Décryptage

Quelle licence faire pour réussir les concours des écoles de journalisme ?

Les licences en sciences humaines sont appréciées par les futurs étudiants en journalisme.
Les licences en sciences humaines sont appréciées par les futurs étudiants en journalisme. © Orapun / Adobe Stock
Par Clémentine Rigot, publié le 13 juillet 2023
7 min

Accessibles à bac+3, les concours des 14 écoles de journalisme reconnues par la profession restent la voie royale d’entrée dans le métier. Au-delà des prépas et des révisions, y a-t-il un cursus qui en favorise l’accès plus qu’un autre ?

"Il n’y a pas un impératif pour une filière d’études", rassure Éric Duquesnoy, directeur-fondateur de la prépa IPESUP aux écoles de journalisme et auteur du manuel Intégrer une école de journalisme. "L’essentiel c’est d’avoir une licence. Les établissements veulent un support universitaire solide", précise-t-il.

Les écoles de journalisme cherchent en effet à recruter des jeunes avec un bagage universitaire, des capacités de travail et de réflexion. Mais côté spécialité, rien n’est, à priori, rédhibitoire.

Les licences en sciences humaines particulièrement prisées

Cependant, plusieurs licences reviennent régulièrement dans les dossiers. "Chaque année, entre les deux tiers et les trois quarts des candidatures que l'on reçoit émanent d'étudiants qui ont fait des études de lettres, de langues ou de sciences humaines", admet Arnaud Schwartz, journaliste directeur de l’IJBA (Institut de journalisme Bordeaux Aquitaine).

Parmi celles-ci, les jeunes semblent particulièrement friands des sciences politiques, en IEP ou à l’université, et des licences d’histoire, de lettres, de droit, de communication et de langues vivantes.

Même son de cloche à l’IPESUP, où les licenciés de ces formations foisonnent. Mais du côté des attentes des écoles, on note une évolution depuis quelques temps. "Il y a une vingtaine d’années, il y avait une préférence plus ou moins déclarée pour les licences d'histoire, de droit ou les prépas littéraires. Désormais, on recherche plutôt des profits différents, venant d’études scientifiques, de commerce, d’économie", explique Éric Duquesnoy.

Une carte à jouer dans les sciences dures

"Dans les rédactions aujourd’hui, il y a un déficit de journalistes avec un cursus plus proche des sciences dures ou qui auraient fait de l'économie, de la gestion, de l'informatique", abonde Arnaud Schwartz. De nouvelles pistes à explorer ? Le directeur en est convaincu. "On a besoin de gens qui savent coder, qui ont des notions scientifiques, qui savent manier de la data", assure-t-il.

Alors pourquoi ces filières demeurent encore délaissées par les aspirants journalistes ? "On se projette moins naturellement vers le journalisme quand on a fait biologie, physique ou économie. Mais ce sont des filières qui ont toute leur place dans nos concours puisque des jeunes journalistes avec une formation universitaire dans ces disciplines intéressent des rédactions". Changement climatique, intelligence artificielle, data... Les sujets de demain gagnent à être saisis par de futurs journalistes avec de solides bagages scientifiques.

L’épineuse question de la culture générale

Finalement, existe-t-il une licence qui prépare mieux à l’épreuve de culture générale ? Rien n’est moins sûr. Même si elle s’est raréfiée dans les épreuves écrites comme orales, elle reste un pilier non négligeable des concours. ESJ, CFJ et Cuej y accordent encore une place importante.

Mais tous les jeunes ne sont pas égaux devant les épreuves de culture générale. "On a des étudiants qui viennent précisément de milieux où la culture générale ne se trouve pas dans le berceau", analyse Safia Allag, journaliste enseignante à la prépa La Chance.

En effet, c’est dans ce genre d’épreuves que sont davantage marquées les différences entre candidats, et ceux des familles plus aisées avec un important capital culturel auront potentiellement plus de facilité à les préparer.

Pourtant, la tendance est plutôt à la curiosité qu’à la culture générale, dont l’importance s’amenuise peu à peu. C’est davantage "le flagrant-délit de manque de curiosité", comme le nomme Safia Allag, que l’on va sanctionner à l’examen. "Par exemple si l’on parle beaucoup dans l’actualité de la fraude fiscale et qu’un étudiant n’a pas la curiosité d’aller voir ce que ça représente financièrement, n’a pas d’idée de l’ordre de grandeur, etc.", il sera pénalisé.

Se renseigner, lire, assister à des expositions… Les moyens de booster sa culture sont multiples et tous ne nécessitent pas un fort investissement financier direct.

La curiosité au centre du projet de l’élève

"Il faut qu’ils aient un souci d’ouverture sur un certain nombre de sujets", résume quant à lui Éric Duquesnoy, couplée d’une "solide connaissance de l’actualité". Reste un piège à éviter : être très calé sur un thème en négligeant le reste. "Si on a déjà un domaine bien précis en tête, ça peut être intéressant de choisir cette filière en licence. Mais sans se sentir hyperspécialisé, au risque de déconvenues !"

C’est particulièrement vrai aux oraux : "le jury appréciera qu’il y ait déjà un projet, mais il vérifiera que l’étudiant est à l’aise en dehors de son domaine de prédilection", met en garde le directeur. "Il faut avoir le goût de se lever le matin en étant le spécialiste de rien et en aimant relever le défi qui consiste à s’emparer d'un sujet sans forcément le connaître très bien au début et à devenir capable de vulgariser", ajoute Arnaud Schwartz.

Être solide sur les fondamentaux

Même avec une excellente préparation, ces concours restent difficiles, avec un taux de réussite d’à peine 11%, et nécessitent une importante charge de travail. "Il ne faut pas y aller les mains dans les poches, concède Éric Duquesnoy. Les écoles ont une stratégie presque malthusienne, c’est-à-dire qu’elles ne veulent pas galvauder le diplôme."

Au-delà de la charge de travail, il est nécessaire de maitriser les bases du secondaire et du premier cycle universitaire. "Il faut assurer les fondamentaux d’expression en français, d’ouverture d’esprit et d’intérêt pour différents sujets", précise Éric Duquesnoy. Point d’honneur à apporter à l’écriture : aux concours, une copie pleine de fautes, ça ne pardonne pas ! "Nous sommes aussi des garantes de la langue, de la bonne orthographe et de la bonne syntaxe", affirme Safia Allag.

Comment se démarquer ?

Quelle que soit votre licence, il existe des moyens de dynamiser son dossier face au jury : "avoir déjà écrit, un blog par exemple ou des articles même si c'est pour soi, énumère Éric Duquesnoy. Avoir déjà fait des stages aussi, c’est important. Avoir des expériences intéressantes qui montrent une ouverture d’esprit". Association, voyages, engagement… Les possibilités sont nombreuses.

Important aussi de savoir prendre du recul sur la profession pour, peut-être, préparer le journalisme de demain. "C’est un métier qui offre beaucoup d'opportunités, avec des dizaines de missions différentes qui ne font pas toutes appels uniquement aux qualités de plumes ou à la capacité à œuvrer dans l’univers des mots", rappelle Arnaud Schwartz.

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