole de l'Aube. Il incube en priorité les étudiants et les diplômés des écoles fondatrices, et plus largement tous ceux du territoire. "La richesse des projets entrepreneuriaux, c'est la diversité des profils et la complémentarité des compétences. Souvent des managers vont avoir besoin d'un ingénieur ou, inversement des ingénieurs d'un business développeur", remarque Sylvia Maucort, responsable de la structure.

Bien choisir son incubateur
Au-delà des performances objectives ou supposées des différents incubateurs, le choix de la structure doit aussi reposer sur votre ressenti. "L'incubation est d'abord une question d'hommes. Allez sur place, évaluez l'ambiance et vérifiez que les responsables ont déjà pris des risques en créant leurs propres entreprises", insiste Xavier Bouvier, référent entrepreneuriat à l'Efrei et secrétaire général de l'AIES! (Incubateurs de l'enseignement supérieur). Cette association, qui fédère une quarantaine d'incubateurs issus d'une trentaine de grandes écoles, travaille sur une charte. Elle tiendra compte de la qualité de l'encadrement, de l'écosystème et des animateurs de l'incubateur.
"Veillez à choisir une structure à taille humaine, confirme Sylvia Maucort, directrice du YEC. Il faut que les responsables soient disponibles et à l'écoute". "Optez pour un organisme désintéressé et qui a bonne presse, ajoute Gilles Grand, directeur de l'incubateur alsacien, Semia. Aujourd'hui, certaines structures se comportent davantage en investisseurs qu'en incubateurs en prenant des parts dans les sociétés avec l'idée de les revendre quelques années plus tard pour faire une plus-value. Nous, on n'investit pas dans les start-up, nous sommes neutres statutairement par rapport aux projets que nous incubons."

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