Mémoire : le témoignage d’Anne-Sophie, qui marie terrain et théorie
Avant de décrocher son diplôme d’état d’assistante sociale (niveau bac+2), Anne-Sophie a dû rédiger un « mémoire professionnel » d’une cinquantaine de pages. Elle a choisi de le lier à un stage pratique qui l’avait passionnée. Myriam Greuter relate son expérience dans Bien rédiger son mémoire ou son rapport de stage, publié aux éditions l’Etudiant. Extraits.
L'avantage de lier pratique et théorie ? « L'écriture est plus facile : on a envie que les autres s'intéressent eux aussi au sujet », raconte cette étudiante de 25 ans, issue de l'école d'infirmières et d'assistantes sociales Rockfeller de Lyon.
Mais comment parvenir à lier théorie et pratique, et à prendre un recul suffisant par rapport à l'expérience vécue ?
Un triple manque de distance
Rapports de recherche et mémoires de terrain ont une difficulté en commun : ils exigent de se détacher en partie de l'expérimentation pour la confronter à des sources bibliographiques et tenter d'en tirer des conclusions plus générales. « Pas simple, dit Anne-Sophie, quand l'affectif et le manque de temps s'en mêlent. »
« Rien ne m'obligeait à partir de mon stage pratique pour faire mon mémoire, raconte l'étudiante. C'est un choix de ma part. Il faut dire que la question des gens du voyage m'intéresse : durant mon enfance, j'avais été au contact de ces populations, et mon stage de deuxième année m'avait permis de rencontrer d'autres Roms. C'est là que mon sujet a émergé : "Pourquoi le travail social avec les gens du voyage nécessiterait-il un accompagnement spécifique ?" Logiquement, j'ai choisi de faire mon stage de troisième année au service social d'une association située dans la Loire qui s'occupe de gens du voyage. »
« L'association, explique Anne-Sophie, s'occupait des demandes de RMI (remplacé aujourd'hui par le RSA, revenu de solidarité active), de l'aide à la compréhension des droits, ou encore d'enseignement grâce à un camion-école. C'était trop bien de travailler là-bas. Quand on fait son stage, on a envie d'être dans l'action ; en troisième année, c'est encore plus fort : on veut montrer et se montrer qu'on est compétent. On s'investit donc à fond sur le terrain, en se disant qu'on aura tout le temps pour la réflexion une fois de retour à l'école.
Deuxième élément qui m'a sans doute enlevé du recul : pour mon mémoire, je me suis basée uniquement sur cette association. Une autre structure, par exemple située en ville, m'aurait sans doute fait voir des contraintes et des pratiques différentes. »
« Prendre du recul nécessite aussi d'avoir du temps pour "digérer" l'expérience vécue. Or le calendrier était serré : notre stage durait de septembre à fin janvier. Ensuite, retour à l'école avec des cours tous les jours. Et nous devions rendre notre mémoire de 50 pages fin mars ! La soutenance, quant à elle, a eu lieu début juin. Toutes les élèves se sont plaintes du manque de temps. »
Prendre un petit break entre la fin du stage et le redémarrage des cours semble une bonne idée pour laisser décanter les sensations, et faire une place à la réflexion. Encore faut-il que le calendrier permette quelques jours de vacances !
Trois façons de prendre de la hauteur
« Même aujourd'hui, je ne suis pas certaine d'avoir du recul par rapport à ce que j'ai vécu et ressenti sur le terrain », avoue Anne-Sophie. Elle a pourtant réussi à écrire un véritable rapport de recherche, et non un simple compte-rendu de stage ! Elle nous livre ici ses meilleurs conseils. Le maître mot ? Sans doute l'ouverture d'esprit.
Multipliez les lectures théoriques
« Ce qui m'a beaucoup aidée, raconte l'étudiante, c'est la pré-enquête que nous devions réaliser durant l'été, avant de partir en stage. Afin de vérifier que le sujet choisi était pertinent, il fallait parcourir des ouvrages, réunir des constats de terrain, élaborer une problématique. J'ai ainsi pu débuter mon stage en ayant déjà un bagage théorique.
J'ai continué à lire ensuite, sur l'accompagnement social en général, sur les gens du voyage, mais aussi sur d'autres populations dont on peut les rapprocher : bien utile pour confirmer des intuitions de terrain, ou, au contraire, se rappeler qu'il existe des contre-exemples à ce qu'on a vécu ! Alors que certains élèves consacrent une partie de leur mémoire à la théorie, et une autre à la pratique, j'ai choisi de confronter les deux tout du long. Je voulais que chaque texte cité soit suivi d'une notation de terrain, et vice-versa.
Après avoir évoqué les préjugés envers les gens du voyage, qui m'avaient frappée durant mon stage, j'ai par exemple convoqué le sociologue américain Erving Goffman, qui a étudié les usages sociaux du handicap. Ce va-et-vient entre la pratique et la théorie me semblait plus pertinent, moins lourd, et il m'obligeait à prendre de la hauteur par rapport à l'expérience que j'avais vécue en stage. »
Demandez conseil aux enseignants
« Nos formateurs nous ont beaucoup aidées, note Anne-Sophie. À la rentrée, nous leur avons annoncé nos projets de recherche ; ils nous ont alors indiqué des lectures. Ensuite, par mail, en tête-à-tête, en petits groupes ou bien en classe entière, nous les avons tenus au courant de nos observations de terrain. Je suis allée les voir pour leur demander des conseils ou des titres d'ouvrages intéressants.
Pendant mon stage, j'avais par exemple noté que les gens du voyage tenaient à connaître mon prénom, à savoir à qui ils avaient affaire. Un enseignant m'a recommandé des lectures ; elles m'ont fait découvrir l'importance de l'oralité dans la culture de ces populations. Les livres le confirmaient : les gens du voyage avaient en fait besoin de confiance et d'une relation personnelle avant de travailler avec les gens de l'association. »
Ouvrez-vous à d'autres points de vue
Dernier conseil d'Anne-Sophie : « Je suggère vivement aux étudiants de parler de leur sujet autour d'eux, et de rester ouverts aux points de vue extérieurs – même d'un autre domaine. J'ai ainsi eu des discussions fructueuses avec des assistantes sociales qui ne travaillaient pas avec des gens du voyage.
Mon copain, qui est assistant juridique, m'a apporté de nouveaux éclairages sur le droit applicable à ces populations. Je me souviens aussi d'une accompagnatrice de sourds-muets, venue à l'école nous parler de son métier : son intervention m'a fait réfléchir sur l'importance de la médiation – une des idées clés de mon mémoire. J'ai même parlé de mon sujet avec mes copines de volley !
Enfin, j'ai peaufiné mon texte grâce aux relectures de mon frère, de mes amis et de mes camarades de promo. Il ne faut pas hésiter à aller voir le plus de personnes possible : elles vous fourniront certainement des chemins de compréhension différents. »
À lire, aux éditions de l'Etudiant
Bien rédiger son mémoire ou son rapport de stage, de Myriam Greuter
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