Portrait

Maxime, 28 ans : "Comment je suis devenu peintre muraliste"

Comment je suis devenu - Maxime - Peintre muraliste - 420 - PAYANT
Maxime réalise sa passion du graff. Depuis l’adolescence, il peint des fresques murales ; aujourd’hui, il en a fait son métier. © Olivier GUERRIN pour L'Étudiant
Par Martin Rhodes, publié le 13 novembre 2017
10 min

Il travaille entre ciel et terre. Perché sur un échafaudage, Maxime peint d’immenses fresques pour égayer des bâtiments austères. Le jeune homme de 28 ans n’a pas le bac, ce qui ne l’a pas empêché de faire huit ans d’études.

Il faut l’imaginer, attaché par un harnais à un échafaudage à plusieurs dizaines de mètres de haut, peignant avec passion sur l’immense façade d’un hôtel de Villeurbanne (69). Il faut le voir siffloter, saluer les habitants accoudés aux fenêtres des tours voisines et donner de grands coups de pinceau. Vu depuis la terre ferme, Maxime n’est pas plus gros qu’un oisillon sur sa branche.

Le jeune homme de 28 ans est à la fois peintre de salon et peintre de l’extrême. Il réalise des fresques de différentes tailles, en intérieur ou en extérieur, pour des particuliers, des entreprises ou des collectivités locales. Il peut être amené à décorer une chambre d’enfant, une gare SNCF, un mur de gymnase ou encore une devanture de magasin. Maxime a une "énorme préférence" pour les très grandes surfaces et collabore régulièrement avec CitéCréation, une entreprise lyonnaise qui se présente comme le "leader mondial du design mural monumental".

"J’ai proposé à mon client un mur végétal en peinture"

L’hôtel des Congrès de Villeurbanne est le plus gros projet qui lui a été confié : 30 mètres de haut sur 6 mètres de large. "Au départ, le directeur de l’établissement voulait installer des rails et de véritables plantes vertes sur toute la façade", raconte-t-il. Le projet se révèle beaucoup trop coûteux en entretien. Qu’à cela ne tienne ! "J’ai proposé à mon client un mur végétal en peinture", poursuit Maxime. Il devient le directeur artistique du projet et choisit deux collaborateurs, deux jeunes peintres muralistes, diplômés comme lui d’ÉCohlCité à Lyon. Le directeur le reçoit. Il souhaite décorer toute une façade grisâtre et sans fenêtre de son hôtel trois étoiles. Maxime ne quitte pas son calepin. Il note les attentes, les contraintes financières et techniques, l’accès au chantier, etc. Bref, "ce qui est réalisable ou non."

Une dizaine de jours plus tard, le jeune artisan – certains préfèrent parler d’artiste – repasse la porte de l’hôtel avec trois propositions visuelles "plus ou moins pétantes". Pour les réaliser, Maxime a photographié la façade de l’hôtel, dessiné des centaines de feuilles vertes et fait fusionner les deux images grâce au logiciel Photoshop. Le directeur découvre alors trois photos réalistes de son hôtel tel qu’il sera une fois fini : recouvert de la végétation locale, avec quatre nuances de vert, un peu de rouge et quelques ombres. Ils s’entendent ensuite sur le planning (un mois de travail à trois), le devis ("plusieurs milliers d’euros") : le chantier peut enfin commencer.

"Cette immense œuvre est partie d’un petit dessin de rien du tout"

L’ensemble de la fresque est divisé puis projeté sur de grands papiers calques numérotés d’environ 2 mètres sur 1,50 mètre. À l’aide d’un outil denté "semblable à une roulette à pizza", Maxime perce chaque calque en suivant les contours du dessin projeté. Ce puzzle géant composé d’une quarantaine de pièces est scotché sur la façade de l’hôtel. Maxime se sert ensuite d’un chiffon et d’un pigment en poudre – puis d’un pinceau et d’un peu de peinture – pour faire apparaître des milliers de petites marques sur le mur. Petit à petit, ce travail de fourmi fait apparaître une immense esquisse.

Les trois peintres muralistes ornent différentes parties de la fresque "pour mélanger les styles de chacun et ainsi obtenir un résultat homogène". Maxime utilise de la peinture acrylique résistante à l’eau, des rouleaux pour les sous-couches et des pinceaux plus petits pour les finitions.

Après un mois de réalisation, l’entreprise d’échafaudage démonte son ouvrage et le rideau enfin se lève. Maxime et ses collègues peuvent contempler leur décoration en compagnie des habitants du quartier. "On se rappelle alors que cette immense œuvre est partie d’un petit dessin de rien du tout, explique-t-il. On pense surtout aux habitants, pour qui on a changé le béton en végétation."

"J’ai rencontré un animateur dans une MJC qui m’a pris sous son aile"

Sa passion pour la peinture murale remonte à ses années de collège. Maxime a alors 14 ans. Ses parents viennent de divorcer et il se retrouve loin de ses amis dans un quartier de Lyon qu’il ne connaît pas. "J’ai rencontré un animateur dans une MJC [maison des jeunes et de la culture] qui m’a pris sous son aile", confie-t-il. Ensemble, ils réalisent des fresques pour des commerçants, des collectivités locales, des centres sociaux et des associations. Un nouvel ami et une nouvelle passion : Maxime refait peu à peu surface.

Il n’a pas le bac, mais a fait huit ans d’études, autant qu’un doctorant.

Après un BEP (brevet d’études professionnelles) techniques de l’architecture et de l’habitat, Maxime décide de ne pas poursuivre en bac professionnel et opte pour un CAP (certificat d’aptitude professionnelle) de peintre applicateur de revêtements. Pendant deux ans, il apprend à enduire, traiter et peindre un mur. Surtout, il découvre – grâce à l’alternance – les responsabilités d’un chef d’entreprise, la relation avec le client, les joies du travail bien fait et des premiers salaires.

"J’ai rejoint les Compagnons du devoir mais ce n’était pas ‘mon truc’"

"Je ne voulais pas en rester là, alors j’ai rejoint les Compagnons du devoir", poursuit simplement Maxime. Après une première année "magnifique", il intègre le centre de formation de Grenoble (38) pour le fameux tour de France. "Les apprentis sont ensemble vingt-quatre heures sur vingt-quatre J’ai vite compris que ce n’était pas ‘mon truc’", reconnaît-il.

Maxime quitte la formation et décide de retourner vivre à Lyon. L’idée d’entrer dans une école d’art lui effleure l’esprit, mais il se ravise : les écoles publiques sont fermées aux non-bacheliers, et les privées "trop chères pour moi". Qu’importe, il se formera à la décoration murale avec David, l’ami animateur.

Un jour, la mère de Maxime se présente au travail de son fils. Le jeune homme a accepté un petit boulot de gardien de gymnase pour pouvoir graffer, peindre et étoffer son book l’après-midi. Elle vient lui apporter la brochure d’ÉCohlCité, une école privée d’art mural qui ouvrira ses portes à la rentrée suivante. La formation n’est pas donnée, plus de 7.000 € l’année, mais une fondation a été créée pour soutenir les jeunes les moins favorisés.

"J’étais terrorisé à l’idée de ne pas pouvoir payer mes études"

Maxime intègre la toute première promotion d’ÉCohlCité à 21 ans. "Les premiers jours, je me rendais à l’école avec la boule au ventre. J’étais terrorisé à l’idée de ne pas pouvoir payer les trois années d’études", raconte-t-il. La bonne nouvelle ne tarde pas à tomber : ses frais de scolarité sont entièrement pris en charge par la fondation de l’établissement et le mécénat d’une banque.

En cours, Maxime se sent comme un poisson dans l’eau. Il apprend à dessiner des objets et des modèles vivants, il se forme à la perspective et à l’anatomie humaine. Il passe des journées entières à peindre, seul ou en groupe, d’immenses toiles de 10 mètres de haut. "La fresque surfe sur la mode du street art et les débouchés ne manquent pas", tient-il à préciser. Le jeune homme obtient son diplôme et réalise plusieurs décorations pour des particuliers ou des collectivités locales. Il se fait la main, jusqu’à ce que le directeur de l’entreprise CitéCréation le contacte pour lui proposer un "gros projet" : une fresque monumentale sur un hôtel de Villeurbanne.

Comment devenir peintre muraliste

ÉCohlCité est le seul établissement français entièrement dédié à la peinture murale. Cette association à but non lucratif, proche de l’école de dessin Émile-Cohl et de l’entreprise CitéCréation, dispense un cursus postbac en trois ans sanctionné par un certificat de plasticien muraliste. Les étudiants sont issus de cette école, d’un CAP ou d’une école d’art. Certains sont autodidactes. Le parcours scolaire compte moins que les compétences techniques et humaines. "Il faut être à l’écoute, avoir un bon coup de pinceau, mais pas le vertige", résume Maxime.

Le parcours de Maxime en six dates

2004 : Découvre le graff dans une MJC.
2006 : Diplômé d’un BEP techniques de l’architecture et de l’habitat.
2008 : Obtient un CAP de peintre applicateur de revêtements.
2010 : Quitte les Compagnons du devoir, après une année "magnifique".
2015 : Réalise son premier projet, après trois ans de formation en art mural à l’ÉCohlCité.
2016 : Exécute sa plus grande fresque sur un hôtel de Villeurbanne.

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