Décryptage

Parité dans les sciences en 2027 : le défi impossible d'Elisabeth Borne ?

La Première ministre, Elisabeth Borne, a lancé plan en faveur du renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes.
La Première ministre, Elisabeth Borne, a lancé plan en faveur du renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes. © Eric TSCHAEN/REA
Par Clément Rocher, mis à jour le 10 mars 2023
6 min

Le gouvernement souhaite atteindre la parité dans les filières scientifiques d'ici 2027. Mais alors que le secteur mène des actions depuis plusieurs années sans y parvenir et que la réforme du lycée a éloigné les filles des maths et de la physique, cette ambition semble déjà irréalisable.

Mission impossible ? Le gouvernement souhaite encourager la mixité dans les filières scientifiques et atteindre la parité d'ici 2027. C'est l'une des ambitions du plan en faveur du renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes, dévoilé par la Première ministre, Élisabeth Borne, à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, ce mercredi 8 mars.
Si l'objectif est louable, il paraît néanmoins impossible à atteindre étant donnée la situation actuelle dans le paysage de l'enseignement supérieur.

Moins de 20% de filles en informatique

"Certaines filières sont très hétérogènes en matière de répartition hommes-femmes. Si on regarde les formations en sciences de la vie ou en santé, il y a une majorité de filles. Par contre, dans les sciences fondamentales, en maths, physique, chimie, informatique, mécanique, sciences de l’ingénieur, on n'y est pas du tout et on n'y sera pas à la fin du quinquennat", affirme Mélanie Guenais, maîtresse de conférences en maths à l'université Paris-Saclay et coordinatrice du Collectif Maths & Science.

Selon les données du ministère de l'Enseignement supérieur, les jeunes femmes étaient, par exemple, significativement sous-représentées dans les filières STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) et numériques en 2020-2021. Elles représentaient 19,1% des étudiants en licence informatique et 18,3% en licence mécanique.

La réforme du lycée a pénalisé les filles

"La réforme ne nous aide pas vraiment. Les filles ne vont pas suffisamment vers les études scientifiques, car pour l'instant, nous n'avons pas de vivier" à la sortie du lycée, regrette Aline Aubertin, présidente de l'association Femmes Ingénieures. La situation n'est pourtant pas sensible après le collège. "Est-ce qu’on a suffisamment de filles scolarisées en seconde, qui auraient toutes les capacités pour y arriver ? La réponse est oui !"
"Il faudrait rendre obligatoire l'enseignement de maths en première et en terminale avec un volume horaire significatif. Ce serait le seul moyen de faire remonter le nombre de filles en maths", considère Mélanie Guenais.
Une recommandation qui ne trouve pas écho auprès du ministère de l'Éducation nationale. La Première ministre a néanmoins annoncé sa volonté de mettre en place des objectifs cibles de mixité dans les spécialités maths et physique-chimie en première, ainsi que dans l’option maths expertes en terminale.

Renforcer l'attractivité des sciences dès le collège

Dans les formations d'ingénieur, où les femmes représentent 27% des inscrits et comptent pour moins de 19% des apprentis, "c'est un sujet qui préoccupe toutes les écoles", soutient Alain Schmitt, directeur de l'IMT Nord Europe, qui compte 23% de femmes.

Les établissements s'emparent du problème depuis des années, par exemple via la "mise en place d'actions très en amont de l'enseignement supérieur". À l'instar de Jeanne, étudiante de l'IMT Nord Europe, qui interviendra, à la fin du mois de mars, auprès de 183 filles de seconde du lycée de la Vallée de Chevreuse à Gif-sur-Yvette (91) pour témoigner de son expérience.
"Il est certain qu'on aura des résultats en allant dans les collèges et lycées, à la racine du problème", explique Alain Schmitt. Elisabeth Borne l'a également compris, puisqu'elle envisage de généraliser la mise en relation, avec des rôles modèles, dans le cadre des actions d'orientation et de découverte des métiers au collège.

La question de l'orientation est centrale

Cette méthode a déjà fait ses preuves, par exemple, à l'École des Ingénieurs de la Ville de Paris (EIVP), tournée vers le génie urbain. "Nous avons cet équilibre femmes-hommes depuis près de 25 ans", précise Franck Jung, directeur de l'établissement. Comment ? "Nous sommes en lien avec un lycée parisien dans lequel nous apportons des conseils d'orientation. Il y a autant de filles que de garçons impliqués dans cette initiative."
Cependant, le chemin est encore long, et les effets de la réforme du lycée ne permettent pas de croire à la parité en 2027. "Il faut beaucoup mieux expliquer aux jeunes comment fonctionne le jeu des spécialités au lycée, estime Aline Aubertin. Un jeune qui a abandonné toutes les matières scientifiques en première se ferme des possibilités, et quand il s'en rend compte, c'est souvent trop tard."
"Les filles ont moins conscience de la plus-value des métiers scientifiques que les garçons, poursuit Mélanie Guenais. Il faut mettre les filles et les garçons à égalité sur la connaissance des conséquences de l'impact de leur choix pour leurs études futures." Et recommande également de lutter contre les stéréotypes avec une formation des équipes encadrantes dans les établissements scolaires.

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