Quatre conseils pour sortir des addictions
Avec le confinement et la crise sanitaire, de nombreux jeunes ressentent de l’angoisse, de l’isolement qui peuvent pousser à adopter des comportements à risque dont les addictions. Deux professionnels vous donnent quatre conseils pour vous en sortir.
Selon une enquête de l’OVE (Observatoire national de la vie étudiante), 50% des jeunes ont bu de l’alcool au moins une fois par semaine pendant le confinement. Et 34,7% ont déclaré en avoir consommé autant voir plus pendant cette période. Par ailleurs, les distanciations sociales ont contraint les jeunes à consommer davantage en solitaire qu’en groupe. Une enquête de l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies) démontre que le nombre de jeunes qui consomment seuls est passé de 2% à 34% avec le confinement. Un constat qui inquiète plusieurs professionnels de la santé.
Pour sortir de ses addictions, Amine Benyamina professeur au service addictologie de l’hôpital Paul Brousse à Villejuif (94) et Nicolas Bonnet pharmacien de santé publique spécialisé en addictologie, directeur du RESPADD (Réseau de prévention des addictions) et responsable de la consultation jeunes consommateurs à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris (75) vous livre quatre conseils. Objectif : tester votre niveau d'addiction pour vous en débarrasser.
Des tests d'addiction pour faire un constat de votre consommation
Amine Benyamina est clair "le bilan de l’état de santé, c’est la base de tout diagnostic". Si vous sentez que vous êtes sujet à une forme d’addiction, il faut que vous rendiez honnêtement compte de votre consommation. Sur la plateforme addict'aide, vous pouvez réaliser des auto-questionnaires en ligne pour établir un bilan. Vous pouvez les réaliser sur votre ordinateur, rapidement et en autonomie. Les résultats vous permettront d’établir un constat sur le risque de votre consommation.
"Le simple fait de remplir les auto-questionnaires vous permettra de modifier positivement votre consommation", explique Nicolas Bonnet. En effet, ils établiront votre statut de consommation. 30% des personnes qui remplissent ces formulaires diminuent directement leur absorption d’alcool. Pour le tabac, ce sont 60% des personnes qui s’engagent dans l’arrêt du tabac après la réalisation de ces questionnaires.
Nicolas Bonnet ajoute que l’on peut aussi questionner la prise de substances addictives sur quatre axes. Premièrement, est-ce que cette consommation constitue votre unique source de plaisir ? Deuxièmement, est-ce que vous pouvez vous en passer ? Troisièmement, est-ce que cette dépendance a eu une influence sur vos autres relations sociales ? Quatrièmement, est-ce qu'elle a empêché la réalisation d'opportunités ? Si vous obtenez au minimum une réponse positive, cela signifie que votre consommation a des conséquences négatives sur votre quotidien. Dans ce cas, il est important de se rapprocher des professionnels de la santé.
Tester ses limites pour mesurer le degré de dépendance
Pour le directeur de RESPADD, Nicolas Bonnet, cela peut être intéressant de tester ses limites. En effet, l’idée n’est pas de bannir totalement ou d’arrêter toute consommation d’alcool ou de tabac par exemple. "Cela doit rester un loisir avant tout" détaille-t-il. Ainsi, si vous ressentez que cette consommation devient nécessaire à votre bonheur alors il ne s’agit plus d’une liberté, mais d’une contrainte selon le pharmacien. "Il faut toujours que vous ayez le choix de consommer ou non" ajoute-t-il.
Et pour savoir si vous avez vraiment le choix, essayez d’arrêter de consommer pendant un certain temps peut-être une solution. Il ne s’agit pas d'arrêter parce que vous êtes dépendant, mais plutôt d’être curieux de votre capacité à vous stopper. "Je pense que ça peut être vraiment intéressant et bénéfique d’essayer de continuer à sortir avec ses amis en remplaçant la bière par un jus de tomate, par exemple" s’aventure Nicolas Bonnet.
Pour essayer de réduire sa consommation, Amine Benyamina ajoute qu’il faut sans cesse questionner son envie et son objectif. Cela va renforcer votre sensation de liberté et d’indépendance face au produit. Si vous avez des ressources pour réduire votre consommation, alors vous aurez d’autant plus de chance de pouvoir vous sortir de la dépendance.
Organiser des défis de groupe comme le "Dry january"
Pour compléter le dernier conseil, l’aspect de groupe est essentiel. En effet, cela peut être difficile de résister à la pression sociale lorsque vous êtes le seul à boire une boisson sans alcool ou à ne prendre aucune autre substance addictive. Le professeur Amine Benyamina conseille donc d’organiser des défis de groupe. Le fameux "Dry january" peut être un exemple de ces challenges collectifs.
En effet, si vous êtes entouré de personnes qui réalisent le même jeu que vous alors cela va vous encourager à limiter votre consommation. "Cela va renforcer votre engagement sans vous exclure du groupe" précise Nicolas Bonnet.
Ce dernier conseille aussi de réaliser des carnets de bord de votre consommation. Sur n’importe quel support, vous pouvez donc noter à chaque fois que vous prenez une substance de dépendances. Vous indiquez la date, l’heure, mais aussi l’effet que vous avez ressenti. Nicolas Bonnet est persuadé que cette appropriation de sa consommation permet d’atteindre votre objectif. Ce sont des éléments de thérapies cognitivo-comportementales.
Parler de son addiction à des professionnels
"Ces situations de consommation peuvent avoir des conséquences sur la sphère familiale" explique Nicolas Bonnet. Pour sortir de cette bulle familiale et des conflits qui peuvent exister, vous pouvez donc vous adresser à des professionnels du corps médical. La famille ne peut suffire pour donner une expertise particulière et réaliser un réel travail d’accompagnement. "Si je vous conseille, ce n’est pas pour que ça se passe mieux à la maison, mais c’est uniquement pour vous" répète le directeur du RESPADD aux jeunes qu’il rencontre. Cette absence d'intérêt personnel de la part du médecin permet aussi une meilleure confiance.
Il y a un grand réseau de consultations de jeunes consommateurs en France. Toutes les structures sont référencées sur l’annuaire de drogues-info-services.fr. Vous pourrez ainsi contacter la structure la plus proche de chez vous. Vous pouvez aussi utiliser des applications comme Stop Cannabis ou encore Alcool Info Service.
Pour les parents, il existe aussi des "Lettres aux Parents" sur le site repsadd.org qui permettent de donner des pistes de compréhension sur ces situations. Ces lettres conseillent notamment aux proches de s’intéresser aux activités des enfants.