Décryptage

Logement : les associations et les villes développent leurs dispositifs d’urgence

Face à la hausse démographique dans l'enseignement supérieur, l’offre de logements ne suit pas.
Face à la hausse démographique dans l'enseignement supérieur, l’offre de logements ne suit pas. © Francois HENRY/REA
Par Amélie Petitdemange, publié le 30 septembre 2021
7 min

La rentrée 2021 est marquée par une pénurie de logements étudiants dans plusieurs villes de France. Les associations étudiantes appellent les pouvoirs publics à se saisir de la situation.

"Ce n'est pas normal que des étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur dorment à la rue", déplore Paul Mayaux, président de la Fage (fédération des associations générales étudiantes). Si la problématique des logements étudiants n’est pas nouvelle, elle est exacerbée à la rentrée 2021. Face à la hausse démographique dans l'enseignement supérieur, l’offre de logements ne suit pas.

"La construction est bien plus lente que la hausse démographique. Sur les 60.000 logements étudiants promis d'ici la fin du quinquennat, 32.000 seulement devraient être construits selon un rapport de mi-parcours", souligne Paul Mayaux.

À cela s’ajoute l’ouverture de nouvelles formations ou composantes. "À Angers, qui n’est pas une ville à zone tendue, il y a un afflux d’étudiants avec la diversification de l’offre de formation. Des services universitaires nous appellent à 20h30 pour nous demander de loger des étudiants sans appartement car les logements d'urgence du Crous sont saturés", raconte le président de la Fage. Le dispositif d'hébergement d’urgence de la fédération de la Fage à Angers (49) a en effet dû fermer face à l’explosion des demandes : plus de 200 depuis la rentrée.

Hébergement d'urgence et solutions à long terme

La Fage demande par conséquent aux pouvoirs publics et aux Crous de débloquer des hébergements d’urgence. À Strasbourg (67), la Ville et la Métropole leur ont alloué des fonds pour héberger les étudiants dans des hôtels. À Paris (75), deux hôtels hébergent des étudiants Porte de Saint Ouen et Porte de Châtillon. "Ils ont permis de mettre à l’abri 101 étudiants qui dormaient dans leur voiture ou étaient en colocation dans un petit appartement. Le dispositif sera pérennisé cette année et une association accompagnera les étudiants à leur sortie de l’hôtel", annonce Farida Adlani, vice-présidente chargée des Solidarités, de la Santé et de la Famille en Île-de-France.

"S’il n’y a pas de financement, cela peut aussi être des logements chez des particuliers ou mis à disposition par la ville", plaide Paul Mayaux. Sur le moyen et long terme, il avance plusieurs solutions : adapter le montant des APL aux bassins de vie, construire plus rapidement des logements étudiants, favoriser la colocation dans les résidences universitaires, faciliter l’accès des étudiants aux HLM, mieux encadrer les Airbnb et les loyers… "Si on ne donne pas la possibilité aux étudiants de se loger, cela aura un impact sur leur réussite. La hausse démographique va durer encore cinq ou six ans. Les pouvoirs publics doivent se saisir de cette question."

Une chambre ou un canapé chez un particulier

"Les pouvoirs publics n’ont pas anticipé le 'baby boom' des années 2000. De plus en plus de jeunes font des études, et ce sont des études de plus en plus longues", ajoute Clairance Dufour, vice-présidente générale de Galille. Cette fédération lilloise de la Fage a vu le jour en novembre 2020 pour soutenir les étudiants pendant la crise sanitaire. Depuis la rentrée, elle a créé un dispositif de logement d'urgence baptisé Tiot Accueil.

"Nous demandons à des particuliers s’ils ont une chambre ou un canapé pour héberger un jeune de deux jours à deux semaines. Le dispositif a ouvert lundi dernier et nous avons déjà reçu une soixantaine de demandes, pour une quarantaine d’hébergeurs", explique Clairance Dufour.

La fédération travaille en partenariat avec le Crous. "Ils nous envoient des jeunes sans logement car ils ont trois semaines de délai pour un rendez-vous avec une assistante sociale", explique Clairance Dufour. Une situation qui n’est pas viable sur le long terme, souligne la fédération : "Ce n'est pas notre rôle d'héberger des étudiants".

Des chambres plus grandes et moins nombreuses

À Lille (59), le manque de logement est en partie dû à la réhabilitation de 1.000 chambres étudiantes du Crous, qui ferment deux ans pour travaux. Six-cent chambres de plus fermeront l’année prochaine pour la même raison. "C’est très bien de rénover ces chambres, elles étaient insalubres. Mais la municipalité n'a pas anticipé la situation et des étudiants se retrouvent dehors", explique Clairance Dufour. Par ailleurs, les logements réhabilités auront des chambres plus grandes, ce qui réduira le nombre de logements. "On s’est rendu compte pendant le confinement que c’est indigne de vivre dans 9 m2. Avec l'agrandissement des chambres, il faudra donc construire d’autres logements."

Au congrès de la Fage, le 25 septembre dernier, la ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a indiqué que des financements avaient été débloqués et que la situation serait réglée d’ici 2024. "En attendant, on ne peut pas laisser les étudiants dormir dans la rue. La ministre n’a pas donné de réponse pour l’urgence à Lille, Angers ou Paris", regrette Clairance Dufour.

Les dispositifs d’urgence essaiment en France

La première fédération de la Fage cherchant à trouver des logements d’urgence a été créée il y a trois ans à Strasbourg. Depuis, le principe a essaimé à Angers, à Grenoble, ou encore à Lille et Toulouse cette année.

Du côté du syndicat étudiant Unef, sa présidente, Mélanie Luce, fait le même constat. "On ne se rendait pas compte à quel point c’est une problématique globale. Avant, c’était surtout le cas en banlieue parisienne ou à Bordeaux. Cette année, la pénurie s’étend à plusieurs territoires. Des étudiants nous contactent parce qu’ils dorment dans leur voiture. Ils n’ont pas les moyens de trouver un logement. Parfois, ce sont des étudiants LGBTQ+ rejetés par leur famille qui se retrouvent à la rue, ou des étudiantes victimes de violences conjugales".

Dans chaque université, l’Unef a installé une permanence syndicale pour recevoir les étudiants en difficulté. Le syndicat gère ces demandes au cas par cas et essaie de trouver une place en résidence universitaire pour ces jeunes. Si ce n’est pas possible, les étudiants sont orientés vers une colocation.

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