Décryptage

La plateforme Affelnet intègre deux lycées publics d'excellence : Henri IV et Louis-Le-Grand

Le lycée Henri IV, dans le Ve arrondissement de Paris.
Le lycée Henri IV, dans le Ve arrondissement de Paris. © Zheng Bin/XINHUA-REA
Par Séverine Maestri, publié le 26 janvier 2022
6 min

Alors que les premiers effets de la réforme d’Affelnet, entamée en 2020, se font sentir sur la mixité sociale et scolaire, une nouvelle étape vient d’être franchie avec l'intégration de deux lycées publics, Louis-Le-Grand et Henri IV, qui recrutaient jusqu’ici sur dossiers. Ils devront renforcer l’accueil d’élèves issus de collèges parfois défavorisés.

Pétitions, plaintes auprès de la CNIL, colère des parents… Le moins que l’on puisse dire c’est que le logiciel d’affectation Affelnet n’a pas fait 100% de satisfaits à la suite de la réforme décidée en 2020. Une petite bombe est venue secouer davantage ce petit écosystème, ce lundi 24 janvier 2022, lorsque l’académie de Paris a annoncé que les deux prestigieux lycées publics Henri IV et Louis-Le-Grand allaient eux aussi dès cette année rejoindre la plateforme Affelnet. Mais qu’est-ce qui inquiète ?

Renforcer la mixité sociale au sein de lycées d'excellence

Le défi est de taille pour ces deux établissements : vont-ils réussir à maintenir leurs taux de 100 % de réussite au bac si la proportion d’élèves boursiers ou issus de collèges défavorisés vient à augmenter ?

Sur les réseaux sociaux et dans la presse, les hommes et les femmes politiques, les associations de parents d’élèves et les familles crient au "nivellement par le bas". Pour certains, "les derniers bastions de l’excellence tombent", pour d'autres, ils deviennent des "supermarchés éducatifs". Les familles craignent une baisse du niveau général, le personnel éducatif s’inquiète.

La réforme de 2020 a pourtant fait augmenter la mixité sociale dans les lycées parisiens. L’académie, par l’intermédiaire de son recteur, Christophe Kerrero, s’est félicitée lors d’une conférence de presse, du bilan positif de la réforme, qui a permis de retrouver le niveau de satisfaction de 2016.

Affelnet, c'est "moins d’anxiété, plus de mixité"

"L’affectation n’est pas un concours, a martelé Christophe Kerrero lors de son point presse. Il n’y a aucune raison pour que chacun ne trouve pas sa place. Les élèves doivent réussir dans des conditions sereines."

Le recteur de la région Île-de-France a également rappelé que la proportion d’élèves de niveaux hétérogènes ou venant de collèges moins favorisés dans certains lycées prestigieux à Paris (comme les lycées Charlemagne, Voltaire ou Paul Valéry pour ne citer que quelques exemples) n’a pas terni l’excellence de ces établissements.

Pour Christophe Kerrero, l’objectif est simple : faire baisser le niveau d’anxiété des familles et favoriser la mixité sociale. Si l’admission d'un grand nombre d’élèves de collèges défavorisés n'est pas nécessairement vu d'un bon œil par la communauté éducative de ces deux lycées, elle reste souhaitable socialement pour rééquilibrer la mixité sociale.

En finir avec la ségrégation scolaire

Claire Mazeron, directrice académique des services de l'Éducation nationale chargée des lycées et de la liaison avec l'enseignement supérieur (DASEN) a quant à elle souligné que Louis-le-Grand et Henri IV étant situés dans le secteur 1, donc en plein centre de Paris, le taux de pression sur ces lycées est fort et que la mise en place de quotas pourrait être à l’étude pour l’an prochain.

Le recteur d'Île-de-France a conclu en affirmant : "Nous défendons la méritocratie républicaine, mais en élargissant les critères sociaux". Une noble ambition lorsqu’on sait que la ségrégation scolaire à Paris est cinq fois plus élevée que dans le reste de la France.

Et on peut d'ailleurs facilement concevoir que l’autocensure des élèves issus de collèges défavorisés restera importante et qu’ils ne déferleront pas pour prendre les places des élèves issus de classes plus aisées.

Henri IV et Louis-le-Grand n'ont pas attendu Affelnet pour s'engager sur la voie de l’ouverture sociale

Même si pour entrer en seconde il faut avoir plus de dix-sept de moyenne générale à Louis-le-Grand et plus de seize à Henri IV, les deux lycées sont partenaires, depuis plusieurs années, du dispositif "Cordées de la réussite" qui permet à des jeunes issus de milieux modestes (grâce à des actions de tutorat et d'accompagnement), d’intégrer des établissements prestigieux.

L’ouverture sociale fait son chemin même à Henri IV. Le lycée écrit sur son site : "La politique d’ouverture sociale mise en œuvre par le lycée a vocation à favoriser l’accès des postulants aux filières correspondantes et leur réussite ultérieure au sein de ces mêmes filières, quel que soit leur milieu socio-culturel d’origine".

Même son de cloche à Louis-Le-Grand, partenaire de dix-huit collèges situés dans les XIVe, XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements, et en Seine-Saint-Denis. Une centaine de collégiens y suit un programme de soutien pédagogique, d’ouverture culturelle, d’orientation et de motivation, qui participe à la préparation de ces élèves à l’entrée au lycée.

Affelnet, une polémique qui en rappelle d'autres

L’ébullition provoquée par cette annonce récente n’est pas sans rappeler le tollé de la disparition de l’ENA ou de l’ouverture de Sciences po aux élèves des lycées classés REP il y a une quinzaine d’années. Des ajustements seront sans doute à opérer au fil des ans.

Comme le mentionnait Christophe Kerrero à la fin de sa conférence de presse : "L’éducation prend du temps, toutes nos actions vont porter leurs fruits. Nous parions sur l’ensemble des talents. Nous parlons de l’avenir de notre pays et de la société que nous voulons construire".

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