Décryptage

Lycée pro : quatre incertitudes autour de la réforme

Emmanuel Macron lors de sa visite au lycée professionnel Argensol d'Orange, le 1er septembre 2023.
Emmanuel Macron lors de sa visite au lycée professionnel Argensol d'Orange, le 1er septembre 2023. © Eliot blondet/pool-REA
Par Marine Ilario, publié le 20 septembre 2023
5 min

Création de bureaux des entreprises, nouvelle classe de terminale, refonte de la carte des formations... Si les contours de la réforme de la voie professionnelle semblent clairs, de nombreuses questions restent en suspens.

Annoncée dès le mois de mai par Emmanuel Macron, la réforme de la voie professionnelle a commencé à se mettre en place dès cette rentrée. Pour autant, des incertitudes persistent.

Vers une modification du calendrier des épreuves

Avec la création d’une nouvelle classe de terminale, la réforme de la voie pro induit un changement de calendrier du bac. Dans un communiqué détaillant point par point la réforme, le ministère l’envisage d’ailleurs très clairement : "L’année de terminale sera transformée et permettra au lycéen […] de passer certaines épreuves plus tôt dans l’année scolaire", indique-t-il.

Pour l'heure, aucune date n’est arrêtée. Alors que les syndicats craignent un avancement des épreuves au mois de mars, des concertations devraient se mettre en place.

Des options inégales dans chaque lycée

La réforme encourage la création d'options. Jusque-là, les élèves de la voie professionnelle n’avaient pas la possibilité de choisir des options en plus de leurs cours, comme on peut le faire en voie générale et technologique.

Dès cette rentrée, les lycées volontaires ont la possibilité de proposer des cours optionnels tels que "des cours de langue, de codage, d’entrepreneuriat", explique le ministère l’Enseignement et de la Formation professionnels dedans son communiqué.

Du côté des syndicats, on salue l’intégration d’options au cursus, mais le Snuep-FSU (le syndicat de l'enseignement professionnel public) émet toutefois quelques réserves.

Lors de sa conférence de presse de rentrée, il rappelle que ces options seraient considérées comme une activité périscolaire, car elles ne bénéficieraient d’aucun programme national. Concrètement, aucune évaluation de ces options n’est envisagée, si bien qu’elles ne seraient donc pas prises en compte dans l’obtention du bac alors même qu’elles représentent une charge de travail importante pour les élèves.

La création d’options, qui devrait s’appliquer à tous les lycées à la rentrée 2024, dépend également de l’engagement des enseignants dans le Pacte enseignant ce qui risque de créer des inégalités entre les établissements en fonction du nombre de professeurs volontaires.

Le Pacte enseignant, c’est quoi ?

Le Pacte enseignant est un système de rémunération des enseignants, basé sur le volontariat, en contrepartie de la réalisation de missions supplémentaires comme le remplacement de courte durée, le soutien scolaire, etc.

Une réforme trop dépendante du Pacte enseignant

Même souci pour de nombreux autres dispositifs souhaités par la réforme comme la mise en place de cours en demi-groupes pour l’enseignement des savoirs fondamentaux, du dispositif "Tous droits ouverts" ou "Ambition emploi", le parcours consolidation pour les élèves en difficulté en première année de BTS, l'intervention en collège pour la découverte des métiers ou la participation au bureau des entreprises.

Toutes ces missions dépendent de l’engagement des professeurs dans le Pacte enseignant. Pour Axel Benoît, co-secrétaire général du Snuep-FSU, cela revient à "culpabiliser et mettre toute la responsabilité de l’application de la réforme sur les épaules des enseignants".

Pour le moment, le ministère n'a pas encore indiqué le nombre d’enseignants engagés dans le Pacte. Difficile donc de savoir comment la réforme va s’appliquer, mais des inégalités entre les établissements risquent de voir le jour en fonction du nombre de volontaires.

Pour cette réforme, le gouvernement misait sur l'objectif de 30% d’enseignants pactés. Mais les premiers résultats semblent loin des attentes du ministère. D’après une enquête du SNPDEN (syndicat national des personnels de direction de l'Éducation nationale), dans plus de la moitié des collèges et lycées, moins de 10% de l'enveloppe du pacte a été signée, et même 0% dans 30% des établissements.

Sur l’ensemble des briques (ou missions) proposées, seules 28% en moyenne ont été attribuées dans les lycées professionnels.

Pas assez d'enseignants en lycée pro

L'encadrement au sens large posera également problème, car les lycées professionnels sont aussi confrontés à une crise d’attractivité du métier d’enseignants.

En 2023, sur 1.925 postes à pourvoir, 1.421 ont trouvé preneur. "Dans l’ensemble, 28% des places n’ont pas été pourvues, là où ce chiffre tournait en moyenne entre 10 et 15%", précise le Snuep-FSU.

À cela, s’ajoute la crainte de nombreux départs après l’annonce de la refonte de la carte des formations. Toujours selon le Snuep-FSU, "l’idée est de modifier les filières rapidement de manière pluriannuelle […]. Cela impliquera inéluctablement un vaste plan de reconversions forcées des professeurs".

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