Témoignage

Les 20 ans de Mounir Majoubi : "Le numérique a toujours été très présent dans ma vie"

Mounir Mahjoubi est secrétaire d'État chargé du Numérique depuis mai 2017.
Mounir Mahjoubi est secrétaire d'État chargé du Numérique depuis mai 2017. © Audoin Desforges pour l'Etudiant
Par Céline Authemayou, publié le 14 septembre 2018
9 min

Salarié et délégué syndical à l’âge de 16 ans, entrepreneur à succès, militant politique, aujourd’hui secrétaire d’État chargé du Numérique… 
À 34 ans, Mounir Mahjoubi a déjà vécu plusieurs vies. Avec un fil conducteur : sa passion pour le numérique.

Vous avez grandi et étudié à Paris. Quels souvenirs gardez-vous plus particulièrement de vos années lycée ?

Ayant été exclu de mon lycée, j’en garde un souvenir plutôt mitigé ! Plus sérieusement, j’ai toujours adoré aller au collège et au lycée, mais je n’étais pas un bon élève car je n’étais pas très assidu. J’ai commencé à travailler jeune, dès l’âge de 16 ans.

Du lundi au vendredi, j’allais au lycée et, le samedi et le dimanche, je changeais de casquette pour travailler chez Club Internet comme technicien réseau. Ce ne sont pas les meilleures conditions pour aborder sereinement ses années lycée.

Vous dites que vous avez été exclu de votre lycée. Pour quelles raisons ?

En première, j’ai eu envie de partir à l’étranger… Ce que j’ai fait ! J’ai vécu cinq semaines au Japon, un séjour financé grâce à mon emploi. C’était un moment de ma vie un peu plus compliqué qu’un autre; j’avais besoin de m’isoler… Lorsque je suis revenu au lycée, on m’a fait comprendre que ce genre de choses ne se faisait pas et j'ai été exclu.

À 16 ans, le lycéen Mounir Mahjoubi travaille le week-end en tant que technicien réseau chez Club Internet.
À 16 ans, le lycéen Mounir Mahjoubi travaille le week-end en tant que technicien réseau chez Club Internet. © Photo fournie par le témoin

C’est une décision que j’ai très bien comprise ! J’ai donc dû changer d’établissement et me suis retrouvé dans un établissement du 12e arrondissement de Paris, Paul-Valéry, qui a été détruit depuis. J’y ai décroché mon baccalauréat scientifique, avec une moyenne de 10.

J’avais tout misé sur les options pour me sauver : théâtre, arts plastiques… Mon 19 en TPE (travaux pratiques encadrés) m’a sans doute aidé à obtenir mon diplôme. J’avais choisi pour thématique le numérique, qui était déjà très présent dans ma vie…

Comment avez-vous attrapé le virus des sciences et de l’informatique ?

Enfant, j’ai toujours été passionné de mathématiques. J’ai participé à de multiples olympiades, au Kangourou des mathématiques [un jeu-concours proposé dans les établissements scolaires] et je programmais à la maison.
Je crois que le premier ordinateur que j’ai pu utiliser était l’un de ceux de mon école primaire, qui disposait d’une salle informatique complète.

En CM1, j’avais décroché une autorisation spéciale de mon instituteur : je pouvais quitter les cours de mathématiques, où j’étais en avance sur les autres, pour programmer. Je faisais donc quelques heures de programmation par semaine.

À 13 ans, vous remportez même un concours national organisé par "Science & Vie Junior", avec une sombre histoire de… camembert ?

Une règle à camembert et non un camembert ! Je voulais résoudre un vrai problème : en cinquième, les enseignants nous demandent de faire des diagrammes circulaires. Je voulais pouvoir les tracer plus rapidement.

J’ai donc inventé un "traceur de diagrammes circulaires et mesureur d’angles express". Le titre n’était pas très vendeur ! Mais depuis, les outils informatiques de bureautique ont résolu cette question.

Au vu de vos centres d’intérêt, le choix de la filière scientifique a donc été assez naturel ?

En effet, ce choix d’orientation paraissait complètement cohérent avec mon goût pour les sciences et pour le numérique.

Vous obtenez donc votre bac sur le fil. Que faites-vous ensuite ?

Je décide de rejoindre l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, pour y suivre des études de droit. J’ai choisi cette filière. Cela faisait deux ans que je travaillais, et que j’étais engagé en tant que délégué du personnel pour défendre mes collègues. J’avais besoin de mieux comprendre tous les enjeux.

En 2016, dans le gouvernement Valls, Axelle Lemaire, secrétaire d’État au Numérique, Mounir Mahjoubi, alors président du Conseil national du numérique, et Emmanuel Macron, ministre de l’Économie.
En 2016, dans le gouvernement Valls, Axelle Lemaire, secrétaire d’État au Numérique, Mounir Mahjoubi, alors président du Conseil national du numérique, et Emmanuel Macron, ministre de l’Économie. © WITT/SIPAA

Pour moi, maîtriser le droit permettait de rendre justice aux plus faibles, de rétablir la justice. Dès la première année de licence, j’ai adoré les cours. J’ai poursuivi ainsi jusqu’au master 1 droit des affaires, avant de tenter le concours de Sciences po et de rejoindre l’institution pour mon master 2 finances et stratégie.

Avez-vous choisi Sciences po pour le prestige de l’institution ou pour la "coloration" du master ?

Bien évidemment, Sciences po est une excellente école et cela a compté dans mon choix. Mais le master m’intéressait également. Chez Club Internet, j’avais acquis des responsabilités, en devenant membre du comité d’entreprise de Deutsche Telekom, qui venait de racheter la société.

Alors que je représentais mes collègues, je me rendais bien compte que je ne comprenais pas tout des échanges. Une formation profonde sur le monde des entreprises m’était nécessaire. D’où le choix de ce master.

Quand vous racontez votre parcours, vous donnez l’impression de quelqu’un qui sait où il va, dont les choix d’engagement sont intervenus très tôt. Était-ce le cas ?

Sur le papier, tout cela paraît assez linéaire, mais ce n’était pas si simple. Je me suis fait virer du lycée, j’ai choisi le droit sans savoir si cela me plairait… Si vous n’êtes pas issu d’une famille de juristes ou d’avocats, vous vous lancez en L1 de droit soit par conviction, soit parce que vous avez la chance d’avoir été sensibilisé par un enseignant au sujet. Cette situation explique malheureusement le peu de mixité et de diversité des filières de droit. En quatrième année, il n’y a plus aucune diversité sociale. La sélection par les notes et par l’échec est assez violente.

Très tôt, vous vous êtes engagé : dans votre emploi, en qualité de délégué syndical, à l’université, où vous avez rejoint l’UNEF [Union nationale des étudiants de France]… Que vous ont apporté ces expériences ?

Mes deux premières années chez Club Internet étaient très particulières. En 1999, notre centre d’appels comptait encore une zone fumeur, ce qui, aujourd’hui, semble complètement délirant. Des standardistes prenaient les appels et nous transmettaient les demandes, nous passions avec les clients plus d’une heure au téléphone jusqu’à ce que leur problème soit résolu.

Après le rachat par Deutsche Telekom, les conditions ont radicalement changé. Nous avons vu apparaître un tableau d’honneur des téléconseillers les plus performants, le décrochage automatique des appels, la disparition des standardistes… Ce fut pour moi une prise de conscience, où je me suis dit : "Ils ont mis tout cela en place sans nous consulter." Je ne comprenais pas que cela soit possible. D’où mon engagement.

Votre engagement à l’UNEF revêt-il une réalité quelque peu différente ?

Tout à fait. À l’université, l’idée était de se faire entendre. À Paris 1 spécifiquement, notre objectif était d’améliorer la réussite des étudiants issus des classes populaires. Les études de droit, comme d’autres, nécessitent beaucoup d’inves­tissements en termes d’achat de livres… Je m’occupais de l’achat en gros de certains ouvrages, du traitement social des situations particulières. Je m’étais vraiment investi pour faire avancer ces dossiers spécifiques.

Si vous deviez changer des éléments de votre parcours, que feriez-vous différemment ?

Rien du tout. Je pense qu’il ne faut pas regretter les choix quand ils n’ont pas été contraints. À chaque étape de mon parcours, j’ai rencontré des personnes incroyables qui m’ont ouvert des portes, j’ai découvert de nouvelles méthodes de travail, de collaboration. Rien n’est jamais tracé, on devient ce que l’on fait, je ne regrette rien.

Biographie express

1984 : naissance à Paris (75).
1997 : remporte le concours des Jeunes inventeurs de "Science & Vie Junior".
2000 : entre chez Club Internet en tant que technicien réseau.
2006 : obtient un master 1 droit des affaires, à l’université Paris 1-Panthéon-Sorbonne.
2007 : obtient un master 2 finances et stratégie, à Sciences po.
2010 : cofonde la start-up La ruche qui dit oui.
2014 : devient directeur général adjoint de l’agence BETC Digital.
2016 : est nommé président du Conseil national du numérique par François Hollande.
2017 : est nommé secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé du Numérique.

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