Reportage

A Nancy, des lycéens apprennent à devenir des joueurs professionnels de e-sport

Sur les 8 heures hebdomadaires de la section e-sport, les lycéens nancéiens passent environ 5 heures à jouer.
Sur les 8 heures hebdomadaires de la section e-sport, les lycéens nancéiens passent environ 5 heures à jouer. © Mathieu Cugnot - Divergence Images
Par Camille Jourdan, publié le 13 décembre 2023
5 min

Au lycée privé Pierre de Coubertin de Nancy, la première section d’e-sport de France a ouvert en octobre dernier. Une quinzaine d’élèves suit ces cours particuliers dédiés au gaming.

Installés dans des fauteuils rouges et noirs, tout confort, un casque sur les oreilles, Jules, Ayman, Lucas ou encore Yanis sont concentrés sur leur écran d’ordinateur. Trois fois par semaine, ils se retrouvent dans cette salle du lycée Pierre de Coubertin de Nancy (54).

Depuis le début de l’année, ils font partie de la première promotion de la toute nouvelle section e-sport. Cette expérience, inédite en France, a été lancée cette année par le directeur de l’établissement. "Il y a quelques années, je me suis aperçu que le e-sport prenait de l’ampleur", raconte Alain Hénin, qui s'est associé à Djibril Talbi, joueur professionnel et manager d’équipes de e-sport, pour monter ce projet.

Professionnaliser son jeu

Face aux nombreuses demandes, deux compétitions ont permis de sélectionner une quinzaine d’élèves, seulement des garçons, bien que la section soit ouverte aux filles. "Il y en a beaucoup qui en rêvaient", sourit Jules, l’un des quelques privilégiés. Comme ses camarades, il joue depuis plusieurs années aux jeux vidéo, en amateur.

Mais la section vise à les aider à se professionnaliser. "On veut leur apporter quelque chose qui n’existe pas encore avant le bac, décrit Julien Testard, responsable informatique et chef de projet numérique. Comme dans un centre de formation, on leur donne des outils pour progresser."

Les élèves de la section e-sport du lycée Pierre de Coubertin de Nancy.
Les élèves de la section e-sport du lycée Pierre de Coubertin de Nancy. © Mathieu Cugnot - Divergence Images

Du gaming, mais pas que

Encadrés par cinq coachs issus du milieu du e-sport, les élèves suivent des cours sur différentes thématiques : cyberharcèlement, diététique, live Twitch… "Lors d'une des premières séances, on nous a parlé des risques de rester trop longtemps assis, à cliquer sur une souris, se remémore Jules. Le coach nous a dit qu’il fallait se lever cinq minutes toutes les heures, il nous a montré des étirements des doigts…" Des réflexes que tous n’ont pas encore intégrés complètement, mais qu’ils gardent en tête.

Les lycéens reçoivent aussi des conseils pour "muscler leur jeu". Lucas, devant son écran, parle dans le micro de son casque. Il discute avec Menegh, l’un des intervenants. "On regarde ensemble l’une de mes parties, et il me dit ce que j’ai bien fait ou mal fait", décrit l’adepte de Valorant, un jeu de tir.

Apprendre à mieux communiquer

"Revisionner nos parties nous permet de repérer nos erreurs, et de nous focaliser sur celles-ci pour les éviter lors de la partie suivante", ajoute Jules qui, s’est spécialisé sur Overwatch, un jeu de tir en équipe. "On apprend aussi à mieux communiquer entre nous", continue Rahim. Avec deux de ses camarades, ils se lancent des "follow !" ou "j’ai" à travers leur casque, durant leur partie de Rocket League, un jeu combinant la conduite automobile et le football, avant de se checker "IRL" (In real life, dans la vie réelle, NDLR) quand l’un d’entre eux marque un but.

Benjamin et Jules, de leur côté, s’exercent sur un logiciel spécifiquement conçu pour développer la réactivité et la rapidité ; le cliquetis de leur souris retentit dans la salle, tandis qu’ils cliquent le plus vite possible sur des séries de chiffres et de cercles.

Réflexes, concentration, mais aussi intelligence du jeu sont indispensables pour progresser. Comme un musicien doit savoir lire sa partition, les joueurs apprennent les règles et l’univers de leur jeu. "Sur 'Valorant', mieux on connaîtra la carte et notre personnage, plus on sera fort", explique Lucas.

Puis, comme dans tout sport, les heures d’entraînement s’imposent. Sur les 8 heures hebdomadaires de la section, les lycéens passent environ 5 heures à jouer. "Cela nous fait de grosses journées, on reste le soir au lycée, note Jules. Quand on rentre chez nous, on n’a pas forcément envie de jouer plus et on a d’autres choses à faire".

De quoi rassurer certains parents. "Les miens étaient réticents au début, mais maintenant, ils m’encouragent", assure Lucas. "Jouer trois heures chez soi sans lumière, ce n’est pas pareil que de s’entraîner ici, dans une ambiance professionnelle", renchérit Rahim.

Préparer le bac en parallèle

La section, ouverte de la 2de à la terminale, donne un cadre à ces lycéens. En parallèle, ils préparent leur bac sans dispense de cours. Jules et Benjamin sont en 1re professionnelle SN (systèmes numériques), Nikola en 1re techno STI2D (sciences et technologies et de l’industrie et du développement durable), Ayman en 2de.

"Nous sommes en discussion avec le conseil régional pour mettre en place un diplôme spécifique à la section, énonce Alain Hénin. Certains recruteurs, aujourd’hui, demandent à leurs candidats s’ils pratiquent le e-sport." "Ils pourront mettre à profit les compétences acquises ici dans une formation post-bac", complète Julien Testard, qui affirme que de nombreux métiers se sont développés autour de cette discipline, au-delà des joueurs professionnels.

Lucas en a conscience. "Si je ne peux pas devenir joueur pro, je voudrais rester dans le e-sport, en tant que coach, ou manager."

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