Portrait

Comment je suis devenue évaluatrice de fragrances

Elodie, en tant qu'évaluatrice de fragrances, est peut-être à l'origine de votre futur parfum !
Elodie, en tant qu'évaluatrice de fragrances, est peut-être à l'origine de votre futur parfum ! © Photo fournie par le témoin
Par Nathalie Helal, publié le 02 mai 2019
7 min

À 26 ans, déterminée à évoluer dans un milieu qui la fait rêver depuis l’enfance, Elodie a réussi à intégrer l'une des entreprises poids lourd d’un secteur réputé difficile d’accès : la parfumerie fine. Portrait d'une professionnelle qui a eu du flair.

9h30. Elodie Cottin vient de prendre son poste, situé dans les locaux clairs et spacieux d’une entreprise mondiale de parfums. Son premier geste ? Aller voir si les parfumeurs ont réalisé de nouveaux essais depuis la veille, les sentir et les commenter. Elle a toujours à la main un stock de "touches", ces languettes de papier blanc épais, servant à vaporiser les parfums pour les tester. "Mon métier, c’est accompagner de A à Z les parfumeurs, depuis le "brief" avec le client, c’est-à-dire les consignes sur ce que doit être et représenter leur futur parfum, jusqu’à sa mise en flacon. Entre les deux, il y a à la fois un décryptage, en fonction du pays, du marché, de la cible, et des milliers d’essais, sans oublier l'attention portée aux matières premières qui composent le parfum (prix, disponibilité, toxicité, etc)", explique-t-elle.

Un goût particulier pour sentir

Sans passer ses journées en laboratoire, Elodie consacre une partie de son temps à vérifier les échantillons fournis. Plus glamour que les tubes à essais et éprouvettes côtoyés durant ses quatre années à la fac de physique-chimie de Versailles (78).
Dès le collège, où elle est une élève moyenne, se révèle son intérêt pour les sciences, en particulier, la chimie et les SVT (sciences de la vie et de la Terre). "Je vivais avec mes parents et mes sœurs dans une maison entourée d’un grand jardin jouxtant des bois, dans le Loir-et-Cher (41). Il y avait beaucoup de fleurs, des arbres fruitiers. J’aimais bien jardiner, mais plus que tout, sentir ! Par exemple, je mettais les pétales des fleurs dans de l’eau, pour voir ce que cela allait donner", se souvient-elle. Intriguée par les gestes de sa fille, la mère d’Elodie se renseigne et découvre l’ISIPCA (École de parfum, cosmétique et aromatique alimentaire).

L'ISIPCA, l'école rêvée en ligne de mire

Dès la fin de sa 3e, Elodie se rend aux portes ouvertes. Le coup de foudre est total et sa décision prise : ce sera l’ISIPCA ou rien ! Le sésame pour accéder à cette école de troisième cycle est une licence de physique-chimie. Prête à tous les sacrifices, Elodie travaille dur pour intégrer une première, puis une terminale S au lycée Émile-Zola de Châteaudun (28). En 2010, son bac en poche, elle s’inscrit à la faculté de Versailles et loue un studio en centre-ville avec le soutien de ses parents. "En retournant à deux reprises aux portes ouvertes de l’ISIPCA, j’avais entendu que des profs du jury de l’école y enseignaient aussi", détaille-t-elle. Chimie organique, électro-chimie, physique quantique, options diverses telle qu’histoire de l’art… Le programme est varié.

En juin 2013, juste avant d’obtenir sa licence, elle passe le concours si convoité, qui ne retiendra que 15 personnes pour son département parfums. Et c’est… le drame. "J’ai réussi l’écrit, basé sur des questions de culture générale concernant le parfum et d’autres sur la chimie, plus des plantes à identifier sur des photos et quelques mouillettes parfumées à décrypter. Mais, j'ai échoué à l’oral, sans vraiment comprendre. Trop nerveuse, peut-être", se souvient Elodie.

Après un été enfermée dans sa chambre à ruminer, elle décide de décrocher un master 1 de chimie à Versailles pour retenter l’ISIPCA l’année suivante. Durant trois mois, elle est en stage à l’université de Nice-Sophia Antipolis et y étudie les molécules odorantes composant le bois de vétiver pour le compte d’une future doctorante. Elle découvre à cette occasion sa passion pour les matières premières naturelles et retourne passer le fameux concours, doublement motivée. Admise, elle débute un master de deux ans, tout en alternance.

Un CDI à portée de main ?

Grâce à des contacts avec la SFP (Société française des parfumeurs), partenaire de l’école, l'étudiante envoie un maximum de CV et décroche un stage rémunéré de deux mois chez Symrise, une entreprise allemande, au quatrième rang mondial du secteur. L’année suivante, elle y est encore. Son contrat d’apprentie prend fin en même temps qu’elle est diplômée. Elle postule un peu partout comme évaluatrice, mais les places sont chères...

Coup de chance en octobre 2016, Symrise New York l’embauche en CDD (contrat à durée déterminée) de six mois. En coloc' à Harlem, Elodie s’éclate dans le studio parfums, aux côtés d’une équipe jeune et dynamique. À son retour, elle devra patienter six mois avant de retrouver un travail. Une nouvelle fois, Symrise lui tend les bras, à Clichy (92) cette fois, pour remplacer un congé maternité. Elle n’en a plus bougé depuis, bien qu’elle soit désormais en attente d’un CDI (contrat à durée indéterminée). Passionnée par son métier et son environnement, elle concède l’importance de savoir rester dans l’ombre. "Peu importe qu'on gagne un brief [une compétition avec d’autres entreprises de parfum sur un budget client] et qu’on a travaillé à quatre mains durant des mois ou des années avec le parfumeur : c’est lui qui sera sur le devant de la scène. Il faut l’accepter. Humilité, curiosité et rigueur sont les maîtres-mots du métier."

Elodie Cottin en 6 dates

24 décembre 1992 : naissance à Vendôme (41)
Juillet 2010 : bac S
Juin 2013 : obtient sa licence de chimie à l’université de Versailles-Saint-Quentin
Septembre 2014 : intègre l’ISIPCA à Versailles
Octobre 2016 : en CDD à Symrise New York
Septembre 2017 : évaluatrice de parfums en CDD à Symrise Clichy-la-Garenne
Comment devenir évaluatrice de fragrances ?

Deux écoles reconnues dispensent une excellente formation : l’ISIPCA à Versailles, qui propose entre autres une licence professionnelle en sciences et technologies avec trois spécialités au choix (parfumerie, cosmétique ou arômes alimentaires) et un master en sciences et technologies option parfumerie, cosmétique ou arômes alimentaires : l’École supérieure du parfum à Paris (en quatre ans entrecoupés de deux périodes de stages).
Autres formations possibles, à la faculté : l’université du Havre propose un master chimie-arômes, parfums et cosmétiques, et celle de Montpellier une licence professionnelle parfums, arômes et cosmétiques ainsi qu’un master ingénierie des cosmétiques arômes et parfums.
Salaire pour un junior : entre 38.000 et 42.000 € brut annuels ; pour un sénior : entre 50.000 et 60.000 € brut annuels.

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