Enquête

Sur Parcoursup, à quel point le lycée d’origine est-il pris en compte dans la sélection ?

À l'heure actuelle, l'anonymisation du lycée d’origine n'est pas envisagée par le ministère de l'Enseignement supérieur.
À l'heure actuelle, l'anonymisation du lycée d’origine n'est pas envisagée par le ministère de l'Enseignement supérieur. © Adobe Stock/Uolir
Par Marine Ilario, publié le 17 avril 2023
5 min

Tantôt critiquée, tantôt jugée nécessaire, la mention du lycée d’origine sert à la sélection des dossiers Parcoursup. Mais selon le type de formation, ce critère est plus ou moins utilisé. On fait le point.

Sur Parcoursup, en plus des notes ou des lettres de motivation, certaines formations regardent aussi les lycées d'origine des candidats pour les classer. Cette information est en effet indiquée dans les dossiers, à l'inverse de données personnelles qui restent anonymes, comme le nom ou l'adresse du candidat.

Pourtant, cette pratique ne fait pas l’unanimité. Moyen de discriminer les élèves en fonction de leur lycée ou façon d’assurer une mixité dans les formations du supérieur, tout le monde y va de son argument. Mais alors dans quelles formations ce critère a-t-il son importance ?

Le lycée d'origine peu regardé par les universités

Dans les filières non sélectives, comme les licences, le lycée d’origine ne semble pas être un élément ayant un poids dans la sélection des candidats. Pour Marie-Karine Lhommé, vice-présidente formation à l’université de Lyon 2, cette donnée n’est pas utile dans les formations non sélectives. "Quand on a des formations où l’on va au bout des listes de candidatures, on n’a pas besoin de ces données-là", explique-t-elle.

L’université Lyon 2 va même plus loin puisque la commission d’examen des vœux refuse d’utiliser d’autres éléments caractéristiques d’un lycée sélectif : "On gomme tout ce qui peut être propre à un lycée d’élite, comme les options dont certaines peuvent être rares."

Selon Ghislaine Godinaud, directrice du département licence pour le collège sciences et technologies de l’université de Bordeaux (33), le critère du lycée d’origine ne devrait pas être regardé du fait du risque d’une discrimination entre les candidats. Si la donnée est bien connue, "elle n’est pas utilisée comme critère de sélection, même dans nos formations sélectives".

En prépa, connaître les lycées d’origine assure une mixité sociale

Pourtant, c’est souvent dans les filières sélectives que le critère du lycée d’origine est regardé. Comment les formations justifient-elles ce besoin de recourir à cette donnée pour départager les candidats ?

Pour Alain Joyeux, président de l'Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales (APHEC), ce critère permet de diversifier les recrutements. "Cela nous permet d’aller chercher des candidats venant d’établissements qui, traditionnellement, n’envoient pas beaucoup leurs élèves en prépa."

Même argument pour Denis Choimet, président de l’Union des professeurs de classes préparatoires scientifiques (UPS), selon qui les classes prépas sont attentives à la diversité sociale. "On se doit de s’attarder sur les élèves qui viennent de plus petits lycées. Or, c’est la connaissance du lycée d’origine qui nous permet de diversifier les élèves dans nos établissements."

La place dans la classe plus importante que le lycée d’origine

Autre argument avancé : connaître le lycée d’origine permet de prendre en compte les différences de notations entre les lycées. "Un 14 de moyenne lorsqu’on est dans les quatre premiers de sa classe n’a pas la même valeur qu’un 14 quand on est dans les quatre derniers, illustre Thierry Delecolle, directeur du développement de l'école de commerce EMLV. C’est moins le lycée d’origine que la position dans la classe qui est importante pour nous."

Une information renseignée par le conseil de classe "qui permet d’indiquer si l’élève est dans une classe de terminale 'très bonne', 'bonne', 'assez bonne' ou 'moyenne'", indique Alain Joyeux. "Cette mention est importante, non pas pour blacklister certains lycées, ce qui serait scandaleux pour les lycéens qui s’y trouvent, mais pour mettre en perspective les notes inscrites dans le dossier."

Anonymiser le lycée d’origine, fausse bonne idée ?

Depuis plusieurs années la question d’une anonymisation des dossiers sur ce point est envisagée. Le Défenseur des droits en 2019, la Cour des comptes en 2020, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme en 2021 ou encore une proposition de loi d’octobre 2022 plaident pour l’anonymisation du lycée d’origine.

Des propositions que déplore Denis Choimet. "Derrière l’anonymisation, on sent un manque de confiance. Alors que la volonté est d’être particulièrement attentif aux établissements qui vont nous apporter de la mixité sociale."

Si, à l’université Paris 8, on ne voit aucune objection à l’anonymisation, elle reste une "précaution peu nécessaire, car l’étude des dossiers reste une étude humaine et bienveillante", selon Arnaud Desjardin, directeur général des services adjoints.

"Faites-nous confiance ! martèle Alain Joyeux. Notre objectif n’est pas de mettre un carton rouge à des établissements, mais d’apprécier au mieux les profils des élèves. L’objectif n’est pas simplement d’être admis dans une formation, mais c’est de pouvoir y réussir."

Pour l’heure, la position de la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, ne semble pas pencher pour une anonymisation du lycée d’origine. Lors d’une séance de questions des députés sur Parcoursup le 4 avril dernier, elle a rappelé son soutien aux formations qui l'utilisent comme critère de sélection : "La majorité […] le font pour favoriser l’ouverture sociale, souvent dans le cadre des Cordées de la réussite [un dispositif visant à lutter contre l'autocensure des élèves, NDLR]."

@letudiant_ Mentionner le lycée d'origine sur Parcoursup : pourquoi faire ? #orientation #parcoursup #etudiant ♬ son original - L’Etudiant

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