Reportage

Une rentrée sous le signe de l'incertitude en lycée professionnel

Il reste encore des interrogations au sujet de la mise en place de la réforme du lycée professionnel.
Il reste encore des interrogations au sujet de la mise en place de la réforme du lycée professionnel. © Florian Dacheux
Par Florian Dacheux, publié le 05 septembre 2023
5 min

Alors que la réforme de la voie professionnelle fait beaucoup parler, les élèves du lycée polyvalent Philippe de Girard d'Avignon retrouvaient leur établissement cette semaine. Encourageantes, les annonces n'offrent pas de perspective claire aux enseignants et aux élèves.

C’est sous un beau soleil estival que les lycéens en bac professionnel du lycée polyvalent Philippe de Girard ont effectué leur rentrée ce lundi 4 septembre à Avignon (84). Une rentrée sous l'ombre de la réforme de la voie professionnelle. Trois jours plus tôt, le président de la République s’était rendu non loin, au lycée de l’Argensol à Orange, pour défendre sa réforme.  

Celle-ci vise "100% d’insertion" et "zéro" décrocheurs, avec comme nouveautés la gratification des stages des élèves, l’arrivée d’un(e) responsable d’un bureau école - entreprise dans chaque établissement ou encore le dispositif Ambition Emploi.

Des annonces encourageantes

Pour son premier jour en terminale Systèmes numériques, Enzo vient tout juste d’apprendre la nouvelle. Il rebondit : "Ce bureau peut vraiment nous aider car beaucoup de jeunes décrochent. A l’arrivée, c’est dommage, car ils n’intègrent pas les sections qu’ils veulent." 

"Le recrutement d’un animateur d’un bureau des entreprises ne peut qu’être bénéfique, appuie Hervé Chapelle, le directeur délégué à la formation professionnelle et technologique (DDFPT). Ça permettra d’avoir un interlocuteur bien identifié sur le lien entre nous et les entreprises, notamment pour la gestion des conventions de stages. Jusqu’à présent, professeurs, CPE et moi-même faisaient la liaison avec nos propres carnets d’adresses." 

"Le souci, c’est l’orientation"

Situé à deux pas du quartier populaire de La Rocade, marqué par un fort taux de chômage et l’accueil de primo-arrivants, cet établissement a en effet pris l’habitude d’actionner ses propres leviers. Si bien que pour l’heure, la réforme est davantage vue comme un effet d’annonce.  

"Le souci, c’est l’orientation et cette réforme ne va rien changer pour nos problèmes de place en mécanique et carrosserie par exemple, témoignent de concert Sébastien Alix et Hélène El Baghli, conseillers principaux d’éducation. On a trop d’élèves en fin de 3e qui se retrouvent sans rien." Et de regretter l'orientation choisie : "L’an dernier, en maintenance systèmes industriels, 17 élèves sur 24 ne voulaient pas être là."   

Idem pour les stages. Bien souvent sans réseau, beaucoup se retrouvent sur la touche. "Ils n’ont pas les codes et raisonnent quartier, poursuivent les CPE. La gratification des stages, pourquoi pas. Mais là encore, nous ne sommes pas convaincus que ça les pousse davantage. Avant une réforme, il faudrait d’abord revoir comment on intègre ces élèves particuliers. Beaucoup viennent ici car ils ne veulent pas sortir du quartier. On souffre du phénomène du lycée de secteur. On a perdu en mixité."

Des stages en suspens

Reconnu pour ses filières prédominantes en maintenance des véhicules et électrotechnique, ainsi que pour sa mention complémentaire en cybersécurité, le lycée polyvalent Philippe de Girard, aussi appelé Campus des Sciences et Techniques, n’a en revanche pas de quoi s’inquiéter pour fournir bon nombre de métiers en tension. Il bénéficie en outre de partenariats avec des entreprises et des associations locales.  

"La vraie nouveauté, c’est la carte des formations qui va évoluer très vite, notamment dans le cadre de France 2030, observe le proviseur Florent Briard. On s’attendait à la gratification des stages car il y a une vraie concurrence de l’apprentissage. Ce que l’on retient, c’est un meilleur accompagnement de la formation et une volonté de se rapprocher du monde économique. C’est aussi lié au Pacte que les enseignants seront invités à signer d’ici début octobre."   

Des zones d'ombres à éclaircir

Pour autant, cette rentrée en lycée professionnelle souffre encore de quelques angles morts. Pour Hervé Chapelle par exemple, le Pacte enseignant ne changera rien. "C’est simplement une autre manière de rémunérer les profs sur des choses qu’ils font déjà. La différence, c’est que vous vous engagez à faire jusqu’à 18 heures d’heures supplémentaires."  

Il questionne aussi la volonté de scinder la terminale professionnelle en deux groupes, l'un destiné à la poursuite d'études, l'autre à l'insertion professionnelle. "Ce qui m’étonne, c’est la modification des périodes de stage en fin d’année de terminale. On écourterait le stage pour ceux qui sont en poursuite d’études et on l’allongerait pour ceux qui veulent s’insérer. Ça ne me paraît pas très égalitaire." Tant de questions qui restent en suspens et qu'il faudra rapidement clarifier alors que l'année scolaire vient de démarrer. 

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