Décryptage

Après une licence, le droit à la poursuite d’études en master n’est pas automatique

En 2023, sur les 4.802 saisines recevables, 2.405 candidats ont eu au moins une proposition.
En 2023, sur les 4.802 saisines recevables, 2.405 candidats ont eu au moins une proposition. © Zoran Zeremski / Adobe Stock
Par Isabelle Fagotat, publié le 04 avril 2024
6 min

Les étudiants qui ont obtenu leur diplôme de licence ont légalement le droit de poursuivre leurs études en master. Cependant l'entrée en master étant sélective, les universités ne sont pas dans l'obligation de les accueillir. Tout dépend du niveau des étudiants et des places disponibles dans les formations.

Théoriquement, les étudiants titulaires d'une licence bénéficient d'un droit de poursuivre leurs études en master. Dans les faits, tous les diplômés de licence ne trouvent pas de place en master et ce même après avoir saisi le recteur.

La saisine du recteur ne fonctionne pas toujours

Les étudiants qui n'ont pas obtenu de proposition de master peuvent effectivement de saisir le rectorat. "Un recours est possible si le candidat s’est vu refuser au moins cinq masters dans au moins deux mentions et deux établissements différents", rappelle Danielle Troutaud, vice-présidente de la commission formation et vie universitaire à l’université de Limoges (87).

Dans les régions comptant une seule université, comme la Corse ou la Guadeloupe, un étudiant peut exercer un recours auprès du recteur au bout de deux candidatures refusées.

Dans ce cas, le candidat doit saisir le rectorat de la région académique où il a obtenu sa licence. "Le recteur doit lui proposer au minimum trois admissions, dont une dans l’université où il a obtenu sa licence. Elles doivent être le plus cohérentes possibles avec son projet universitaire et professionnel. Mais ça, c’est la théorie. Dans la réalité, c’est plus compliqué : parfois, le rectorat n’ y arrive pas", analyse Rémy Dandan, avocat spécialisé en droit de l’éducation.

Le droit à la poursuite d'études n'est pas ouvert à tous

Attention : si vous avez obtenu un bachelor ou un BUT, vous ne pouvez pas saisir le rectorat. "Seuls les candidats titulaires d’un diplôme national de licence bénéficient d’un droit à la poursuite d’études", rappelle Anne-Sophie Barthez, directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle.

Malgré un bon dossier, pas de master à la clé ?

C'est ce qui est arrivé à Mathilde*, une de ses clientes, qui souhaite devenir psychologue pour enfants. Titulaire d’une licence de psychologie obtenue avec une moyenne de 12,5/20, Mathilde a fait en 2023 une quinzaine de vœux qui ont tous été rejetés.

"J'ai été très surprise que mon dossier ne passe pas et que je ne sois même pas sur liste d'attente malgré ma moyenne et un stage en lien avec mon projet professionnel", regrette l'étudiante, qui a décidé de se tourner vers Rémy Dandan pour l'aider mais sans succès.

Après saisine du rectorat, et plusieurs mois d'attente, elle s’est vu finalement proposer deux masters MEEF qu’elle a refusés car trop éloignés de son projet. "À la rentrée, je suis allée voir le directeur d’un master auquel j’avais postulé. Il m’a reçue en entretien. Il a reconnu que mon dossier était plutôt bon et m’a conseillé de faire un service civique et des stages puis de postuler à nouveau en 2024", témoigne-t-elle.

Des conseils qu'elle a suivis : Mathilde a effectué un stage avec une psychologue scolaire dans le cadre d’un service civique puis un autre stage avec une psychologue libérale. Cette année, elle a de nouveau émis ses vœux sur la plateforme Mon Master et espère enfin obtenir une place dans le cursus visé.

Des filières en tension avec une sélection en master drastique

Pour son avocat Rémy Dandan, si son dossier n'a pas été accepté c'est notamment à cause du manque de places en master de psychologie qui ont la particularité de former à une profession réglementée par un titre.

"Le problème c'est en effet que certains masters sont sursollicités, notamment dans le domaine de la psychologie et du droit : certaines formations reçoivent 10 à parfois 100 fois plus de candidatures qu’elles ne proposent de places disponibles", estime Rémy Dandan. Les universités se retrouvent donc dans l'impossibilité d'accueillir tous les étudiants.

Un exemple : dans la très cotée université Paris-Panthéon-Assas, seuls 40 % des étudiants ayant obtenu leur licence en droit obtiennent une place en master dans l’université.

"Le taux d’insertion est supérieur dans d’autres disciplines mais il y a des tensions assez fortes en droit : la sélection en master est donc assez drastique", reconnaît Marie-Hélène Monsèrié-Bon, vice-présidente en charge des études et de la formation de l’université.

Dans ces disciplines, la concurrence est forte. Conséquence : si les étudiants présentant les meilleurs dossiers n’ont pas de mal à être admis, c’est plus compliqué pour ceux ayant obtenu des notes plus basses.

Et les rectorats ne parviennent pas à leur proposer une solution correspondant à leur projet. En 2023, sur les 4.802 saisines recevables, 2.405 candidats ont eu au moins une proposition mais seulement 1.302 l’ont acceptée.

*Le prénom a été changé

Les recours possibles pour les étudiants sans master

En plus de la saisine du recteur, certains étudiants n’hésitent donc pas à faire appel à un avocat spécialisé pour défendre leur droit mais le coût peut représenter plusieurs milliers d’euros.

Autre option : saisir gratuitement le Défenseur des droits dont le rôle est de régler les litiges entre administrations et usagers. Mais ces procédures n’aboutissent pas forcément à des résultats. "Mes deux audiences en référé se sont soldées par un refus. Nous avons donc saisi le tribunal administratif, mais devons attendre 18 mois pour avoir la date de l’audience", explique Thomas, titulaire d’une licence en neuropsychologie obtenue en 2021.

Lui aussi souhaite devenir psychologue, profession qui requiert un bac+5 pour être exercée. Mais comme il a obtenu sa licence il y a trois ans, il ne pourra plus bénéficier du droit à la poursuite d’études. Sauf si le tribunal administratif tranche en sa faveur. Il n’abandonne pas son projet professionnel pour autant et continue d’effectuer des stages dans son domaine de spécialisation.

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