Décryptage

"Le rythme est très lourd" : pourquoi le master MEEF n'attire plus ?

La crise du recrutement dans l'enseignement est en partie lié à la formation pour le métier.
La crise du recrutement dans l'enseignement est en partie lié à la formation pour le métier. © Stephane AUDRAS/REA
Par Amélie Petitdemange, publié le 04 mars 2024
6 min

Déjà réformée en 2021, la formation des enseignants devrait à nouveau faire peau neuve à la rentrée 2025. Les étudiants sont de moins en moins nombreux à s'inscrire en MEEF (master de l'enseignement, de l'éducation et de la formation). Comment expliquer cette crise ? Deux étudiantes témoignent.

Les effectifs en MEEF (master de l'enseignement, de l'éducation et de la formation) ont baissé de près de 17% entre 2021 et 2022, selon des chiffres du ministère de l'Enseignement supérieur. 

Parmi les causes de cette désaffection : un manque de lisibilité de la formation et une deuxième année surchargée entre professionnalisation et préparation des concours enseignants organisés en cours d'année.

Une licence décorrélée du master

Le manque de cohérence du parcours des futurs enseignants est pointé du doigt. Les étudiants doivent en effet passer par une licence thématique pour ensuite se diriger vers le master MEEF et être formés à l'enseignement.

Melinda, étudiante en master MEEF, regrette cette décorrélation entre licence et master MEEF. Après une licence de maths, la jeune femme a intégré l'Inspé de Bourgogne pour réaliser son master. "Nous sommes trop peu préparés en amont de l'Inspé. La licence nous forme à être mathématicien, pas professeur de maths", pointe l'étudiante.

Néanmoins, l'étudiante a pu suivre une option enseignement lors de sa licence, et surtout, un parcours de préprofessionnalisation, qui lui a permis de réaliser des missions en classe afin de découvrir le métier de professeur. "Sans ce dispositif, j'aurais peut-être abandonné ma licence de maths, je commençais à me demander ce que je faisais là", témoigne-t-elle.

Cependant, la préprofessionnalisation est pour l'instant réservée à certaines disciplines, tous les étudiants ne peuvent donc y prétendre.

La pratique, élément clé du MEEF

Or pour devenir professeur, il est essentiel d'être confronté à la réalité du terrain. Une mission accomplie une fois le MEEF intégré, selon Melinda. La majorité des cours magistraux sont en effet dispensés par des professionnels : professeurs, CPE, professeurs principaux, psychologues de l'éducation nationale, etc.

L'étudiante note tout de même un manque de cohérence entre la théorie et la pratique. "Parfois, des professeurs nous donnent des conseils et des consignes qui sont peu applicables au terrain. C’est dur d’appliquer la théorie, quand en pratique on a des classes chargées et des élèves aux besoins particuliers", explique-t-elle.  

"La préparation au terrain est optimale", ajoute Alice, également étudiante en MEEF. Les étudiants réalisent deux stages en première année de master MEEF : deux semaines en observation, puis un mois en pratique. Alice a effectué un stage dans un lycée français à Casablanca, au Maroc. "J'ai découvert d'autres enjeux de l'éducation et de l'enseignement. Cette expérience m'a d'autant plus donné envie de poursuivre ma route vers le métier d'enseignant", raconte l'étudiante.

En master 2, deux possibilités s'offrent aux étudiants. Soit réaliser l'année en alternance en responsabilité dans une classe (dans la limite du nombre contrats proposés), soit réaliser des stages d'observation et de pratique. Mais la professionnalisation doit se faire en parallèle de la préparation aux concours d'enseignants.

Une deuxième année de master trop chargée

Aussi, les étudiants pointent des emplois du temps très chargés en deuxième année de master MEEF. Depuis 2021, les étudiants passent le concours pour être professeur à la fin du master 2, plutôt qu'à la fin du master 1. Cependant, les maquettes de cours n'ont pas été suffisamment adaptées.

En deuxième année, les étudiants sont face à une accumulation de missions difficiles à concilier. "On arrive en M2 avec un stage en responsabilité de deux jours par semaine. Or quand on débute, la préparation des cours et la correction des copies prennent du temps. Et ensuite, on doit rendre un mémoire fin février et passer le concours en mars", témoigne Alice.

Même constat pour Mélinda qui trouve le rythme "très, très lourd" : "Je fais mon stage en responsabilité les lundi et vendredi, seule devant une classe. Je suis la prof d'élèves de 6e et de 5e dont je dois préparer les cours, corriger les copies, rédiger les bulletins, sans compter les conseils de classe et les rendez-vous avec les parents !" A cela s'ajoute la préparation du concours qui demande du temps et de l'investissement.

Une nouvelle réforme de la formation des enseignants ?

Face à cette réalité, la formation des enseignants devrait de nouveau être réformée pour la rentrée 2025. Elle prendrait la forme d'un parcours post-bac de cinq ans, avec une grande place laissée à la pratique pendant le master.

Cette continuité entre les cinq années pourrait en effet améliorer la lisibilité et la cohérence de la formation des futurs professeurs. Elle permettrait aussi d'intégrer la préprofessionnalisation dans le cursus et ce afin d'immerger progressivement les étudiants dans la réalité du métier.

Le concours, actuellement placé en deuxième année de master, serait avancé en fin de licence 3. Le passage du concours à la fin de la licence pourrait régler ce problème de la surcharge de travail en deuxième année de master MEEF.

Cependant, l'accumulation des réformes pour cette formation est aussi pointée du doigt. "Entre les multiples réformes et les changements de ministres de l'éducation, ça peut être décourageant pour un étudiant d'entrer dans ce master", affirme Alice.

Un métier mal considéré

La dévalorisation du métier d'enseignant joue aussi un rôle dans la désaffection du MEEF. "Il y a un manque de considération, notamment de l'opinion publique. Si c'est un métier facile avec plein de vacances, il faut m'expliquer pourquoi si peu de personnes veulent devenir professeur ! En réalité, c’est une grosse charge de travail, des classes de plus en plus chargées et des attentes de plus en plus élevées", souligne Melinda. Pour elle, "être prof, c’est un métier magnifique mais qui manque de reconnaissance".

Vous aimerez aussi

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !