Décryptage

Les écoles de commerce de plus en plus soucieuses de la transition écologique

TBS a mis en place, à la rentrée 2023, deux cours de 15 heures sur la RSE et le développement durable, obligatoires pour tous les étudiants de troisième année.
TBS a mis en place, à la rentrée 2023, deux cours de 15 heures sur la RSE et le développement durable, obligatoires pour tous les étudiants de troisième année. © Lydie LECARPENTIER/REA
Par Thibaut Cojean, publié le 30 novembre 2023
5 min

L'intégration des enjeux écologiques dans les écoles de commerce s'accélère sans que leur modèle économique soit questionné.

Parmi les 37 écoles de commerce classées par l'Etudiant, 11 bénéficient d'un point bonus pour l’obtention du label DD&RS, qui récompense leur engagement pour la transition écologique. Un virage qui se traduit en premier lieu dans la formation des étudiants. 

"Dans nos cursus, la transition écologique implique d'articuler une réflexion économique avec la nécessité de protéger l'environnement et les principes de justice sociale", définit Aurélien Feix, enseignant-chercheur à TBS Education. L'école toulousaine, labellisée depuis 2017, a mis en place, à la rentrée 2023, deux cours de 15 heures sur la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et le développement durable, obligatoires pour tous les étudiants de troisième année.  

Un programme significatif, mais encore éloigné de la recommandation du Shift Project, un groupe de réflexion œuvrant pour la décarbonation de l’économie, qui préconise un socle de 48 heures dédié aux enjeux écologiques, complété de cours de gestion "revus à l’aune des limites planétaires", précise Kelvin Frisquet, chef de projet du rapport ClimatSup Business. "Les limites planétaires viennent percuter l'ensemble des disciplines de gestion dans leur contenu, car elles se sont épanouies dans un univers où on ne les connaissait pas", développe-t-il.  

Des programmes intégrant les enjeux écologiques

Qui dit limites planétaires, dit sciences naturelles. Physique du climat, biodiversité ou ressources fossiles, des contenus d'ordinaire assez éloignés du monde du commerce. "On fait en sorte que les étudiants comprennent les concepts-clés, souligne Aurélien Feix. L'objectif n'est pas de former des scientifiques ou des sociologues de l'environnement, mais des futurs managers et entrepreneurs." 

Le programme prévoit également des séances de débats et des conférences obligatoires, pour "aborder les controverses de front", en particulier le rôle de la croissance économique, "la question la plus délicate dans le développement durable".  

En juin dernier, la CDEFM (Conférence des directeurs des écoles françaises de management) a édité un référentiel de compétences visant à "accompagner les écoles à mettre en place un enseignement responsable", précise Bruno Neil, président de la commission nationale RS et DD et directeur d'Excelia. Parmi les recommandations, on retrouve la même refonte des maquettes avec un socle de connaissances "d'une trentaine d'heures" et une intégration des enjeux écologiques dans "l'ensemble des enseignements".  

Des écoles qui évoluent lentement

La "deuxième étape", c'est que "chaque école avance sur son schéma directeur" de réduction de son propre impact environnemental. "On parle alors de stratégie, de mobilité des étudiants, d'efficacité énergétique des bâtiments, des partenariats de l'école", détaille Elodie Binois, ancienne étudiante de Skema et présidente de l'association Ambitions transitions, qui pousse les acteurs de l'enseignement supérieur à engager leur transition. L'intention est là, mais il y a une lenteur bureaucratique. En interne, c'est difficile pour les équipes en sous-effectif de faire bouger leurs collègues, les enseignants, la direction…" 

"Beaucoup de choses freinent les écoles", abonde Kelvin Frisquet, qui souligne notamment "un contexte de compétition marqué par les classements et les accréditations" et le fait que "les dirigeants de ces établissements sont sensibles mais pas formés".

La CDEFM, elle, ne questionne pas les partenariats avec des sociétés nocives pour le climat, qui dépendent des "stratégies de chaque école". "Financièrement, elles sont dépendantes de certaines banques et grandes entreprises, analyse Elodie Binois. Ce sont des montagnes d'institutions à bouger."

"Donner de nouveaux récits"

"Ce constat ne l'empêche pas de réclamer plus d'ambition, et d'inviter les établissements à "donner des nouveaux récits". "Il faut réinterroger un bon nombre de normes véhiculées par l'enseignement supérieur", soutient-elle. Par exemple, "changer la manière dont on conçoit les métiers ou une carrière réussie" ou "revoir les attentes salariales qui ne sont pas en adéquation avec la réalité".

Le monde de l'entreprise n'est pour autant pas à écarter. Elodie Binois propose ainsi de repenser les études de cas données aux étudiants, en mettant de côté les sociétés "qui ne respectent pas l'accord de Paris" et en favorisant "celles qui ont réussi à atteindre un modèle économique en adéquation avec les enjeux planétaires et sociétaux".

Selon le Shift Project, la transition des écoles pourrait d'ailleurs s'accélérer grâce à leurs besoins. "Le rôle des écoles est de préparer les étudiants au monde dans lequel ils vont vivre. Or, il sera très différent du monde actuel", rappelle Kelvin Frisquet, avant d'étayer avec du concret : "La réglementation évolue avec les enjeux écologiques, notamment dans la finance. Les entreprises vont avoir besoin de diplômés qui comprennent ces enjeux de façon à analyser les solutions et leurs pertinences".

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