Flore Vasseur, réalisatrice de "Bigger Than Us" : "La plus grande école, c'est celle de l'action et de l'engagement"
Mélati combat la pollution plastique en Indonésie, Mohamed construit une école au Liban pour les enfants réfugiés, Memory a fait cesser le viol institutionnalisé des fillettes au Malawi... Le documentaire "Bigger Than Us", sorti le 22 septembre, revient sur les actions extraordinaires menées par sept jeunes, chacun dans leur pays, pour changer le monde.
Ils et elles se sont engagés enfants ou à l'adolescence. Leurs combats ? La justice environnementale, les droits des femmes, l'accueil des réfugiés ou encore la liberté d'expression. Flore Vasseur, écrivain, journaliste et réalisatrice raconte dans son nouveau film "Bigger Than Us", sortie le 22 septembre, les combats de sept jeunes activistes à travers le monde.
Au Malawi, Memory, 12 ans, s'est dressée contre le viol institutionnalisé des jeunes filles dans des camps d'initiation dédiés. Elle a réussi à faire relever l'âge légal du mariage de 15 à 18 ans dans la constitution du pays. Rene, dans sa favela de Rio de Janeiro, a créé dès l'âge de 11 ans un journal avec son frère pour raconter de l'intérieur, sa vie quotidienne. Quant à Mary, elle participe au sauvetage en mer de migrants au large des côtes grecques, turques ou libyennes.
Tous ces jeunes mènent chacun dans leur pays des actions pour améliorer le monde. Comment vous est venue l’idée de ce film ?
Comment avez-vous sélectionné ces profils de jeunes activistes parmi des centaines à travers le monde ?
En 2016, j'ai réalisé un premier documentaire pour Arte sur Mélati Wijsen, qui lutte contre la pollution plastique chez elle, en Indonésie, à Bali. Puis j'ai très vite repéré Mohamad, Xiuhtezcatl, Memory et Rene parce qu’ils étaient déjà actifs depuis quatre ans. Je suis aussi repartie du travail d’autres journalistes et ai poussé l’enquête plus loin.
Les causes portées par les jeunes n'intéressent pas uniquement à l’environnement mais aussi à d’autres thèmes : droits des femmes, accueil des réfugiés, éducation, sécurité alimentaire…
Oui. Parce que l’environnement est un dysfonctionnement parmi d’autres. Il est hélas catastrophique mais pas le seul. J'ai regardé les 17 objectifs du millénaire (les 17 objectifs du développement durable adoptés par l’ONU, NDLR) et ai retenu parmi eux ceux qui engagent la vie et la mort. Je me suis dis que je n’aurais peut-être pas le temps de faire plusieurs films, j'ai donc démarré très fort.
Ensuite, j'ai regardé qui est actif sur ces sujets-là. J'ai récolté beaucoup de noms mais j’ai éliminé tous ceux qui sont dans l’incantation ou dans le discours. Un documentaire, c’est l’exercice de la preuve : je ne peux pas raconter d’histoire, mentir et travestir la réalité. J'ai choisi des personnes qui mènent des actions ayant un impact sur les autres. J’ai aussi écarté les personnes qui agissent pour avoir des bonnes notes parce que dans certains pays, c’est valorisé pour entrer à la fac ou avoir un diplôme. Je suis en recherche de ce qui est viscéral.
Plusieurs jeunes se battent pour que des fillettes, des réfugiés voire eux-mêmes puissent aller à l'école. L'éducation, les études peuvent-elles sauver le monde ?
Comment trouver le goût de s’engager et de passer à l’action quand on est collégien, lycéen ou étudiant ?
S’engager n’est pas nécessairement douloureux ou triste ! Mais nous sommes dans une société qui tend à le dévaloriser. Le film montre que l’envie de s’engager part d’une fatalité. La plupart des personnes qui agissent le font parce qu’elles n’ont pas le choix. C’est un moyen de survivre pour elles. Mais il y aussi le cas de Mary, une Anglaise de 22 ans qui travaillait depuis quatre ans pour sauver des migrants en mer au large de l’île grecque de Lesbos. Cela vient d’elle : elle veut être sûre d’avoir été utile sur cette Terre.
Quel regard portez-vous sur la jeune génération française actuelle ?
Concrètement, comment peut-on s’engager ?
Nous avons créé un site autour du film biggerthanus.lefilm.com dans lequel vous trouverez plein d’outils. Vous pourrez vous connecter à chacune des personnes du film, converser avec eux. Vous trouverez aussi des kits pédagogiques sur chacun des combats soutenus et des lieux pour vous engager : nous avons prévu des formations gratuites, des liens vers des associations de terrain. Changement climatique, accueil des réfugiés, sécurité alimentaire… quel que soit le sujet, vous trouverez des possibilités d’action près de chez vous.
Votre film n’est pas centré sur Greta Thunberg. Pourtant l’activiste suédoise est présente deux fois, au début et à la fin. Pourquoi ?
Pas par opportunité marketing. Ce que dit Greta est confondant de vérité et de simplicité. Je voulais lui rendre hommage parce qu’elle a pris sur ses frêles épaules toute l’attention du monde. Elle a été pourchassée, traitée de sorcière. La réaction contre l’énergie qu’elle incarne est symptomatique des forces qu’on doit dépasser aujourd’hui : dès que vous êtes jeune, que vous avez des idées, que vous avez envie de vivre, la société vous dit : "Attends. Ce n’est pas ton tour. Tu n’as pas le bon diplôme." Avec un seul but : vous désactiver. Greta a concentré sur elle une partie de la société qui refuse la contestation, le changement et lui préfère le cynisme et le sarcasme.