Décryptage

Vers un meilleur accompagnement des sportifs de haut niveau à l'université

Arthur Bauchet sport haut niveau SHN
L'université Grenoble-Alpes (38) compte 600 étudiants sportifs de haut niveau, dont Arthur Bauchet, inscrit en licence de physique, qui s'est notamment illustré aux jeux de Pékin 2022 en décrochant une médaille de bronze et trois médailles d’or (photo). © Lan Hongguang/XINHUA-REA
Par Clémentine Rigot, publié le 21 mars 2023
7 min

À l’approche des Jeux olympiques de Paris 2024, des universités se mettent en ordre de marche pour accompagner les étudiants sportifs de haut niveau. France Universités appelle aussi à faciliter l’accès aux études pour les 5.000 sportifs de haut niveau recensés par le ministère.

Jongler entre les études et une carrière sportive n’est pas chose aisée. "Aujourd’hui, si les sportifs de haut niveau (SHN) ne restent pas à l'université, c'est parce qu'ils ont l'impression qu'on ne va pas pouvoir adapter leur cursus", analyse Stéphane Braconnier, président de l'université Panthéon-Assas (Paris) et auteur du dernier rapport de France Universités sur le sujet.

Entraînements, compétitions, déplacements… Autant de paramètres à prendre en compte alors qu’encore trop peu d’établissements du supérieur sont réellement adaptés à la pratique du sport de haut niveau. "Nous préconisons de passer d’un système dans lequel le sportif s’adapte au cursus de formation à un système dans lequel le cursus du sportif de haut niveau est construit autour des contraintes de ce dernier", plaide Stéphane Braconnier.

L'université Grenoble-Alpes à l'avant-garde de l'accueil de sportifs de haut niveau

Pour autant, certains établissements se sont déjà mis en ordre de marche. L’université Grenoble-Alpes (38) a l’habitude d’accueillir ce profil d’élèves. L’établissement se targue d’accueillir 600 sportifs de haut niveau, toutes filières confondues, et pas des moindres : depuis les Jeux olympiques de Sochi 2014, c’est un total de 29 médailles qui ont été ramenées à la maison.

Plus impressionnant encore, une médaille tricolore sur trois aux JO de Pékin 2022 était autour du cou d’un ou d'une athlète de Grenoble-Alpes. Et le rapport de féliciter l’université : "Les sportifs de haut niveau contribuent, dans cet établissement, à l’image positive renvoyée par ce dernier. Leurs résultats mettent en valeur la qualité de l’accompagnement des personnels universitaires."

Des études individualisées pour répondre aux contraintes des SHN

Arthur Bauchet, 22 ans, y est ainsi inscrit en licence de physique. Et pour ce para-skieur alpin, l’université a tout à fait compris les attentes des athlètes, en particulier pour sa spécialité. "Ils ont saisi cette différence qu'on a, nous sportifs d'hiver, et ils adaptent totalement notre scolarité. Je peux faire ma licence en trois, six ou même neuf ans !"

Et ce temps additionnel, le skieur risque d’en avoir besoin. Avec une médaille de bronze et trois médailles d’or aux jeux de Pékin 2022, l’étudiant voit sa carrière décoller, lui laissant moins de temps à consacrer aux études. "L'hiver, on n'a pas besoin d’être en présentiel, ce sont des cours entièrement à distance, puis on y retourne entre avril et juin avant les examens", explique Arthur.

Ces études modulables incitent d'ailleurs le jeune athlète à aller plus loin. "J’aimerais poursuivre avec des études d’ingénieur, prévoit Arthur. C’était important pour moi de choisir un domaine différent de mon sport pour m’ouvrir un maximum de portes et faire selon mes envies à la fin de ma carrière."

Comme lui, ils sont une centaine parmi l’élite des sportifs d’hiver à faire partie du dispositif "Inter’val", mis en œuvre par l’université. Cette scolarité asynchrone et individualisée, avec une rentrée universitaire en juillet et des sessions spéciales d'examens, permet un suivi personnalisé et un accompagnement au plus près des athlètes, tout en leur laissant la liberté et le temps nécessaire pour poursuivre leur carrière.

Des formations 100% à distance

D'autres universités misent sur le tout distanciel pour accompagner les étudiants SHN. C’est notamment le pari de l’université Panthéon-Assas qui a mis en place des cursus numériques pour les sportifs de haut niveau. La fac de droit propose ainsi une licence 100% à distance : les étudiants reçoivent des vidéos explicatives de leurs professeurs, des syllabus, des exercices.

Une solution qui permet de lever les difficultés techniques auxquelles sont confrontés les SHN en présentiel. "J’ai fait ma première année en présentiel, explique Léa Fontaine, 21 ans, mais c’était très compliqué car avec mes déplacements, je n’étais jamais là. Il fallait rattraper les cours, les profs n’étaient pas toujours compréhensifs et à cause des entraînements et des compétitions, je multipliais les absences."

La judokate, qui espère préparer les JO de Paris 2024, avait dû batailler pour s’orienter vers le droit. "On me disait que c’était une filière trop chronophage. D’habitude, on oriente les sportifs de haut niveau plutôt vers la licence STAPS, car c’est la branche qui est déjà présente à l’INSEP [Institut national du sport, de l'expertise et de la performance]".

Aujourd’hui, grâce au cursus en ligne, son emploi du temps s’est transformé. Passant au minimum six heures par jour sur le tatami, elle peut mieux gérer son temps de travail. Entraînement le jour et, le soir et les week-ends, elle planche sur les textes de loi et les devoirs. Côté budget, c’est la fédération de Léa qui prend en charge la formation, pour permettre un réel et équitable accès aux études.

Une plateforme inter-universitaire numérique pour offrir l'ensemble des formations à distance

"Certains domaines, comme le droit, la médecine ou les langues, ne sont dispensés qu’à l’université", rappelle Stéphane Braconnier. Il préconise ainsi d’instaurer un "droit à l’aménagement des études", mais aussi, mesure phare, la création d’une plateforme inter-universitaire numérique mutualisée "qui agrégerait les compétences de plusieurs universités et qui associerait l’INSEP pour pouvoir offrir, à distance, l’ensemble du panel de formations".

Des mesures qui permettraient aux sportifs de haut niveau, notamment en situation de handicap, de vivre plus sereinement leurs formations, en étant accompagnés au mieux par le monde de l’enseignement supérieur.

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